Deux questions à Catherine Rochard, syndicaliste FO
Catherine Rochard, secrétaire générale de l’union départementale FO du Maine-et-Loire et membre de la commission exécutive de la CGT-FO, nous livre son point de vue, à titre personnel, sur la situation.
- Actualité politique et sociale
Tu es une syndicaliste occupant de nombreuses responsabilités dans ton département et au-delà puisque tu es secrétaire générale de l’union départementale FO du Maine-et-Loire et membre de la commission exécutive de la CGT-FO. Tu occupes aussi des responsabilités dans le secteur de la santé. Que penses-tu de la situation ?
Catherine Rochard : Comme syndicaliste, je suis très attentive à tous les aspects de la vie politique et sociale. Mais je veux d’abord vous donner une réaction tout à fait personnelle, qui n’engage pas mes responsabilités syndicales, même si je sais que mon ressenti est partagé par beaucoup.
Je suis absolument excédée par le fait que, depuis des semaines, se multiplient chaque jour attaques et calomnies contre ceux qui contestent la vérité officielle, celle du gouvernement,
et le font savoir publiquement. Des syndicalistes sont visés, mais pas seulement. Le petit monde politico-médiatique a une cible permanente dans tous les médias à sa disposition (radios, journaux, télévisions). Et cette cible c’est LFI, ses députés, ses porte-parole, ses représentants. Et les attaques viennent d’un peu partout. Eh bien je ne suis pas d’accord, j’en ai marre de devoir supporter cela et je veux le dire et m’en expliquer.
Les députés LFI ont été un appui formidable dans la mobilisation sur les retraites, ils ont empêché le vote accéléré de la loi et de son article 7, ils ont bagarré sur chaque article et ont contraint le gouvernement à utiliser l’article 49.3 de la Constitution. Ils ont ainsi largement soutenu la mobilisation et les grèves. Ils les ont soutenues aussi, et pas qu’un peu, avec leur caisse de grève, en particulier dans mon département, pendant que d’autres nous amusaient avec des référendums, des Rip ou des Ric dont chacun savait que ça ne mènerait à rien et surtout pas à la généralisation de la grève.
Ils se sont bagarrés avec nous contre la répression, et d’abord contre la remise en cause des libertés syndicales.
A chaque fois, ils sont à nos côtés. Vous voyez la différence avec les Hollande, Cazeneuve et compagnie qui étaient en face de nous et qui détournaient le regard face aux exactions de policiers poussés par les décisions gouvernementales dans une violente répression dénaturant leur rôle et leur fonction.
Une femme, une députée, Sophia Chikirou, est attaquée depuis la semaine dernière, tout simplement parce qu’elle a eu le malheur d’exprimer son désaccord avec la position de Fabien Roussel sur les immigrés. Parlons-en, ce qu’il a dit est une honte : pour lui, les immigrés tolérables sont ceux qui conviennent aux patrons, dans les métiers prétendument en tension. Comme syndicaliste, cette position me révulse. Les immigrés, je suis pour tous les accueillir ; oui, tous ! Même le pape le dit et pourtant, ce monsieur n’est pas ma tasse de thé, je n’ai pas oublié sa condamnation du droit à l’avortement. Qui peut décider en conscience de laisser mourir ces hommes, ces femmes et ces enfants ?
Et depuis deux jours, c’est haro sur LFI qui demande un cessez-le-feu immédiat au Proche-Orient. Leurs déclarations sont truquées et on les somme de s’expliquer sur une position qui devrait être celle de tous les démocrates, de tous les pacifistes.
Voilà, je voulais vraiment pousser ce coup de gueule, ça commence à bien faire, ça devient irrespirable.
Du fait de tes responsabilités et mandats, tu as participé ces dernières semaines à plusieurs échéances nationales : le comité confédéral national (CCN) de Force ouvrière et le congrès de ta fédération des services publics et de santé. Ou encore, dans ton département, un important meeting syndical de rentrée. Tu es sur le terrain, très proche des préoccupations des militants. Après cette mobilisation historique contre la réforme des retraites, où en sommes-nous selon toi ?
L’état d’esprit des salariés et des militants est aux antipodes de la résignation ou de l’abattement.
Nous n’avons pas gagné sur les retraites mais les salariés ne se sentent ni battus ni abattus. Et la revendication qui est partout présente, dans tous les secteurs et toutes les branches, c’est celle des salaires.
