Crise de régime

Macron à Mayotte, Macron démasqué par "Le Monde", les affres de Bayrou à quelques heures de la nomination de son gouvernement, la Ve République en crise sans précédent ; aux Etats-Unis, les embardées de Trump et de ses alliés milliardaires...

Par Pierre Valdemienne
Publié le 23 décembre 2024
Temps de lecture : 8 minutes
« A Mayotte, ça ressemble à Hiroshima » (Le Monde, 21 décembre)

« “Les populations clandestines ont été ensevelies (…). Mayotte est devenue un charnier à ciel ouvert”, s’émeut, devant le chef de l’Etat, la députée (Union des démocrates et indépendants) de Mayotte Estelle Youssouffa. Les secours ? Personne ne les a vus. Tout manque. L’eau, l’électricité, la nourriture. (…) Voilà cinq jours que le cyclone est passé. Cinq jours que Mayotte occupe les esprits. Mais, sur l’archipel, tous, ou presque, se sentent abandonnés par l’Etat. La rancœur est là, profonde. Et lorsque le président de la République rejoint Pamandzi, dans la soirée, c’est une foule hurlante qui l’attend aux cris de ”Macron, démission !”(…) “De l’eau ! De l’eau ! De l’eau !”, réclament les Mahorais. Emmanuel Macron s’empare alors d’un micro. “C’est insupportable ce que vous vivez depuis six jours, mais c’est pas moi le cyclone ! Je ne suis pas responsable !”, s’emporte-t-il. Puis, devant ceux qui accusent Paris de ne pas en faire assez, il gronde : “Vous êtes contents d’être en France ! Si c’était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde !” »

« Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou » (Emmanuel Macron, Le Monde, 19 décembre)

« L’immigration, c’est le sujet sur lequel planchent Emmanuel Macron, Alexis Kohler et le ministre de la santé d’alors, Aurélien Rousseau, un jour d’automne 2023. Lors d’une réunion à l’Elysée, ils évoquent l’hôpital public et l’aide médicale d’Etat aux étrangers en situation irrégulière, que la droite veut supprimer.

“Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou”, lance le chef de l’Etat.

– “Non, ce n’est pas le premier problème de l’hôpital”, nuance le ministre de la santé.

“Si, si. Vas-y, tu vas voir !” »

« L’Elysée avait baptisé Matignon la cage aux folles » (Le Monde, 18 décembre)

« Une enquête du “Monde” dévoile le langage peu reluisant utilisé par le président français et ses proches conseillers, y compris des formules homophobes. (…) Publiée mercredi, cette première partie d’une série en quatre volets sur le chef d’Etat français commence à faire des remous. Compte tenu, entre autres, des révélations rapportées dans ce premier chapitre intitulé “Le président et son double”, où le langage d’Emmanuel Macron est particulièrement mis en cause, à la clef aussi des remarques homophobes lorsque Gabriel Attal occupait encore son poste à Matignon.

Des révélations qui ont déjà fait réagir des associations LGBTQ+ puisque selon Le Monde, “l’Elysée avait baptisé Matignon la cage aux folles” durant cette période. Une référence à peine voilée à l’homosexualité du Premier ministre le plus jeune de la Vè République. (…) Le “boys club” a installé au palais une atmosphère de chambrée. Avec eux, on est loin du sacré et de la transcendance… Le soir venu, le président les retrouve pour se distraire après des journées harassantes. “Petit pédé”, “grande tarlouze”Voilà comment ils se parlent, par textos ou autour de leurs whiskys japonais ou écossais », peut-on également lire dans ce récit détaillé de “l’évolution déroutante du chef de l’Etat” ».

Face à ces faits, l’ex-plume du chef de l’Etat Jonathan Guémas, aujourd’hui conseiller spécial chargé de la communication de la présidence française explique – “embarrassé” – dans cet article qu’il s’agit de remarques “au 15 000e” degré. Les associations de défense des droits des LGBTQ+ apprécieront. » (Huffington Post, 19 décembre).

« J’ai un vrai boulot, j’ai du travail, moi » (Laurent Berger à Emmanuel Macron, Le Monde, 22 décembre)

« “Je te demande d’être Premier ministre”, dit Emmanuel Macron.

“N’importe quoi, t’es sérieux ?”

– “Oui, très sérieux.”

La séduction de l’ancien banquier d’affaires n’a jamais opéré sur le nouveau cadre dirigeant du Crédit mutuel. Laurent Berger égrène tout de même un programme de gouvernement, aussitôt interrompu par le chef de l’Etat : “Je ne veux pas qu’on défasse ce que j’ai fait.”

“C’est non, alors”, répond Berger.

Emmanuel Macron insiste : “Je n’accepte pas ta réponse, reviens me voir jeudi.”

“J’ai un vrai boulot, j’ai du travail, moi.”

