La presse ultra réactionnaire mène campagne contre LFI
Une campagne de presse récente, impulsée par le journal L’Opinion, a abouti à ce qu’un peu partout soit reprise l’idée, résumée par L’Express : « Attaques contre Michaël Delafosse [maire de Montpellier] : “Une stratégie partagée entre Insoumis et islamistes” ».
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L’Opinion titre : « À Montpellier, Michaël Delafosse poursuivi par le communautarisme pro-LFI ». Le journal Valeurs Actuelles, que l’on ne présente plus, indique : « Le maire PS de Montpellier harcelé par des militants LFI. » Ceci a été repris largement sur X, en particulier par le compte « Français de souche ». Bref, du beau monde.
La victime serait donc un maire courageux défendant la République, face au communautarisme, voire au danger islamique, que la France insoumise instrumentaliserait. Mais cela dépend des journaux : certains affirment que les islamistes instrumentalisent la LFI, d’autres l’inverse, la LFI instrumentaliserait les islamistes. Ils n’ont pas eu le temps de se mettre d’accord, et comme il n’y a aucun élément ou fait précis, chacun laisse libre cours à son imagination.
Et comme il faut toujours dans ces cas-là, franchir un cap à chaque nouvel article, Iannis Roder (un ami du maire) déclare dans L’Express : « Je trouve extrêmement choquant qu’un élu soit menacé de la sorte. » Du harcèlement, de la diffamation et maintenant des menaces ? Vraiment ?
Cette campagne n’ira pas loin tant les éléments cités sont pauvres : des extraits d’une boucle privée WhatsApp dont personne ne connaissait l’existence où l’on s’exclame « hamdoulilah » et un simple tract distribué à la sortie d’une mosquée. C’est tout ? Mais oui, c’est tout.
Cependant, elle éclaire parfaitement comment les journaux reversent totalement les choses : les agressés deviennent des agresseurs dans le prisme de la presse de droite et d’extrême droite. Que l’on tape sur les musulmans est banal, normal, dans l’air du temps. S’ils se plaignent, ce sont eux qui « harcèlent le maire ».
Elle éclaire également l’angoisse qui étreint toute la réaction coalisée ainsi que leurs méthodes quelque peu malhonnêtes, et basées le plus souvent, sur le sous-entendu. Car le sous-entendu est l’arme favorite de ces gens : ne jamais dire clairement et ouvertement les choses, suggérer, insinuer. Le marxisme, au contraire, cherche à y voir clair.
Quelle est la réalité derrière cette campagne de bas niveau ?
La réalité est la suivante : depuis le début de son mandat, et en rupture avec les précédents, l’actuel maire de Montpellier n’a cessé de préparer le terrain à l’extrême droite. Charte de la laïcité pour les associations visant à imposer sa propre définition/détournement à toutes les associations demandant subvention, rassemblements avec les élus du RN, silence total sur les victimes palestiniennes, un grand nombre de communications sur X où il est question d’islamisme et de musulmans.
Le maire PS de Montpellier défend la liberté d’expression ? Uniquement quand il s’agit de polémique en direction de l’islam ou des musulmans. Par contre, il participe volontiers à des meetings où le préfet annonce l’interdiction des manifestations dénonçant le génocide à Gaza.
Il défend la laïcité ? Mais uniquement quand il s’agit de critiquer le port de l’abaya ici ou pour garantir la liberté « d’enseigner Charlie Hebdo ». Par contre, le financement de fêtes religieuses catholiques sur la ville ou la loi Debré finançant les écoles privées à 95 % catholiques ne posent pas de problème.
Pas de trace de racisme chez ce maire, tout le monde à égalité ? Qu’on en juge : si les victimes des attaques du 7 octobre font régulièrement l’objet de commémoration et d’hommage, avec une insistance qui cache mal l’alignement sur les buts de guerre d’Israël, en revanche, il faut bien chercher pour essayer de trouver la moindre condamnation des atrocités commises en direction des habitants de Gaza, de Cisjordanie ou du Liban.
Pas de racisme ? Mais le fait d’avoir été aux côtés des élus RN, sur une tribune ou lors de rassemblement ne lui a jamais posé le moindre problème. Lui qui, comme d’autres responsables PS, a fait leur début de carrière en dénonçant les abstentionnistes qui feraient le jeu de l’extrême droite avec des trémolos dans la voix. Mais ça, c’était avant.
Vous parlez diffamation ? Mais qui a suggéré que les manifestations en faveur de la Palestine étaient une forme d’antisémitisme ? Qui donc, si ce n’est le maire lui-même, à la suite de très nombreux autres élus de droite, mais aussi de gauche. Donc peut-être que la diffamation n’est pas du côté que l’on croit.
