À la veille de l’élection à la mairie de New York : une puissante aspiration à la rupture

À l’heure où ces lignes sont écrites, l’élection à la mairie de New York est en cours. Zohran Mamdani, militant de DSA (Democratic Socialists of America), est donné gagnant dans les sondages.

Zohran Mamdani, entouré de militants syndicaux du secteur de la santé, lors d'un meeting électoral à New York, le 3 novembre (AFP)
Par Stéphane Jouteux
Publié le 4 novembre 2025
Temps de lecture : 4 minutes

À l’issue de la primaire du Parti démocrate en juin dernier, ce jeune candidat l’avait emporté avec 56 % des voix, devant l’ancien secrétaire d’État et ancien gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, qui avait rassemblé 44 % des voix.

Malgré le maintien de la candidature d’Andrew Cuomo sous l’étiquette « indépendant », poussé par l’establishment et les hommes d’affaires de Wall Street, effrayés à l’idée qu’un candidat de DSA puisse diriger New York, et malgré les menaces de Trump – et son appel désespéré, à la veille du scrutin, à voter pour Andrew Cuomo, l’engouement pour la campagne de Zohran Mamdani n’a cessé de grandir parmi les huit millions d’habitants de la capitale économique et financière du monde, symbole du capitalisme.

« On vient de dépasser les trois millions de portes »

Le jour même de l’élection Zohran Mamdani déclare « Au lancement de cette campagne, nous avions annoncé notre objectif de frapper à un million de portes dans les cinq arrondissements de New York avant les primaires de juin. Certains ont ri. On s’est mis au travail. On a atteint 1,6 million. Pour les élections générales, on s’est dit : “On recommence ! Encore un million !” On vient de dépasser les trois millions. »

Comme l’a dit une responsable du comité d’organisation électoral de DSA New York : « Au départ, les sondages indiquaient que la première préoccupation des New-Yorkais était la criminalité. Mais grâce à notre travail de terrain, la priorité numéro un est devenue la question économique. Zohran, comme DSA, voulait une campagne qui parle aux classes populaires. Et ce qui préoccupe tout le monde ici, c’est le coût de la vie. On a donc défini un programme très simple, en trois points : geler les loyers pour tous les locataires ; rendre les bus gratuits et rapides ; mettre en place une garde d’enfants universelle. »

Et pour cause : à New York, les familles paient en moyenne 26 000 dollars (22 000 euros) par an pour faire garder un enfant. Les loyers ont augmenté de 40 % dans le Bronx, le Queens ou à Brooklyn depuis cinq ans. Dans les épiceries, les prix se sont envolés de 25 % depuis 2019, quand les salaires n’augmentaient que de 5 %. Tel est le vrai carburant de la campagne de DSA, dont le moteur décisif fut la décision prise par de nombreux syndicats, dont l’UAW, le syndicat des employés municipaux et celui des artistes, de soutenir et de participer activement à la campagne de Zohran Mamdani.

« Gelez les loyers ! », « Taxez les riches ! », « Libérez la Palestine ! »
(Slogans repris par la masse des participants du grand meeting de campagne, 26 octobre)

D’ores et déjà, une chose est sûre : une puissante aspiration à la rupture souffle sur l’Amérique, portée par la jeunesse et une partie du mouvement ouvrier.

Lors du grand meeting de campagne du 26 octobre dans le Queens, en présence de Zohran Mamdani, Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders, la gouverneure de New York, Kathy Hochul, représentante de l’establishment du Parti démocrate qui s’est notoirement opposée au programme de Mamdani, a été interrompue à plusieurs reprises par des slogans lancés par la foule, pendant de longues minutes : « Gelez les loyers ! », « Taxez les riches ! », « Libérez la Palestine ! »

Les dizaines de milliers qui se sont mobilisés sans relâche depuis des mois pour soutenir les mesures de rupture défendues par Zohran Mamdani, n’ont pas dit leur dernier mot. Nous y reviendrons…

« Nos destins sont liés »

Dans une pétition intitulée « Juifs pour un futur commun », 1 300 responsables de la communauté juive américaine déclarent que « le soutien du candidat Zohran Mamdani à l’autodétermination palestinienne ne découle pas de la haine, mais de ses convictions morales profondes ».

C’est sûrement aux États-Unis – pays qui a fourni le plus d’armes ayant servi à détruire Gaza et à massacrer ses habitants – que les commis du capital sont allés le plus loin. Trump a décidé de révoquer les visas des ressortissants étrangers favorables aux droits des Palestiniens. Il a coupé des centaines de millions de dollars aux universités qui ne prenaient pas de mesures suffisamment énergiques pour expulser les étudiants qui se sont mobilisés pour le cessez-le-feu et l’embargo sur les armes.

Zohran Mamdani, quant à lui, qui est rentré à DSA pour défendre les droits des Palestiniens, écrivait sur X, le 19  octobre 2023 : « Nous sommes au bord d’un génocide des Palestiniens. Si cela signifie que nous, à New York, devons descendre dans la rue et affirmer clairement notre refus, alors nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir. Ce n’est pas le moment de se taire. » Depuis, comme beaucoup d’autres, il a été qualifié de « sympathisant terroriste », d’« extrémiste islamique » et d’« antisémite ».

Fin octobre, son adversaire Andrew Cuomo a participé à un rassemblement de soutien à Israël organisé par son équipe de campagne dans le Queens. Devant les drapeaux américain et israélien, Mamdani a été présenté comme un « djihadiste ».

Deux jours plus tard, une pétition « Juifs pour un futur commun », signée par 1 300 responsables de la communauté juive américaine dont plus de 300 rabbins, déclare : « En réponse aux préoccupations des juifs concernant la course à la mairie de New York, nous reconnaissons que le soutien du candidat Zohran Mamdani à l’autodétermination palestinienne ne découle pas de la haine, mais de ses convictions morales profondes. Même si nous pouvons être en désaccord sur certains points, nous affirmons que seuls une solidarité sincère et l’établissement de relations peuvent garantir une sécurité durable.

Alors que l’antisémitisme et l’islamophobie gagnent du terrain aux États-Unis, nous comprenons que nos destins sont liés. L’histoire nous a enseigné une vérité douloureuse : les systèmes d’oppression ne s’arrêtent pas à une seule communauté. La sécurité des juifs ne peut se construire sur la vulnérabilité des musulmans, et nous ne pouvons lutter contre la haine envers notre communauté tout en détournant le regard de la haine envers nos voisins. Nos traditions nous enseignent que la justice est indivisible : nous ne sommes vraiment en sécurité que lorsque nous garantissons la sécurité et la dignité de tous. »

*Dernière minute : Une participation électorale massive à New York

D’après le New York Times, mardi  4  novembre, à 14 heures (heure locale), « les électeurs se précipitent aux urnes mardi pour élire un nouveau maire à New York, alors que l’une des élections les plus suivies de ces dernières années dans la ville touche à sa fin. À midi, le nombre de votants était déjà supérieur au total enregistré sur toute la journée lors de la dernière élection municipale ».