Pourquoi « notre Sécu » n’a pas d’équivalent dans le monde

Il est important de revenir à l’occasion du 80e anniversaire de la Sécurité sociale sur quelques éléments concernant son origine et les principes qui constituent son fondement (première partie).

Par Laurent Weber
Publié le 16 février 2025
Temps de lecture : 3 minutes

La Sécurité sociale et les ordonnances d’octobre 1945 qui l’ont instituée sont avant tout le produit d’un long combat de la classe ouvrière de plus d’un siècle et demi et de la mobilisation révolutionnaire à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Il ne faut donc jamais perdre de vue que la « Sécu de 1945 » est une conquête majeure de la classe ouvrière de ce pays qui n’a pas d’équivalent dans le monde.

La Sécurité sociale a été conçue sur la base d’un principe : « Chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins ».

Ainsi tous les travailleurs assurent son financement au travers d’une cotisation calculée en fonction de leur salaire.

Toutefois, il est important de préciser que la cotisation est constituée d’une part par la somme prélevée chaque mois sur le salaire versé sur le compte bancaire du salarié et d’autre part par la partie du salaire appelée salaire différé transférée directement aux Urssaf par les patrons.

Le salaire différé n’est donc pas une « charge ou cotisation patronale » comme souvent il est nommé mais constitue bien en réalité une partie du salaire des travailleurs.

Ce salaire différé a été imposé au patronat compte tenu du rapport de force en 1945, ce qu’il n’a bien entendu jamais accepté.

Une organisation contraire aux lois du capital

Cette cotisation ouvre les droits et permet ainsi aux travailleurs et à leur famille de recevoir des prestations en fonction de leurs besoins comme le précise l’article 1er de l’ordonnance du 4 octobre 1945 : « Il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent. »

Ce système est contraire au système capitaliste car il ne génère aucun profit puisque les cotisations sont toutes immédiatement reversées sous forme de prestations, d’indemnités journalières, de frais d’hospitalisation, de pensions de retraite, de pensions d’invalidité, d’allocations… et échappent aux circuits de la finance.

C’est la raison pour laquelle la Sécurité sociale depuis sa création a fait l’objet de nombreuses attaques et des coups lui ont été portés pour tenter de la remettre en cause.

Parmi les plus importants on peut citer : les ordonnances de 1967 promulguées sous de Gaulle qui ont fait éclater l’institution en 4 branches (maladie, famille, retraite, recouvrement) ; l’instauration de la CGS par Rocard en 1991 qui a ouvert la voie à la fiscalisation de la Sécurité sociale, c’est-à-dire à son financement par l’impôt ; le plan Juppé en 1995 qui a institué que le financement de la Sécurité sociale devait désormais faire l’objet chaque année d’une loi votée par l’Assemblée nationale. Cette loi ayant pour principal objet de permettre aux différents gouvernements de diminuer les dépenses de l’Assurance maladie au travers des dispositifs tel que l’Ondam1L’Ondam (Objectif national de dépenses de l’assurance maladie) est voté chaque année par les députés dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. Ce dispositif est contraire à l’un des principes fondateurs de la Sécurité sociale puisque ce ne sont pas les besoins qui déterminent les budgets mais des critères économiques. et de prendre des mesures de remise en cause.

Cette offensive contre la Sécurité sociale intègre bien entendu toutes les réformes relatives aux retraites qui ont reculé l’âge de départ à la retraite et augmenté le nombre d’annuités pour avoir droit à une retraite à taux plein.

Tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont participé d’une manière ou d’une autre à cette offensive permanente contre la Sécurité sociale. D’ailleurs, il faut noter que les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais remis en cause ce qu’avait mis en place le précédent.