Réforme des retraites : le rejet s’installe jusque dans l’Hémicycle
Le projet de « réforme » des retraites est arrivé lundi 6 février dans l’Hémicycle et doit être examiné par les députés jusqu’au vendredi 17 février à minuit.
- Actualité politique et sociale, Retraites
Le rejet qui s’est exprimé dans la grève et les manifestations énormes de ces derniers jours pour le retrait de la « réforme » des retraites remonte désormais à l’Assemblée nationale, d’abord en trouvant un soutien de poids par la voix des 75 députés de La France insoumise (LFI) et des 75 autres issus des partis qui composent, avec LFI, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), et ensuite, en percutant l’ensemble de la représentation politique présente au Palais-Bourbon.
L’éditorialiste du Parisien commente ainsi : « Ce mardi, pour la première fois depuis la présentation de la réforme des retraites, le gouvernement devra surveiller deux fronts en même temps. Celui de la rue, pour la troisième mobilisation syndicale, et celui de l’Assemblée nationale, pour le deuxième jour d’examen du texte après une première séance, ce lundi, particulièrement agitée. » (7 février.)
« Déni de démocratie » (Charles de Courson, député Liot)
C’est le moins qu’on puisse dire : à peine trente minutes après l’ouverture des débats, à 16 heures, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, suspendait la séance pour tenter de reprendre sa respiration après la pression exercée par les députés de la Nupes destinée à faire prendre en compte la motion référendaire déposée dans la matinée par le groupe Liot1Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires. et cosignée par six formations politiques, ce que la présidente a refusé, mettant le feu aux poudres.
« Comment avez-vous pu refuser la motion référendaire que nous avons déposée au nom de 58 députés pour éviter qu’il y ait un vote ? En faisant cela, vous participez au déni de démocratie qui est la procédure qui a été utilisée par ce gouvernement pour éviter le vote de l’Assemblée nationale » , fustige le député Liot, Charles de Courson, ovationné par toute la Nupes.
En conséquence, et à trois reprises, le ministre du Travail n’a pu intervenir pour exposer le projet du gouvernement, ce qui fait dire au journal patronal L’Opinion : « Qu’un ministre ne parvienne pas à présenter sa réforme face à l’Assemblée nationale n’est pas banal. » (7 février.)
Il faudra attendre 23 heures pour que les députés procèdent à l’examen des premiers amendements sur les 16 500 retenus.
Nous publions ici quelques extraits d’interventions de députés qui ont accompagné le dépôt de leur amendement.
• Valérie Rabault, vice-présidente socialiste de l’Assemblée nationale : « Plutôt que de faire cette réforme injuste et inutile des retraites, vous feriez mieux de vous occuper de l’état de la France. »
• Paul-André Colombani, député Liot : « Si vous n’écoutez pas le Parlement, c’est votre réforme que vous entendrez bientôt s’écrouler dans le vacarme de la rue. »
Les députés LFI sont aux avant-postes .
Affolée après seulement quelques heures de débats, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, lâche un cri du cœur à l’intention des députés Insoumis : « Est-ce que vous croyez que nous allons passer quinze jours comme ça dans l’Hémicycle ? (…) On n’est pas dans une manif ! »
Et ça ne fait pas 24 heures que les débats ont commencé…
Rien ne va plus chez Les RépublicainsDepuis plusieurs semaines, personne ne sait ce que les 61 députés du groupe vont voter à l’approche du débat parlementaire. Il est annoncé avec quasi-certitude une quinzaine d’oppositionnels au texte, et pour le reste… mystère. Lundi 6 février, lors du vote de la motion de rejet présenté par Mathilde Panot pour LFI, deux députés du groupe, Fabrice Brun et Ian Boucard, ont voté pour, trois autres, Jean-Yves Bony, Pierre Cordier et Pierre-Henri Dumont, se sont abstenus. En soirée, s’est tenue une réunion exceptionnelle du groupe. Le journal Le Figaro (7 février) rapporte les propos tenus par plusieurs députés : « Soit on obtient une réforme qui est satisfaisante pour nous, soit on n’aura pas intérêt à l’accompagner », juge très clairement le député de Moselle Fabien Di Filippo (ci-dessous). « Quand on a 3 000 milliards de dettes et 155 milliards de déficit budgétaire, les gens ont du mal à comprendre que le gouvernement pinaille pour quelques milliards », fait valoir le député LR des Ardennes Pierre Cordier. « Elisabeth Borne ne devrait pas se moquer de nous », réagit le député du Lot, Aurélien Pradier, fer de lance de l’opposition LR sur la réforme des retraites. « L’amendement des députés Républicains est très clair : celui qui débute avant 21 ans doit pouvoir partir dès la durée de cotisation atteinte. Elisabeth Borne y répond ? Non. Celui qui débute tôt sans cinq trimestres est toujours perdant. Celui qui début à 20 ans aussi. » Ce qu’en dit Fabien Di Filippo, député LR de MoselleIl est favorable à ce stade au vote contre la réforme, explique sur BFMTV, dimanche 5 février, les raisons de son opposition au texte : « Moi, je veux dire que, ce matin, je ne déconnecte pas cette réforme d’un contexte global. Je vois que la Première ministre essaie de tendre, je ne dirai pas la main, pour l’instant elle tend un doigt, pour sauver sa réforme, mais nous, quand on appelle à l’aide dans nos territoires, qui sont laissés, souvent, pour beaucoup de communes qui ont de fortes charges de centralité, qui sont complètement laissés de côté par les dispositifs d’aide sur l’énergie, eh bien, on n’a pas forcément le même retour. » |