Accords interprofessionnels sur l’emploi des séniors et sur l’assurance chômage : le gouvernement et le patronat se frottent les mains

Accompagnement de la réforme des retraites, déréglementation du droit du travail, baisse des droits des salariés, cadeaux au patronat : on comprend que le gouvernement se félicite des accords sur le point d’être signés.

Par Pascal Samouth
Publié le 18 novembre 2024
Temps de lecture : 3 minutes

Jeudi dernier (14 novembre), à l’issue des négociations sur les accords interprofessionnels sur l’emploi des séniors et sur l’assurance chômage, la porte-parole du gouvernement, Maude Brégeon, s’est réjouie des accords trouvés entre organisations patronales et salariales : « cela démontre que la méthode du dialogue social, qui est celle du premier ministre, porte ses fruits ».

Mais que contiennent donc ces accords pour que le gouvernement s’en réjouisse, au moment même où il cherche à faire passer un budget de guerre contre les droits des salariés, contre la Sécurité sociale et les services publics poursuivant les largesses aux patrons qui licencient à tour de bras ?

Le premier accord porte sur l’assurance chômage. Le gouvernement avait demandé que des mesures soient prises « permettant de générer annuellement 400 millions d’euros d’économies supplémentaires », le journal Les Echos constat avec satisfaction que « les intéressés ne se sont pas dérobés » puisque sur 4 ans l’accord table sur 2,4 milliards d’économies, avec un « régime de croisière » qui grimperait à 1,7 milliard. Ces économies représentent plus que ce qu’exigeait le gouvernement.

Si le patronat obtient une baisse de sa cotisation, au 1er mai 2025, de 0,05 point, le journal Les Echos souligne que « les syndicats signataires ( CFDT, CFTC et probablement FO) ont été obligés d’avaler d’importantes baisses de droits sur les chômeurs ».

Les droits des frontaliers sont réduits ; une indemnisation sur 30 jours tous les mois remplace l’indemnisation calendaire. Mais la mesure essentielle de cet accord, c’est le recul des bornes d’âge à partir desquelles un chômeur âgé peut prétendre à une indemnisation plus longue (22 mois et demi à 53 ans et 27 mois à 55 ans à l’heure actuelle). Ces bornes d’âges sont repoussées de 2 ans (55 et 57 ans) pour « tenir compte » de la réforme des retraites rejetée très majoritairement à plus de 90 % par les salariés, quelle ignominie ! Chacun en imagine les conséquences pour les chômeurs âgés, les premiers à être poussés dehors par les patrons avec la vague de licenciements.

Quant au second accord, celui sur l’emploi des séniors, il s‘inscrit dans la même veine que le premier : l’accompagnement de la réforme des retraites et de nouveaux cadeaux aux employeurs.

Une des mesures essentielles porte sur les préretraites progressives, dispositif qui permet aux salariés de baisser leur temps de travail tout en touchant une partie de leur retraite. L’âge d’ouverture de ce droit reste fixé à 60 ans mais l’employeur peut toujours refuser que le salarié en bénéficie, c’est donc un outil de gestion du personnel à sa main. Mais au-delà cette mesure, très peu utilisée par les salariés, s’inscrit surtout dans la volonté d’aménager la réforme des retraites, plutôt que de l’abroger.

Un « contrat de valorisation de l’expérience »,  nouveau contrat précaire

Et c’est la promotion de « l’emploi des séniors » qui a permis aux patrons, dans ce même accord de bénéficier d’un nouvel emploi précaire : le « contrat de valorisation de l’expérience ». Celui-ci reprend le principe du CDI sénior rejeté unanimement par les organisations syndicales lors de la dernière négociation. Destiné aux chômeurs de plus de 60 ans, 57 par accord de branche, dans le cadre d’une expérimentation de cinq ans, ce contrat aura pour particularité de pouvoir être rompu à l’initiative de l’employeur quand le salarié a atteint l’âge légal de la retraite et qu’il remplit les conditions d’un taux plein.

C’est donc une atteinte tout à la fois aux règles actuelles du CDI, puisqu’une nouvelle cause de rupture est inventée, comme de celles du CDD qui limite également les motifs de fin de contrat.

Accompagnement de la réforme des retraites, déréglementation du droit du travail, baisse des droits des salariés, cadeaux au patronat : on comprend que le gouvernement se félicite des accords sur le point d’être signés, surtout au moment où la question de l’abrogation de la réforme des retraites revient à l’assemblée nationale.