Instrumentalisation de la laïcité, émotion à géométrie variable, participation à des manifestations aux côtés du RN, sur communication pour dénoncer en tout temps et en tout lieu l’islam, réel ou supposé : tout ceci a été constaté par un grand nombre d’associations, de mouvements politiques et de responsables, et pas uniquement de la LFI. Pourquoi un collectif de musulmans ne pourrait pas faire ce constat lui aussi ? La liberté d’expression serait à géométrie variable ?
Des citoyens musulmans votent LFI, et appellent à voter LFI. Et alors ?
Si des musulmans, comme des millions d’autres travailleurs catholiques, juifs, athées, se retrouvent dans Mélenchon, c’est peut-être qu’il est le seul des candidats à la présidentielle à dénoncer justement l’acharnement à diviser la population sur des bases communautaristes et à rappeler les valeurs universelles non dévoyées de ce que l’on a pu appeler à une époque la « gauche ».
Dans ces conditions, un collectif de citoyens, de n’importe quelle confession, n’est-il pas fondé à protester ?
Certains musulmans regardent en direction de LFI pour les mêmes raisons que beaucoup de juifs ont, pendant des décennies, milité dans des organisations du mouvement ouvrier. Car dans le mouvement ouvrier européen, la pression de l’antisémitisme ambiant était contrecarrée par l’influence du marxisme et du matérialisme historique.
Face aux campagnes haineuses des milieux patronaux et de l’Église, les juifs ont trouvé dans le marxisme et dans les organisations du mouvement ouvrier une aide pour combattre l’antisémitisme. Pas toute, car la pression de l’époque a bien sûr engendré des Doriot et des Marcel Déat, de drôles de « socialistes » eux aussi.
Mais globalement, le mouvement ouvrier a su refuser la propagande réactionnaire. C’est celui-ci qui fut d’ailleurs le cœur de la résistance à la France de Vichy, quand l’appareil d’État et les patrons se sont largement fourvoyés dans la collaboration avec l’Allemagne nazie.
C’est cette réalité qui a d’ailleurs engendré le mot charmant de « judéo-bolchévisme » qui a laissé la place à l’« islamo-gauchisme », repris tant et plus par la macronie de nos jours.
Enfin, quelle est la véritable inquiétude des milieux réactionnaires qui volent au secours du maire de Montpellier ?
La réponse n’est pas à chercher dans un petit tract distribué pour dénoncer des faits connus et établis ou une boucle WhatsApp. Cela, tout le monde s’en moque royalement. Habituellement, les grands de ce monde ne s’abaissent pas à commenter ce que font ceux d’en bas.
Si cette campagne vise encore un peu plus à stigmatiser ceux qui protestent à juste titre et à y impliquer la LFI, elle montre surtout l’angoisse pour la classe dominante devant la possible perte des positions de ses fidèles et dévoués qui l’aident à maintenir le cadre d’ensemble de la politique de Macron et de ses prédécesseurs.
Car Montpellier a une petite contradiction que d’autres villes connaissent, illustrative de la situation nationale : le maire y a été élu en 2020 dans le cadre d’une triangulaire avec 15% des inscrits (24 000 voix au second tour et 8 600 au premier) – avec l’aide du PC, des Verts, d’Ensemble ! (futur GES de Autain) mais aussi du candidat LR (oui oui, LR !) ; sur cette même ville, Jean-Luc Mélenchon, lui, a fait 47 000 voix à l’élection présidentielle en 2022 au premier tour, contre 2 600 pour Anne Hidalgo, la candidate PS (juste devant Jean Lassalle quand même).
La mairie n’est donc pas à la couleur politique des suffrages exprimés dans la ville. Loin, tant s’en faut. La seule députée « socialiste » sur la ville doit son siège et ses indemnités à l’accord national du NFP, pas à sa notoriété et à son envergure locale. Ce qui ne l’empêchera pas de taper élégamment sur LFI y compris en pleine élection.
Face aux inquiétudes pour les échéances électorales et pour la poursuite de toutes les politiques de destruction sociale, oui, il faudra à travers les médias, organiser la division et le racisme d’une part et la défense de ceux qui servent les patrons, la finance, la Ve République, l’Union Européenne, Israël, l’Otan.
Encore plus s’ils sont « de gauche » car la stabilité des institutions nécessite des pseudos « oppositions » qui sont dans leur camp. Ils organisent les campagnes d’opinion qui vont avec. Ces mêmes campagnes d’opinion préparent le terrain à la répression, qui a déjà commencé : des dizaines de syndicalistes et de militants/responsables LFI la connaissent.
Ne pas céder un pouce à ces campagnes, rétablir les faits et remettre au centre le combat organisé pour les revendications ouvrières, pour l’arrêt des guerres de l’Otan et d’Israël, et la destitution du président illégitime, est la meilleure des réponses à apporter.