“Si tu veux, j’appelle tes patrons…”, insiste le président. »

« C’est déjà la débandade » (Franceinfo.fr, 19 décembre) 

« “Les échos sont catastrophiques, sur tous les bancs.” Voilà ainsi résumé, par un collaborateur macroniste, ce que pensent les députés des premiers jours du nouveau Premier ministre, François Bayrou (…). “Je n’aurai rien fait comme lui. Je serais allé directement à Mayotte. Il se prend les pieds dans le tapis en allant à Pau” (un proche de François Bayrou). (…) “Je ne suis pas sûr qu’il faille revenir sur le non-cumul, la règle me semble bien”, soupire un élu Modem. (…) Au même moment sur franceinfo, la présidente de l’Assemblée nationale s’en prend directement à François Bayrou. “J’aurais effectivement préféré que le Premier ministre, au lieu de prendre un avion pour Pau, prenne un avion pour Mamoudzou”, grince Yaël Braun-Pivet, se disant aussi “contre le cumul des mandats”. Malaise en macronie. (…) A la sortie de l’hémicycle, certains sont sidérés. “C’était catastrophique, on s’attendait à ce qu’il prépare un peu mieux l’exercice”, souffle un député LR. »

« Vous n’êtes jamais là, monsieur le maire » (une élue de l’opposition à François Bayrou lors du Conseil municipal de Pau, lundi 16 décembre)

– François Bayrou : « Parce que, ce que vous me reprochez ce soir, c’est d’être là, n’est-ce pas ? »

– Une élue de l’opposition : « Vous n’êtes jamais là, monsieur le maire. Honnêtement. Vous êtes là ce soir, bien sûr. Vous êtes en représentation. Mais nous savons tous que vous n’êtes jamais là. »

– Un élu de l’opposition : « Monsieur Bayrou, vous voulez qu’on parle de votre attitude quand vous étiez dans l’opposition ? J’étais assis là, je vous voyais partir au milieu des conseils, laisser votre manteau sur la chaise, en demandant à Madame (X) de le récupérer pour faire semblant que vous étiez resté jusqu’au bout. »

« Une dizaine d’ambassadeurs français dans le monde arabe adressent une note à l’Elysée pour s’insurger » (Le Monde, 22 décembre)

« Une dizaine d’ambassadeurs français dans le monde arabe adressent une note à l’Elysée pour s’insurger. La ligne du président est “en rupture avec (leur) traditionnelle position d’équilibre entre Israéliens et Palestiniens”, dénoncent-ils. Cette mise en cause est si rare sous la Ve République qu’Emmanuel Macron menace de radier les ambassadeurs frondeurs du ministère des affaires étrangères. »

« Nicolas Sarkozy condamné, un séisme dans l’histoire de la Ve République » (éditorial du Monde, 20 décembre) 

« La condamnation de Nicolas Sarkozy à de la prison ferme dans l’affaire dite “des écoutes” est un séisme. C’est la première fois sous la Ve République qu’une peine aussi lourde est prononcée contre un ex-président de la République pour des faits aussi graves (corruption et trafic d’influence) ».

« Bienvenue dans la IVe République » (éditorial de l’Opinion, 20-21 décembre) 

« Il (Ndlr : François Bayrou) n’avait pas dissimulé sa certitude qu’il parviendrait, lui, le vieux sage de la vie publique, à former un gouvernement rassemblant large, de la droite à la gauche, comme il le pérore depuis des décennies. Raté, il n’aura pas le Parti socialiste, et les Républicains hésitent encore. La faute au flou de ses engagements, à l’irrépressible sensation que les ficelles sont un peu grosses. Ainsi de sa promesse de “reprise sans suspension” de la réforme des retraites tout en rouvrant une discussion de plusieurs mois sur son contenu.

Bienvenue dans l’immobilisme, là où toute réforme votée dans la douleur peut être remise en cause. Bienvenue dans la République de Monsieur Queuille, ce président du Conseil au mitan du XXe siècle, qui se rendit célèbre par son inaction dans une France pourtant en danger. “Il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre”, disait-il. Ça n’avait pas très bien fini. »

« Richissimes, libéraux et ultrafidèles : qui sont les 12 milliardaires au sommet de l’administration Trump ? » (Le Figaro, 22 décembre

« Quand on additionne les fortunes accumulées par les membres de la future Administration Trump, on atteint le chiffre vertigineux de 474 milliards de dollars. Pas moins de 12 milliardaires en font partie alors que Donald Trump n’a pas encore terminé la composition de son équipe. »

« Seule l’Afd peut sauver l’Allemagne » (Elon Musk, 20 décembre)

Le milliardaire Elon Musk, propriétaire de la plateforme X et futur ministre de l’efficacité gouvernementale nommé par Donald Trump, a publié un message prenant fait et cause pour le parti d’extrême droite allemand, Afd. Elon Musk n’en est pas à sa première incursion politique en Europe. Mardi 17 décembre, le milliardaire a affirmé au Telegraph qu’il était prêt à accorder “le plus gros don de l’histoire politique britannique” (100 millions de dollars) au parti Reforme de Nigel Farage, parti d’extrême droite en Angleterre.

