« On ne peut pas attendre les JO pour nos revendications ! »

Avec les JO, les atteintes au Code du travail s’accélèrent. Nous donnons la parole à Louis Boussel, syndicaliste à la CGT Culture. 

Dès son investiture en 2017, le Président Macron parade pour les futurs jeux Olympiques (Photo AFP).
Par la rédaction d'IO
Publié le 19 février 2024
Temps de lecture : 4 minutes

Peux-tu nous parler des attaques au droit du travail dans le contexte de la préparation des jeux Olympiques ?

Louis Boussel : Ce qui commence à monter chez les collègues sur Paris et la région parisienne, c’est une grande inquiétude sur les conditions de travail et les conditions de vie pendant les JO.

Certaines mesures des directions commencent à tomber comme à la BNF où ils ont dit aux salariés que certains allaient devoir se mettre obligatoirement en télétravail, car ça sera une zone « sécurisée » et qu’ils ne pourront pas se rendre au travail autrement qu’à pied.

On a eu une première grève à ce sujet le 23 janvier, la grève de la Ville de Paris qui a été assez suivie chez les agents avec une unité CGT et FO, elle avait comme contenu la situation annoncée avec les JO.

Dans mon syndicat, la CGT Culture, nous allons intervenir au CSA ministériel (vendredi 9 février) sur les questions de santé et sécurité au travail.

Nous avons listé les revendications : adaptation horaire, autorisation spéciale d’absence pour ceux qui ne pourraient pas se rendre au travail, maintien des œuvres sociales et des colonies de vacances pour les enfants, interdiction du télétravail obligatoire.

Ce qui monte chez les militants syndicalistes c’est : on ne peut pas attendre les JO pour nos revendications, en juin ça sera trop tard, ils vont boucler Paris. C’est maintenant qu’il faut exiger les garanties sur le droit au travail et un certain nombre de mesures.

En plus, ce sont les JO de Macron, on sait ce que ça veut dire du point de vue de l’accélération de la destruction du Code du travail et des acquis.

Quelles sont les inquiétudes quant aux conséquences des Jeux sur la vie des salariés et habitants ?

L. B. : Il y a eu une première expression qui a marqué les esprits avec des associations qui ont projeté des images sur l’Arc de Triomphe la semaine dernière qui dénonçaient le fait qu’ils voulaient virer les clochards qui dorment sous les ponts pour « nettoyer » Paris.

La colère et les inquiétudes se cristallisent sur la question des transports. La RATP sait déjà qu’elle ne sera pas en mesure de transporter tous les passagers au moment des JO.

Déjà à présent il n’y a pas un jour sans qu’il y ait de problèmes. Avec l’afflux de touristes, ça va être encore plus compliqué. Du côté des salariés de la RATP ils ont déjà ordonné des réquisitions, des interdictions de vacances.

C’est la méthode Macron-Darmanin : confiner une population, militariser la vie publique.

Certains secteurs ont déjà obtenu des choses comme à l’AP-HP. Il était prévu de redéployer les urgences pour les touristes et les visiteurs, mais pour ceux qui restent à Paris les mois d’été, impossible d’aller aux urgences ou de se soigner.

Il y a aussi de nombreuses inquiétudes sur la vie courante et notamment pour la jeunesse. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, ils ont annoncé qu’il n’y aurait plus qu’une bibliothèque par ville qui serait ouverte, la plupart des infrastructures sportives seront fermées car réquisitionnées pour les Jeux.

Les jeunes, et notamment ceux des classes les plus populaires qui sont ceux qui ne partent pas en vacances, vont se retrouver sans espaces sportifs, avec plein de zones où ils ne pourront pas aller, l’augmentation des prix et l’armée et la police partout ! On sait aussi qu’ils ont annoncé qu’ils voulaient virer les étudiants du Crous pendant cette période…

Il y a aussi une offensive sur le commerce car ils ont étendu sur une période plus longue que les JO, de début juin à fin septembre, les ouvertures du dimanche.

Et cela pas seulement dans les zones dites touristiques mais c’est étendu à quinze arrondissements de Paris. Les syndicats du Commerce se sont déjà exprimés en disant que c’était une volonté de pérenniser cela après les JO.

Tous les militants ont en tête les mesures de confinement comme banc d’essai.

Ce sont les mêmes mesures qui reviennent, on le voit dans les campagnes publicitaires « anticiper les jeux ». C’est la méthode Macron-Darmanin : confiner une population, militariser la vie publique.

 

« Jeux olympiques : saut d’obstacles »

Communiqué de l’Union départementale FO Paris (extraits), 6 février

« On sera prêt ? On ne sera pas prêt ? Discours entendu chaque jour pour noyer le poisson de la réalité pour les salariés. Une charte sociale signée et un « leader syndical » connu chargé de la gestion sociale des Jeux.

Nous tenons particulièrement à souligner que lors de la construction des installations plusieurs salariés ont payé de leur vie « les grands travaux. » Et la Charte sociale dans tout cela ?

À moins que la Charte sociale ne condamne l’absence de congés pour de nombreux salariés pendant toute cette période.

À moins que la Charte sociale ne s’oppose à cette politique de recrutement qui amène à contacter jeunes étudiants ou jeunes tout court pour assurer la sécurité pendant ces jeux.

À moins que la Charte sociale n’ajoute un alinéa qui consiste à faire totalement respecter un Code du travail fortement attaqué par les ordonnances Macron qu’il voudrait encore affaiblir aujourd’hui et qui finalement ne garantit plus rien ni pendant les jeux Olympiques, ni après.

En fait, quand on regarde cette situation, la Charte sociale pourrait devenir le Code du travail du Premier ministre qui n’en demandait pas tant.

N’en déplaise à Bernard Thibault et au Premier ministre, nous, on n’en veut pas !

Les salariés comme nous-mêmes indiqueront qu’il ne peut y avoir de trêve entre juin et octobre.

Les tracteurs des agriculteurs ont bloqué en France comme ils continuent à le faire en Espagne, en Italie… rien n’est donc impossible pour les travailleurs !

Et comme nous l’avons fait pour les agriculteurs, nous serons aux côtés des travailleurs pour revendiquer et faire appliquer le Code du travail, les statuts, les conventions collectives et négociations salariales. »