Non, Monsieur Macron, l’Onu n’a pas fondé l’Etat d’Israël

Macron a affirmé que l’Onu a créé l’État d’Israël, ce que conteste Netanyahou en affirmant que la constitution de l’État d’Israël répond au combat et à l’aspiration des masses juives. Les deux falsifient l’histoire.

(photos AFP).
Par Lucien Gauthier
Publié le 18 octobre 2024
Temps de lecture : 5 minutes

Après la Première Guerre mondiale et la chute de l’Empire ottoman, les Britanniques et les Français se partagent les possessions moyen-orientales de celui-ci. Si la Grande-Bretagne obtient la plupart de ses possessions (Arabie, Irak, Égypte et un mandat sur la Palestine), la France obtient la Syrie et, utilisant la présence d’une minorité chrétienne, la disloque pour constituer le Liban sous contrôle.

La Grande-Bretagne, pour dominer, doit diviser. En 1917, le ministre britannique Balfour se prononce pour la création en Palestine d’un « foyer national juif ». Pour les sionistes, il s’agit de la possibilité de constituer un État juif. Tandis que pour la Grande-Bretagne, il s’agit, avec les Juifs d’Europe, d’envoyer des contingents européens contre les Palestiniens. La Grande-Bretagne va donc reconnaître des droits spécifiques, notamment économiques, aux Juifs d’Europe en Palestine, provoquant ainsi des conflits avec les Palestiniens.

Le sionisme, un mouvement constitué à la moitié du XIXe siècle est alors ultra-minoritaire dans les populations juives d’Europe. En France et en Grande-Bretagne et aussi en Allemagne, les Juifs sont intégrés aux sociétés européennes. En Europe centrale et orientale, le parti majoritaire chez les Juifs est le Bund, un parti socialiste qui prône l’assimilation.

Après la Deuxième Guerre mondiale

Mais à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, avec le génocide de 6 millions de Juifs, ceux qui ont survécu veulent quitter le continent européen. La majorité d’entre eux veulent aller aux États-Unis ou au Canada où vivent d’importantes minorités juives et qui sont des sociétés de type européen.

Mais les États-Unis et le Canada vont refuser les visas aux Juifs d’Europe, ne laissant venir dans leur pays que des ingénieurs, intellectuels, médecins, scientifiques, etc. En ce qui concerne la masse des Juifs déshérités d’Europe, les États-Unis appuient le mouvement sioniste pour les envoyer en Palestine.

Face à l’afflux des Juifs d’Europe et aux révoltes arabes contre la colonisation, l’impérialisme britannique en Palestine cherche à préserver l’équilibre pour maintenir sa domination.

Les groupes terroristes juifs – Irgoun, Haganah – multiplient les attentats contre les représentants de la Grande-Bretagne en Palestine et contre les Arabes. Ces attentats provoqueront des milliers de morts et de blessés. Le 22 juillet 1946, l’Irgoun provoque un attentat à l’hôtel King-David de Jérusalem où siègent les autorités militaires britanniques. Déguisés en Arabes, les membres de l’Irgoun déposent des bombes qui tueront près de 100 personnes et feront plus d’une centaine de blessés. Le responsable de l’Irgoun et chef de cette opération s’appelle Begin et deviendra, en 1977, Premier ministre de l’État d’Israël. Car tous les fondateurs de l’État d’Israël étaient les chefs des milices sionistes.

Découpage impérialiste du Moyen-Orient

Les Britanniques sont sous pression, non seulement en Palestine, mais aussi dans le reste du Moyen-Orient où les États-Unis veulent s’implanter.

En Arabie sous contrôle britannique, c’est la tribu bédouine hachémite qui est le Chérif de La Mecque, c’est-à-dire le gardien de la foi. Mais une autre tribu bédouine, les Saoud, les écarte et prend le pouvoir avec le soutien discret des Américains. C’est la fondation de l’Arabie saoudite.

En compensation, les Britanniques transfèrent la tribu bédouine hachémite en Palestine en procédant à un premier partage de celle-ci, en constituant la trans-Jordanie qui, en 1945, après l’indépendance, deviendra la Jordanie. Un « pays » où une tribu bédouine domine une population palestinienne.

En 1945, sur son bateau, en revenant de Yalta (Crimée), le président Roosevelt recevra le roi Ibn Saoud, le roi de l’Arabie, pour lui réaffirmer son soutien et, en échange, obtenir l’accord pour l’extraction du pétrole saoudien.

Avec le soutien de la bureaucratie du Kremlin

La Grande-Bretagne, affaiblie par la guerre, poussée dehors par les Américains, renonce à son mandat sur la Palestine. Officiellement, c’est l’Onu qui prend le relais. Les États-Unis peuvent ainsi avancer librement en soutenant totalement les milices sionistes contre les Arabes.

