Sinistre tango…

Décidément, que ce soit sur la marche à la guerre, l’immigration, le racisme, la répression, le droit de grève, les régressions sociales et démocratiques, sans oublier la Palestine, on a bien du mal à savoir ce qui différencie Macron et le RN.

Macron et Le Pen, en 2022 (photo AFP)
Par Pierre Valdemienne
Publié le 21 février 2024
Temps de lecture : 3 minutes

I l y a dix jours, c’était le déplacement de Gérald Darmanin à Mayotte qui a déclaré vouloir supprimer le droit du sol, applaudi des deux mains par le Rassemblement national (RN). La suite logique, en somme, de la loi « asile et immigration », adoptée il y a quelques semaines, elle aussi, avec les voix du RN.

Le week-end dernier, les contrôleurs SNCF qui se sont organisés en collectif avec l’appui de certaines organisations syndicales décident d’une grève massive sur des revendications précises, pour certaines qui datent de plus de vingt ans, liées aux conditions de travail et aux salaires (précisément sur le déroulement de carrière).

Un lot de mesures  racistes et dangereuses

Immédiatement, c’est le déchaînement politico-médiatique : trucages, mensonges, contre-vérités pleuvent sur toutes les ondes, à propos de la situation des contrôleurs SNCF… Cette haine à peine dissimulée cache en réalité une grande inquiétude : que les cheminots commencent, à leur tour, à apporter un début de réponse à la question qui s’était posée de façon aiguë lors de la puissante mobilisation sur les retraites : « Comment bloquer le pays ? ».

Une inquiétude : que les choses ne se passent pas comme prévu

Et ce, à peine quinze jours après la révolte des paysans, qui, par en bas, se sont organisés au niveau de leurs localités, ont bloqué les routes du pays et ont contraint les dirigeants de leurs organisations professionnelles à les suivre. D’ailleurs, à quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, et en dépit des déclarations rassurantes des dirigeants de la FNSEA, rien ne garantit que les choses se passent comme prévu : les actions reprises depuis quelques jours dans les départements en témoignent …

C’est dans ces conditions que, profitant des cris de la meute contre les contrôleurs SNCF, le gouvernement, appuyé par les Républicains et les centristes, cherche à aller plus loin et annonce avancer pour « sanctuariser » certaines périodes où la grève serait illégale.

S’en prendre au droit de grève, c’est s’en prendre aux droits des travailleurs, c’est s’en prendre aux syndicats, c’est s’en prendre à la démocratie. De ce point de vue, constatons que la réaction des confédérations est, pour le moins, bien timide…

La veille de la grève des contrôleurs, après la publication des résultats annuels de 25 des 40 groupes du CAC 40, il est annoncé que les bénéfices nets cumulés de ces entreprises ont déjà dépassé les 120 milliards d’euros pour 2023. Deux jours plus tôt, mardi 13 février, le journal patronal Les Echos  titre en une : « Les Bourses mondiales au sommet ».

Le jour de la grève des contrôleurs, et à l’occasion de la signature à Paris d’un accord bilatéral de sécurité entre la France et l’Ukraine, Emmanuel Macron s’est engagé à fournir une aide militaire supplémentaire de 3 milliards d’euros à Kiev, en plus des 3,8 milliards déjà donnés en 2022 et 2023. Pas assez, semble-t-il, pour le député européen de Place publique et du Parti socialiste, Raphaël Glucksmann, qui a estimé « fou » que l’Europe ne soit pas « passée en économie de guerre », après deux ans de carnage en Ukraine. Rappelons que les députés RN ont voté la loi de programmation militaire, de Macron, le 7 juin dernier. Deux jours plus tard, sur le plateau de TF1, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, annonce 10 milliards de coupes budgétaires.

Surenchère avec le RN

En quelques jours, c’est un concentré de la politique réactionnaire, xénophobe et raciste de ce gouvernement : des milliards pour la guerre, pour la boucherie capitaliste, pour les multinationales ; des coupes claires dans les services publics, l’école, la santé ; des annonces pour remettre en cause le droit du sol, le droit de grève, le droit du travail et les confédérations. Le chef de l’Etat a beau déclarer dans une interview à L’Humanité que le RN « ne s’inscrit pas dans l’arc républicain », force est de constater qu’Emmanuel Macron s’inscrit, lui, parfaitement dans les pas du RN.

Que ce soit sur la  marche à la guerre, l’immigration, le racisme, la répression, le droit de grève, sans oublier la Palestine, mais aussi sur les enseignants, les paysans, sans oublier les régressions sociale et démocratique, décidément, entre Macron et le Rassemblement national, on a bien du mal à savoir ce qui les différencie, mais, n’en doutons pas, le même Macron se prépare à nous refaire le coup du « barrage républicain ». Et, n’en doutons pas non plus, beaucoup s’apprêtent déjà à lui emboîter le pas…

 

« Le feu couve », avertit le politologue Jérôme Fouquet

Dans une interview au Parisien  (20 février), le politologue et directeur de l’Institut français d’opinion publique (Ifop), Jérôme Fourquet, s’inquiète : « Pour l’heure, les gens semblent résignés, mais le feu couve. Je reviens à la barrière de péage (Ndlr : une partie massive de la population a déserté le réseau autoroutier, trop cher). Rappelez-vous qu’avant la prise de la Bastille, le 14 juillet, les révolutionnaires ont détruit, le 13 juillet, les barrières de l’octroi de Paris. Parmi les premiers lieux que les Gilets jaunes avaient investis, parfois détruits ? Les péages. Attention, car la colère pourrait reprendre. Il faut juste un déclencheur.  »