« Le pédiatrie en grande difficulté dans toute la France »

Interview du Dr Jean-Louis Chabernaud, pédiatre réanimateur, AP-HP ; Université Paris – Saclay, bureau du conseil national professionnel de pédiatrie ; vice-président du SNPEH (Syndicat national des pédiatres hospitaliers)

Une infirmière nourrit au biberon un bébé prématuré dans une couveuse, 2021, (AFP).
Par la rédaction d'IO
Publié le 10 décembre 2023
Temps de lecture : 2 minutes

Quelle est la situation actuelle dans les services de pédiatrie des hôpitaux de notre pays ?

Dr Jean-Louis Chabernaud : Les équipes de pédiatrie sont actuellement en grande difficulté dans toute la France, notamment en raison des fermetures de lits dans les hôpitaux par manque d’effectifs médicaux et soignants. Les services d’urgences pédiatriques et de pédiatrie ne peuvent plus faire face aux épidémies d’infections virales aiguës saisonnières (bronchiolite, grippe et gastro-entérites).

De plus, depuis mi-octobre, une recrudescence d’infections respiratoires à Mycoplasma pneumoniae, observée dans d’autres pays européens et en Chine, mobilise actuellement beaucoup les équipes de pédiatrie. Les coupes budgétaires prévues dans le PLFSS de 2024, qui s’élèvent à moins 3,5 milliards, vont encore aggraver cette situation.

Même en plein Paris à l’hôpital Necker-Enfants malades, établissement de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris où exercent les meilleurs spécialistes de pédiatrie du pays, 30 % des lits sont fermés, par manque de personnel.

Les listes d’attente pour des interventions de chirurgie cardiaque s’allongent… Quand ces opérations doivent être reportées cela peut parfois avoir des conséquences dramatiques, allant de la perte de chance au décès.

Que penses-tu de la pénurie actuelle de certains médicaments ?

Dr J.-L.C. : La pénurie d’amoxicilline, l’un des antibiotiques le plus prescrit chez les enfants sous forme de suspension buvable avec de faibles dosages, est telle aussi bien en médecine de ville qu’à l’hôpital que le produit est fabriqué par les pharmaciens, en officine ou à l’hôpital, sous forme de préparation artisanale à partir de comprimés pour adultes.

Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a affirmé lors d’une interview sur France Info le 29 novembre qu’il y avait 6 mois de stock en France et pourtant de nombreux pharmaciens ont les rayons de leur pharmacie vides…

Le cas du Beyfortus®, anticorps monoclonal pour protéger les nourrissons contre la bronchiolite, est également révélateur du malaise profond que connaît notre système de soins. Les pharmaciens ont été dès l’été dernier incités à en commander. Au moment où ils ont eu accès au portail de commande national, ils ont été informés d’une rupture de stock dans tout le pays en raison d’un nombre de doses estimé insuffisant au regard des besoins.

La Fédération française des réseaux de santé en périnatalité vient d’adresser une lettre au Président de la République pour l’alerter à propos de la gravité de la crise actuelle des soins en périnatalité dans notre pays. Peux-tu nous en dire plus ?

La situation est en effet particulièrement critique au niveau des salles de naissance des maternités ainsi que dans les services de néonatalogie. Ces unités essentielles, responsables de la sécurité et des soins des mères et des nouveau-nés, font face à un manque dramatique de personnel qualifié (sages-femmes, obstétriciens, anesthésistes et pédiatres).

Cette pénurie de professionnels met gravement en danger la vie et la santé des plus vulnérables dès leurs premiers instants de vie. Il est urgent de prendre des décisions pour améliorer la reconnaissance du rôle des professionnels de la périnatalité, et l’attractivité de leurs conditions de travail et leur rémunération.

C’est également ce que les syndicats des différentes spécialités exerçant en salle de naissance : le Syngof pour les gynécologues-obstétriciens, le SNPEH pour les pédiatres hospitaliers et le SNPHARE pour les anesthésistes-réanimateurs, demandent au gouvernement dans un communiqué de presse commun du 29 novembre 2023 intitulé « Maternités : sans professionnel de santé, pas de sécurité ».