Washington va faire avaliser par l’Onu, avec le soutien explicite de la bureaucratie du Kremlin de l’URSS, le partage de la Palestine et la création de l’État d’Israël. Staline va charger la Tchécoslovaquie d’armer les milices sionistes en tanks, canons et munitions. Elles n’attendent pas l’autorisation de l’Onu : elles ont celle des États-Unis, appuyés par l’URSS.

Dans toute la Palestine, les milices sionistes se livrent au massacre des Palestiniens. Le plus horriblement célèbre est celui de Deir Yassin (9 avril 1948) où, en quelques heures, elles vont massacrer, hommes, femmes, enfants et vieillards et le faire connaître dans tout le pays.

Terrorisées, des centaines de milliers de Palestiniens quittent leurs villages et deviennent des exilés.

Pour les sionistes, l’objectif est de récupérer toute la Palestine. La proposition des deux États contenue dans la résolution de l’Onu en 1948 n’est pour eux qu’une fable. Il faut expulser tous les Arabes. Les milices sionistes refusent les propositions de l’Onu faites par le représentant de celle-ci, Bernadotte. Le 17 septembre 1948, des sionistes arrêtent la voiture de Bernadotte et l’abattent. Auparavant, ils avaient tué en Égypte un ministre anglais. Le chef de ce groupe n’est autre que Shamir, qui deviendra plus tard l’un des responsables du Mossad, puis Premier ministre d’Israël de 1986 à 1992. Le remplaçant de Bernadotte est un diplomate américain.

Pax americana

L’Onu a depuis multiplié, pendant des décennies, des résolutions, certaines condamnant Israël sans aucun effet. Il ne pouvait pas en être autrement. En avalisant la proposition des États-Unis soutenus par l’URSS (le couple fondateur de l’Onu issu des accords de Yalta), l’Onu ne pouvait qu’accompagner la politique pro impérialiste mise en œuvre par les sionistes. L’État d’Israël était un pilier de la domination américaine dans la région.

En 1973, profitant des fêtes juives du Kippour, les armées arabes attaquent l’État d’Israël et enfoncent les premières lignes de défense. Aussitôt les États-Unis déversent un matériel militaire permettant à l’armée israélienne de contre attaquer. L’armée égyptienne est en débandade. Mais l’armée israélienne ne poursuit pas l’offensive. C’est la fin de la guerre de 1973. Au Parlement israélien, la Knesset, le parti de la Première ministre Golda Meir qui est majoritaire, s’insurge contre l’arrêt des combats. Mme Golda Meir, laconique, répond : « Si nous ne nous étions pas arrêtés, dans six heures, plus d’obus, plus de munitions. »

La pax americana s’applique et l’Onu n’y peut rien. Comme le démontrent encore aujourd’hui les massacres en Palestine et au Liban.

Le partage de la Palestine

Éditorial de la revue Quatrième internationale, décembre 1947 (extraits)

« Le vote à l’ONU n’a été qu’une formalité ; après l’accord des “trois grands” [Grande-Bretagne, USA, URSS- ndlr] le partage de la Palestine était virtuellement un fait accompli. Ainsi l’impérialisme britannique se retire (…).

Pour l’impérialisme américain comme pour la bureaucratie soviétique, l’acceptation du partage signifie avant tout la liquidation du mandat britannique (…).

Après l’évacuation des troupes britanniques, la Haganah [milice sioniste -ndlr] sera la seule force militaire disposant d’un équipement moderne, une force étrangère au monde arabe et qui servira, si besoin est à combattre une insurrection indigène (…). Il ne faudrait pas s’étonner dès lors si l’impérialisme américain s’efforçait soit par la voie de financement, soit par la constitution d’une “légion juive”, de devenir une influence prépondérante auprès de la direction de la Haganah et d’en faire un instrument de sa propre politique impérialiste dans le Proche-Orient. »

Dans cet éditorial que l’on pourrait qualifier de prémonitoire, on peut lire : « La constitution d’un État arabe indépendant de la Palestine est en effet fort invraisemblable. » Soixante-dix-sept après, c’est toujours le cas.

L’éditorial précise devant le refus de visas pour les Juifs d’Europe : « Plus que jamais il est en même temps nécessaire d’appeler les prolétariats américains, anglais, canadiens, australiens à lutter pour l’ouverture des portes de leur pays sans discrimination aucune aux réfugiés, aux personnes déplacées, à tous les Juifs qui veulent émigrer. C’est seulement à condition de mener cette lutte qu’on pourra expliquer aux Juifs les raisons pour lesquels ils ne doivent pas de rendre dans le guet-apens palestinien ».

L’éditorial se conclut ainsi : « La position de la IVe Internationale face au problème palestinien reste claire et nette comme auparavant. Elle sera à l’avant-garde de la lutte contre le partage, pour une Palestine unie et indépendante dans laquelle les masses détermineront souverainement leur sort par l’élection d’une assemblée constituante. »

La Vérité avait publié en avril 2016 un numéro spécial « La IVe Internationale et la question palestinienne ». Il a été réédité.