A propos de la « relance des discussions » entre patronat et syndicats

La relance des discussions entre patronat et syndicats aurait-elle pour d'aménager la réforme des retraites rejetés par l'écrasante majorité des Français ?

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT et Patrick Martin, président du Medef, à la fête de "L'Humanité", le 14 septembre (Capture d'écran de la chaîne YouTube du journal l'Humanité)
Par la rédaction d'IO
Publié le 19 septembre 2024
Temps de lecture : 3 minutes

Le journal Le Monde a consacré lundi 16 septembre un article en ligne à la « relance des discussions » entre le patronat et les syndicats en France, relevant qu’elle « vient de s’illustrer dans une scène très inhabituelle : la participation du Medef à la Fête de L’Humanité », le week-end dernier.

Le quotidien précise : « Les prises de contact s’enchaînent pour retisser des liens qui s’étaient distendus. Depuis la rentrée scolaire, le patronat et les syndicats ont eu plusieurs entretiens apaisés, dans le souci manifeste de se montrer constructifs.  »

Que les syndicats discutent avec le patronat, cela fait partie de leurs prérogatives… Mais on peut légitimement se poser la question : de quoi discutent-ils exactement ?

De quoi discutent-ils exactement ?

Il y a une semaine, le patron du Medef, Patrick Martin, attend que Michel Barnier « n’embraye pas sur certaines propositions comme l’abrogation de la réforme des retraites », réforme qu’il considère comme une « impérieuse nécessité », « indispensable et même un peu sous-dimensionnée » (RTL, 10 septembre).

Il y a une semaine, toujours, à la question : « est-ce qu’il faut revenir sur le report de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans », le chef du Medef a dit clairement : « non », appelant Michel Barnier à « rétablir la confiance » des chefs d’entreprise et à « prolonger » la « politique pro-entreprise » menée ces dernières années (Le Figaro, 10 septembre).

À l’inverse, on trouve dans nombre de déclarations syndicales voire intersyndicales les revendications vitales minimums, à commencer par l’« abrogation de la loi retraites ». Mais c’est aussi le cas sur la question des salaires, de l’assurance chômage, etc.

Pense-t-on qu’on peut les faire reculer avec discussions et sourires affichés ?

« Relancer les discussions » pour obtenir satisfaction, pourquoi pas ? Mais le patronat a fait campagne pour Macron et le Rassemblement national qui défendent ses revendications. Le même Patrick Martin, à la veille des universités du Medef, avait déclaré au Figaro : « Si le programme de LFI était appliqué, ce serait insupportable pour le pays » (26 août). Etant donné qu’au moins 80 % des revendications salariales présentes dans le programme du Nouveau Front populaire (NFP) sont identiques à celles défendues par les syndicats, il y a pour le moins de quoi s’inquiéter sur la volonté du Medef de répondre aux exigences des salariés.

A partir de là, pense-t-on qu’on peut les faire reculer avec discussions et sourires affichés ? Encore une fois, pourquoi pas ? Rien n’empêche d’y croire, et d’essayer.

Tout ce qui a été obtenu l’a été par le rapport de force, la mobilisation déterminée, la grève…

Gardons toutefois en mémoire que toute la récente période (au moins) a démontré qu’ils n’ont lâché sur rien, au contraire. A l’inverse, tout ce qui a été obtenu l’a été par le rapport de force, la mobilisation déterminée, la grève… Encore récemment, avec la mobilisation victorieuse des candidats au concours de professeur des écoles dans l’académie de Toulouse. Mais aussi la grève des internes d’hôpitaux en Grande-Bretagne qui débouche sur une augmentation salariale de 22 %.

Dans la récente période, c’est aussi le rassemblement des salariés de Valéo à Paris ce mardi, le débrayage des salariés de Saunier-Duval à Nantes le 9 septembre dernier, l’appel à la grève des agents de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) le 19 septembre prochain, etc.

A chaque fois, c’est la mobilisation des salariés qui peut faire reculer la direction, avec ou sans les syndicats unis, et bien souvent avec.

Observons qu’aux Etats-Unis, en pleine campagne électorale, alors que mille supputations, les sondages, les coups tordus, les alliances vont bon train, les ouvriers de Boeing, sans attendre les élections, avec une confiance limitée dans les politiques à venir, par la grève totale et massive, indiquent qu’ils n’ont pas l’intention de céder un millimètre sur leurs exigences vitales.

Pour gagner sur les revendications, il n’est peut-être pas inutile de regarder aussi de ce côté. Puisque des millions refusent la vie encore plus pourrie que Barnier et Macron leur préparent, et qu’ils l’ont dit nettement par leur vote. Ce que confirme l’importance de la validation de la procédure de destitution par le NFP.