Dans mon département, les agents territoriaux ont lancé une pétition où ils exigent 10 % d’augmentation des salaires et l’ouverture immédiate de négociations sur le régime indemnitaire ; les fonctionnaires d’Etat du département ont aussi lancé une pétition qui demande 10 % d’augmentation immédiate de la valeur du point d’indice.
Partout, les salariés se regroupent sur les revendications urgentes et veulent se préparer à la bagarre.
Il y a d’ailleurs un décalage entre cet état d’esprit et ce qui est proposé comme initiative avec cette journée d’action sans revendications précises par l’intersyndicale des confédérations pour le 13 octobre. Bien sûr, j’y serai, car ma confédération y appelle et je suis disciplinée mais ça n’empêche pas les questions et les interrogations.
D’autant qu’il s’agirait de faire pression sur la conférence sociale du 16 octobre sur les bas salaires. La belle affaire ! Personne n’y croit, le CCN de ma confédération a d’ailleurs décidé qu’il faudrait quitter cette conférence si les revendications n’y sont pas discutées. Très bien, nous ne sommes pas dupes des intentions du gouvernement mais, pour ma part, j’aurais préféré qu’on n’y aille pas du tout. D’autant que j’entends certains annoncer d’autres journées d’action et « euromanifestations », un vrai calendrier.
Franchement, si l’intersyndicale est devenue une machine à cautionner les conférences sociales du gouvernement et à organiser des « euromanifestations » il y a de quoi se poser des questions.
Moi, je préfère de loin ce que nous avons décidé avec mes camarades de la santé privée lors du congrès de notre fédération : « L’assemblée générale de l’UNSSP considère que c’est par la mobilisation de tous que l’on obtiendra satisfaction sur l’ensemble des revendications. C’est pourquoi elle lance un appel solennel à organiser partout des assemblées générales, des réunions dans les services pour élaborer les cahiers de revendications et à se mettre en état de préparation de la grève pour gagner. Elle décide de s’adresser à l’ensemble des salariés de la santé privée et à toutes leurs organisations syndicales. Organisons-nous ensemble pour obtenir l’augmentation générale, des salaires, à minima à hauteur de l’inflation et de leur indexation sur les prix. L’assemblée générale mandate le bureau de l’UNSSP-FO pour prendre contact avec les autres organisations syndicales du secteur et appelle à une réunion de délégués représentant leurs établissements dès que les conditions seront réunies. »
C’est cela que les salariés attendent, qu’on décide avec eux de mettre en place le rapport de force sur la question des salaires, préparer la bagarre pour gagner.
L’appel de l’assemblée générale de l’UNSSP-FO (Extraits)L’assemblée générale de l’Union nationale des syndicats Force ouvrière de la santé privée (UNSSP) s’est réunie les 4 et 5 octobre 2023 à Dijon, dans le cadre du congrès de la Fédération des personnels des services publics et de santé Force ouvrière. « La discussion a établi que la grève a permis d’obtenir satisfaction dans un certain nombre d’établissements. C’est ainsi que l’assemblée générale apporte tout son soutien aux personnels de l’EFS (Etablissement français du sang, Ndlr) qui sont en grève illimitée pour s’opposer à la tentative de commercialisation de leur secteur, la reconnaissance salariale dont ils sont exclus et la préservation de 150 emplois. Elle soutient également les personnels de la clinique NCT Saint-Gatien de Tours, en grève pour exiger de meilleures conditions de travail et une augmentation de salaire. L’AG constate : Aujourd’hui la seule réponse des employeurs est une CCUE (convention collective unique et étendue, Ndlr) qui n’a pour but que de précariser et individualiser les salaires. Informée de la motion adoptée par l’assemblée générale des Capucins à Angers réunie le 12 septembre, qui déclare : “Les salariés des Capucins réunis en assemblée générale le 12 septembre 2023 décident de lancer un appel à l’ensemble des salariés du secteur de la santé privée. Ils (les personnels) se sont mobilisés massivement par la grève il y a un an avec la revendication suivante : augmentation des salaires. Lors de ce mouvement de grève historique pour l’établissement, ils ont réalisé que, seuls, ils ne peuvent faire changer un système de santé malade et à bout de souffle.” L’assemblée générale de l’UNSSP décide de répondre positivement à leur appel. » |