Médecins intérimaires cible du ministre de la santé

Le gouvernement décide de plafonner la rémunération des médecins intérimaires travaillant à l’hôpital public. Moins de 35 euros de l’heure ! A quelles fins ?

Bloc chirurgical au CHU de Toulouse (photo AFP).
Par Docteur Marie-Paule Lemonnier
Publié le 11 avril 2023
Temps de lecture : 2 minutes

A dater du 3 avril, conformément aux lois Touraine (votée en 2016) et Rist (votée en 2021), le gouvernement a décidé d’appliquer un plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires travaillant à l’hôpital public à 1 390 euros par 24 heures, plafonnement qui divise environ par deux le salaire de ces médecins.

« Cela correspond à moins de 35 euros par heure », a réagi le docteur Reboli, porte-parole du Syndicat des médecins hospitaliers remplaçants (SNMHR) sur Franceinfo le 28 mars.

On nous demande d’aller dans des établissements qui sont en difficulté, où on remplace un, voire deux médecins à la fois (…). On tient l’hôpital à bout de bras.

Ce sont les intérimaires qui bouchent les trous, qui font parfois des centaines de kilomètres pour aller empêcher un service, un établissement, un bloc, une maternité, de fermer ».

Près de 200 services hospitaliers menacés de fermeture

Le syndicat a déposé un préavis de grève à partir du 3 avril, et ce sont près de 200 services, principalement les urgences, les maternités, les services de chirurgie, qui risquent de fermer, preuve que ces médecins sont indispensables au fonctionnement correct de l’hôpital public.

Déjà, des déprogrammations d’actes chirurgicaux sont prévues. Une aubaine pour les cliniques privées qu, elles, sortent du champ de la loi et peuvent payer aux médecins intérimaires le salaire qu’ils demandent.

De cela, le gouvernement en est parfaitement conscient. En 2021, Olivier Véran a suspendu en catastrophe le plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires en pleine vague de Covid.

Selon une enquête flash menée auprès de médecins intérimaires par plusieurs syndicats de médecins hospitaliers, dont le SNPHARE (Syndicat national des praticiens réanimateurs) et l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France), la plupart de ces médecins ont choisi l’intérim par défaut de postes de médecins titulaires à l’hôpital, 82 % seraient prêts à revenir à l’hôpital sous certaines conditions d’amélioration des conditions de travail actuelles des médecins hospitaliers.

« S’il y a des intérimaires, c’est tout simplement parce que la carrière hospitalière n’est pas attractive », conclut Eric Le Bihan, vice-président du SNPHARE et coordonnateur de l’enquête (Medscape, 29 mars).

Un budget hospitalier insuffisant adopté à coup de 49.3

Pourtant, le gouvernement ne fait rien en ce sens. « Les mesures d’attractivité sont suspendues à des énièmes missions Igas (Inspection générale des affaires sociales, Ndlr) et autres comités Théodule, le milliard et demi d’euros de surcoût de l’intérim qui aurait dû être investi pour les médecins hospitaliers qui restent sur place s’est tout simplement évaporé », déplore le syndicat de médecins hospitaliers APH (Action praticiens hôpital) ( JIM,  28 mars)

« Intérim cannibale », « mercenaires », le ministre de la Santé, François Braun, comme ses prédécesseurs, n’affiche que mépris pour ces médecins.

L’intérim « pousse in fine vers la destruction de notre hôpital public hospitalier » a-t-il déclaré le 27 mars lors d’une visite au centre hospitalier à Alençon.

Les médecins responsables de la destruction de l’hôpital public ?

Après les malades, les personnels hospitaliers, François Braun cherche de nouveaux boucs-émissaires  pour ne pas avoir à assumer la responsabilité du chaos que crée sa politique dans les hôpitaux.

C’est pourtant lui et le gouvernement qui ont fait adopter en décembre à l’Assemblée nationale un budget de financement des hôpitaux nettement insuffisant selon la FHF (Fédération hospitalière de France) elle-même ? Et ce, via la loi de financement de la Sécurité sociale, passée après cinq recours à l’article 49.3 !