« L’Allemagne accélère la modernisation de son armée » (Les Echos, 20-21 décembre)

« Mercredi, les députés socio-démocrates, écologistes, libéraux et conservateurs ont approuvé en commission budgétaire 38 projets d’acquisitions ou de développements d’équipements militaires de plus de 25 millions, pour un total de 21 milliards d’euros.

« Abstention record aux élections syndicales dans les TPE » (Le Monde, 22-23 décembre)

« La démocratie sociale vient d’être ébranlée par un séisme de forte magnitude. Les élections dans les très petites entreprises (TPE), qui se sont tenues du 25 novembre au 9 décembre, ont suscité une indifférence encore plus massive que lors des précédentes consultations, l’abstention battant un nouveau record, à 95,93%. Rendu public, vendredi 20 décembre, ce pourcentage stratosphérique plonge dans le dépit bon nombre de syndicalistes ».

Les salariés à l’Opéra de Paris poursuivent leur grève

« En raison d’un mouvement de grève suivi par une partie du personnel de l’Opéra de Paris, la représentation du ballet Play le 20 décembre 2024 à 20h au Palais Garnier est annulée », peut-on lire sur le site de l’Opéra de Paris.

La représentation de Paquita à 20h à l’Opéra Bastille est également concernée par une annulation. Les salariés de l’Opéra de Paris ont voté en assemblée générale vendredi la poursuite de la grève. 

A Mayenne (53), des centaines de manifestants contre la fermeture de la maternité (Ouest-France, 21 décembre)

« “On demande des moyens humains et financiers pour assurer un accès aux soins à tous les citoyens”, indique Sébastien Lardeux, secrétaire général FO ».

« La base parlementaire du gouvernement la plus étroite de l’Histoire et la mise en cause des Insoumis » (Alain Duhamel, politologue, BFM TV, 20 décembre)

« (BFM TV : L’année 2024, la pire de toute la Ve République ?) Oui, sans hésitation. Il y a eu des années dramatiques, ça ne dit plus rien maintenant mais enfin, le putsch des généraux en 61, Mai 68, les grandes grèves de 95, c’était impressionnant, et il y avait des dérèglements mais pas comme aujourd’hui. Aujourd’hui, ce sont des dérèglements institutionnels et politiques au cœur de la Ve République, au cœur du fonctionnement de la Ve République, et qui se passe dans de telles conditions, avec un tel environnement budgétaire, financier, militaire, psychologique chez les Français, qui sont plus pessimistes que jamais, plein de ressentiment vis-à-vis du monde politique et de ceux qui les dirigent.

Là, on a une année d’accélération de la déconstruction politique, c’est-à-dire qu’effectivement, il y a quatre gouvernements dans l’année, ça n’a jamais existé ! Ce n’est pas que ça n’a jamais existé sous la Ve, ni sous la IVe, ni sous la III » !

Quatre gouvernements dans l’année ! Bon, la base parlementaire du gouvernement la plus étroite de l’Histoire, ce qui est d’ailleurs assez logique à partir du moment où elle est ultra-minoritaire ; et puis, la mise en cause par, ouvertement, les Insoumis, et mezzo voce, le Rassemblement national, du président de la République, c’est-à-dire demandant sa démission, c’est-à-dire demandant en clair de vouloir instaurer maintenant, après l’instabilité gouvernementale – là c’est réussi, l’instabilité législative – , c’est d’ailleurs de la faute d’Emmanuel Macron, maintenant, ce serait l’instabilité présidentielle.

Alors, ça, on n’a jamais fait : et c’est vraiment le contraire même, non seulement de l’esprit mais de la mécanique élémentaire de la Vè République. Et d’ailleurs, moi, le sentiment que j’ai, alors je vais vous paraître comme sorti de l’ère primaire, mais la première année que j’ai vraiment suivie en politique avec passion, c’était l’année 1958, j’avais 18 ans, et c’était l’écroulement de la IVe République. Et là, je trouve que, dans la façon dont tout se déconstruit, et avec, comme en 58, à la fois la question financière, la question militaire, la question dramatique, etc. ça ressemble à la fin de la IVe République, alors que nous avons le régime qui est censé être le plus stable d’Europe. »

« Seule une présidentielle anticipée en 2025 sortira le pays de l’impasse » (Jean-Luc Mélenchon, Le Parisien, 21 décembre)

« (L’acte de décès du gouvernement Bayrou) sera sans doute le 16 janvier, quarante-huit heures après son discours de politique générale. Nous exigeons un vote sur la confiance pour voir s’il a une majorité. Sinon, nous déposerons logiquement une motion de censure. (…) Macron perd pied et sa noyade enfonce le pays. La seule solution est le retour aux urnes. Pour cela, il doit partir. C’est pourquoi nous avons opté pour la destitution très tôt, dès cet été après son coup de force. A présent, une majorité dans l’opinion existe pour cela. (…) Sous la IVè République, il y avait un gouvernement tous les sept mois. Avec Macron, c’est tous les trois mois ! L’impuissance publique est insupportable : la misère, le délabrement et l’inaction écologique frappent de tous côtés. Seule une présidentielle anticipée en 2025 sortira le pays de l’impasse. »