Redonner le pouvoir à l’Assemblée nationale et aux députés élus, avec la Ve République, est-ce possible ?
Pour la première fois dans l’histoire de toutes les constitutions républicaines successives en France, la fonction d’établir et de voter la loi (considérée comme l’expression du pouvoir exercé par le peuple et la démocratie) est très largement retirée du Parlement.
- Tribune libre et opinions, Ve République

Montesquieu (1689-1755) dans son ouvrage De l’Esprit des lois (Livre XI, chapitre VI) a fait du principe de la séparation des pouvoirs le critère fondamental de la définition d’un régime démocratique. Toute personne détenant le pouvoir étant susceptible d’en abuser, Montesquieu préconise une séparation des pouvoirs : les trois pouvoirs – celui de faire les lois, celui de les exécuter et celui de juger – doivent être confiés à trois organes distincts et séparés afin d’éviter un régime politique despotique. C’est ce principe qui a été repris par tous les régimes qui se réclament de la démocratie.
Un principe mis à mal par la Ve République…
C’est ce principe fondamental qui a pourtant été mis en mal par la Ve République par une série d’articles de la Constitution. La logique de ce régime entièrement dominé par l’exécutif est de retirer aux représentants élus de la nation l’essentiel de leurs prérogatives, de les utiliser comme faire-valoir juste à même d’entériner les décisions du président et du gouvernement, les fameux « godillots » de De Gaulle.
Pour la première fois dans l’histoire de toutes les constitutions républicaines successives en France, la fonction d’établir et de voter la loi (considérée comme l’expression du pouvoir exercé par le peuple et la démocratie) est très largement retirée du Parlement, puisque l’article 34 définit de façon strictement limitative la compétence du législateur et renvoie au pouvoir de l’exécutif (dit « réglementaire » et prévu à l’article 37) toutes les « matières autres que celles du domaine de la loi ».
La capacité de décider sur des branches entières et essentielles de la vie publique est donc ainsi ôtée aux députés du pays. Le gouvernement fixe l’ordre du jour des assemblées – donc, en est maître de fait –, dispose de l’initiative conjointe des lois, ce qui aboutit dans la pratique à ce que la quasi-totalité des lois adoptées le soient sur « projet » gouvernemental et non sur « proposition » parlementaire.
L’article 44 permet au gouvernement d’imposer à l’Assemblée « un seul vote sur tout ou partie du texte [de loi – Ndlr] en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement ». Le troisième alinéa de l’article 49 l’autorise à « considérer comme adopté » un texte gouvernemental si une motion de censure n’est pas déposée et adoptée dans les vingt-quatre heures de sa mise en œuvre.
On pourrait multiplier la présentation des procédures de votes forcés et bloqués qui soumettent le Parlement au pouvoir exécutif et en font une chambre d’enregistrement de sa volonté.
Rappelons qu’aux termes de l’article 38 le gouvernement peut se substituer au Parlement et légiférer par ordonnances dans le « domaine de la loi » pourtant déjà limité de l’article 34 ; éviter ainsi tout débat, passer en force.
Sommet de l’arbitraire de la remise en cause de cette séparation des pouvoirs, l’article 16 permet au président de la Ve République de prendre les « mesures exigées par les circonstances », circonstances présentées comme de crise et laissées de fait à sa seule appréciation. Régime d’exception, état de siège, état d’urgence, suppression des libertés publiques, censure contre la presse, modification des tribunaux et de leur composition, tout peut alors être envisagé dans le cadre de l’article 16.
…et bafoué par Macron campé au sommet de ces institutions
L’autocrate Macron a franchi une étape supplémentaire en « violation de la séparation des pouvoirs ». Car comment caractériser le fait que dix-sept ministres démissionnaires du gouvernement, élus députés les 30 juin et 7 juillet, cumulent les deux fonctions de membres du pouvoir exécutif et membres du pouvoir législatif ? Comment accepter que l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale de Yaël Braun-Pivet, le 17 juillet, puisse être conforme à la séparation des pouvoirs avec le vote de ces dix-sept ministres (le Premier ministre et seize ministres) alors que l’écart avec le candidat du Nouveau Front populaire n’était que de treize voix ?
Comment caractériser le fait que depuis le 8 juillet (date à laquelle Gabriel Attal a présenté la démission de son gouvernement), un gouvernement démissionnaire publie 1 300 décrets et arrêtés de nomination, prépare le budget, le tout sans aucun contrôle du Parlement ?
Comment accepter que le Premier ministre Gabriel Attal, membre éminent du pouvoir exécutif puisse siéger à la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale comme président du groupe parlementaire macroniste nouvellement élu ? De même le ministre délégué chargé de l’Europe Jean-Noël Barrot a été élu président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale qui a pour charge de contrôler l’action du gouvernement dont il est membre ?
Pourtant l’article 23 de la Constitution précise que « les fonctions de membres du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire », comme l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qui fait de la séparation des pouvoirs un principe fondamental. La séparation organique stricte entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est totalement et entièrement bafouée par l’autocrate Macron.
Alors, une question se pose : redonner le pouvoir à l’Assemblée nationale et aux députés élus, avec la Ve République, est-ce possible ?