Retraites : « Quitte à mettre tout le monde dans la rue, autant pousser le curseur au maximum » (un ministre)
La presse de ce début de semaine s’inquiète des difficultés croissantes du gouvernement, alors que la Première ministre vient de confirmer, selon RTL, son objectif : passer à 65 ans l'âge légal de départ à la retraite.
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Le Figaro constate que « le gouvernement Borne est dans une zone de turbulences ». Dossier McKinsey, affaire Cayeux, réforme des retraites, cacophonie entre les ministres, utilisation à répétition de l’article 49.3 et motion de censure en réponse, les sujets sont nombreux. Le journal Les Echos pointe « un début de semaine compliqué pour l’exécutif ».
« Favoritisme et recel de favoritisme »
Le PNF (Parquet national financier) a confirmé que la justice a ouvert deux enquêtes sur les relations entretenues entre le cabinet américain de conseil McKinsey et le pouvoir.
Selon Le Monde, « ce sont bien les liens d’Emmanuel Macron avec le cabinet, notamment durant ses campagnes électorales de 2017 et 2022, qui sont visés ».
En vrac, la presse évoque la multiplication de contrats (pour un total compris entre 28 et 50 millions d’euros) entre l’Etat et « La Firme », dont certains membres se sont retrouvés dans les instances d’En Marche ou les cabinets ministériels : une « mission » sur les retraites, une autre sur l’assurance-chômage, une troisième sur « l’avenir du métier d’enseignant » (pour 500 000 euros, en vue d’un colloque qui n’a jamais eu lieu).
A nouveau des contrats à partir de 2020 liés à la pandémie, sur la vaccination ou le passe sanitaire. Au final, les juges enquêtent sur « les conditions d’intervention des cabinets de conseil dans les campagnes électorales de 2017 et 2022, et aussi sur les chefs “de favoritisme et recel de favoritisme” ».
Autre complication : Caroline Cayeux, ministre déléguée en charge des collectivités territoriales, a démissionné du gouvernement dimanche soir 27 novembre… à la suite d’un « désaccord » avec la Haute Autorité de la vie publique (HATVP) sur sa déclaration de patrimoine.
La HATVP « met en cause sa sincérité » et juge sa déclaration « sous-évaluée ».
Emmanuel Macron a mis fin à ses fonctions lundi 28 au matin, sèchement. La ministre, « que personne n’a retenue, ni à l’Elysée, ni à Matignon » , avait déjà embarrassé le gouvernement en confirmant son opposition au mariage des couples homosexuels.
« Est-ce que le gouvernement a vraiment envie de mettre le feu au pays ? » (Laurent Berger)
Elisabeth Borne vient de confirmer, ce mardi 29 novembre, selon RTL, le calendrier retenu pour la réforme des retraites : le texte sera rendu public entre le 10 et le 20 décembre, déposé en Conseil des ministres au tout début de l’année 2023 puis débattu au Parlement dans la foulée. Elle en a aussi confirmé l’objectif : le gouvernement veut repousser l’âge de départ à 65 ans.
Commentaire d’un poids lourd de l’exécutif : « Quitte à mettre tout le monde dans la rue, autant pousser le curseur au maximum. » Pourtant, selon Le Monde, « la concertation sur les retraites entre dans le dur » à partir du 28 novembre. S’ouvre en effet cette semaine le troisième et dernier cycle de discussions consacré à l’équilibre financier des régimes de pension. Ce qui est donc à l’ordre du jour, c’est la promesse de campagne d’Emmanuel Macron : relever l’âge légal de départ de 62 à 65 ans plutôt que sa variante : augmenter la durée de cotisation nécessaire pour toucher une pension à taux plein.
Pour un expert du dossier, « de nombreuses solutions existent, combinant plusieurs options, dans l’absolu, mais on ignore si elles sont envisagées et on ne sait rien de leurs impacts potentiels, faute de chiffrages portés à la connaissance du public, c’est un problème ».
Dit autrement, si l’objectif est clair et confirmé, le chemin est incertain, de la navigation à vue en quelque sorte.
Dans ce contexte, le secrétaire général de la CFDT, sur RTL, vient de confirmer son opposition assortie d’un avertissement au gouvernement : une telle disposition créerait « beaucoup de conflits » alors que le climat social se caractérise par une « forte incandescence » . « Est-ce que le gouvernement a vraiment envie de mettre le feu au pays et est-ce qu’il a envie de faire une réforme profondément injuste pour les travailleurs les plus modestes ? », a-t-il lancé.
Dans L’Humanité, le secrétaire général de la CGT affirme qu’ « une très nette majorité de la population est hostile à des modifications paramétriques ayant pour conséquences de reporter à 65 ans l’âge d’ouverture des droits ou d’accroître la durée de cotisation requise pour une pension à taux plein. Cela présume de puissantes mobilisations si le gouvernement persiste. »
Dans sa déclaration du 24 novembre, la commission exécutive de la CGT-FO « confirme son exigence que soit abandonné tout projet visant à repousser l’âge légal de départ à la retraite ou/et augmenter le nombre d’annuités de cotisation et à supprimer les régimes spéciaux… Elle appelle à préparer la mobilisation de toutes et tous les salariés, du privé comme du public, et à organiser les assemblées générales et réunions de salariés le plus largement et à informer sans relâche sur les projets du gouvernement. »
Selon RTL, « si le véhicule législatif (projet de loi de financement de la Sécurité sociale ou texte dédié) n’a pas encore été arrêté, l’entourage d’Elisabeth Borne prévient : en cas d’obstruction parlementaire, la Première ministre n’hésitera pas à dégainer à nouveau l’article 49.3 de la Constitution qui lui permet de faire adopter sa réforme, jugée prioritaire par l’exécutif, sans vote. »
Donc, nouvelles et graves complications à venir aussi à l’Assemblée nationale.
« Survivre aux motions de censure n’immunise pas contre tous les ennuis »
Vendredi, soir du 25 novembre, Elisabeth Borne a déclenché, pour la sixième fois en un peu plus d’un mois, le 49.3 pour faire adopter sans débat le volet dépenses du budget 2023 de la Sécurité sociale, vingt-quatre heures après avoir empêché, en multipliant les artifices et les manœuvres, le vote du texte présenté par le groupe LFI pour la réintégration dans les hôpitaux des soignants non vaccinés contre le Covid 19 qui en ont été chassés. Commentaire du Figaro : « Survivre aux motions de censure n’immunise pas contre tous les ennuis. »
Laissons à Cécile Cornudet, éditorialiste des Echos, le soin d’analyser cette situation compliquée : « Après décembre et les fêtes, il y a un autre mois qui tétanise le pouvoir. En janvier 2023, la ristourne essence sera supprimée, le bouclier tarifaire qui protégera un peu moins (+ 15 % sur l’électricité et le gaz), la réforme des retraites sera présentée. Que produira le cocktail ? “C’est un peu sortir le malade de la salle de réveil en arrêtant la morphine”, illustre un parlementaire inquiet. »