L’université après 7 ans de règne de Macron
Un récent rapport du service de statistiques et d'analyses du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche permet de dresser le bilan amer de sept années de destruction de l’université et des conditions de vie de la jeunesse.
- Tribune libre de la jeunesse, Université

Ce mois de décembre, le service de statistiques et d’analyses (SIES) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR) publie son rapport biennal. La note d’information sur les effectifs étudiants n’est pas avare de données permettant de dresser le bilan amer de sept années de destruction de l’université et des conditions de vie de la jeunesse.
Bilan du Covid
Après une chute inédite depuis 2007, au cours des années 2022-2023, le nombre de nouvelles inscriptions repart à la hausse1« Les effectifs étudiants dans le supérieur en 2023-2024 », 17 décembre 2024.. Le ministère s’en félicite alors que le gouvernement auquel il appartient est pleinement responsable de la baisse intervenue antérieurement. Ce sont leurs politiques désastreuses pendant la pandémie du Covid qui ont amené la jeunesse dans une situation, sans précédent, de précarisation et d’isolement. Combien de jeunes ont renoncé à commencer ou à poursuivre des études pendant cette période par leur faute ?
Des inégalités toujours bien présentes
Les enfants de cadres et des professions intellectuelles supérieures restent surreprésentés parmi les 2,97 millions d’étudiants inscrits en 2023-2024. De plus, les catégories les plus aisées sont d’autant plus surreprésentées au sein des classes préparatoire aux grandes écoles, en droit, en santé, en ingénierie et à l’Ecole normale supérieure. A l’inverse, les filières où l’on trouve les catégories les plus modestes sont les STS2Formation qui permet de valider un brevet de technicien supérieur., les écoles paramédicales et sociales, les lettres, les sciences humaines et sociales et les langues.
Pour ce qui est des inégalités de genre, si l’université française peut se féliciter de compter 56 % de femmes parmi les inscrits de l’enseignement supérieur, à l’exception des études de médecine, elles restent largement minoritaires dans les filières dites « les plus sélectives ». Cet écart est très largement imputable à une société qui induit aux individus ce qu’ils sont libres ou non de faire et, notamment aux jeunes filles, ce qu’elles sont légitimes à étudier ou non.
Il semblait pourtant que l’algorithme ParcourSup devait corriger les inégalités. En réalité, il n’en est rien. Il n’a fait qu’accroître la sélection à l’entrée de l’université pour tout le monde, aggravant la situation. Réalité peu surprenante : Macron n’a jamais brillé ni par sa volonté de faire accéder la jeunesse au savoir et à un avenir, ni par sa volonté de construire l’égalité réelle, que ce soit entre les classes ou bien entre les genres. En témoignent ses derniers propos brillants de sexisme, de racisme et d’homophobie3« Emmanuel Macron, le double état permanent », Le Monde , 19 décembre 2024..
Des étudiants toujours plus précaires
La sélection sociale croissante s’accompagne d’une précarisation toujours plus forte des étudiants. L’enquête réalisée par l’Unef en 20234« Enquête sur le coût de la vie étudiante », Unef, août 2023. indique une hausse de plus de 25 % du coût de la vie étudiante depuis le début du premier quinquennat Macron. Première cause : l’inflation sur les produits alimentaires et le chauffage.
Dans cette situation, comment ne pas penser aux milliers de jeunes qui font la queue aux files alimentaires des organisations étudiantes pour pouvoir se nourrir ? Comment ne pas penser à ceux qui ont la chance d’être logés dans des appartements CROUS insalubres. Comment oublier que la minorité présidentielle a sciemment supprimé le repas CROUS à 1 euro pour tous, que les députés RN (mais aussi Fabien Roussel) ont brillé par leur absence le jour d’un vote perdu à une voix près qui aurait pourtant pu améliorer significativement les conditions de milliers et de milliers ? Comment ne pas penser à ces étudiants, toujours plus nombreux, qui sont contraints de s’enfermer dans des emplois précaires en parallèle de leurs études au détriment de ces dernières et de leur santé ?
La sélection se renforce
La précédente note flash du SIES datée de 2022 s’avérait particulièrement alarmante avec une chute de 14,4 points du taux de poursuite en Master5« Parcours et réussite en master à l’université : les résultats de la session 2022 », 5 décembre 2023.. Le rapport de cette année n’indique pas les taux de poursuite globaux en fonction du nombre d’inscrits en licence, ne nous permettant pas de comparer de façon fiable les données. En revanche, il dresse le premier bilan de la nouvelle plateforme type ParcourSup mise en place par le gouvernement Macron : MonMaster.
Le ministère semble se féliciter que 71 % des candidats aient reçu une proposition d’admission6« Mon Master 2024. Les propositions d’admission en master », 16 décembre 2024.. Drôle de manière de présenter les chiffres, en particulier quand on lit le détail de la note et qu’on essaye de se placer à la place des étudiants « qui ne sont rien ».
La réalité est amère : 29 % des diplômés de licence n’ont reçu aucune affectation. Presque un tiers, dans une société où il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi décent avec un simple Bac + 3 ! Finalement, ce sont 39 % des candidats qui n’ont pas été affectés faute de proposition d’affectation convaincante. Les recrutements hors plateforme sont tombés de 5 à 2 %. Pour ce qui est des recours au rectorat, le Service de statistiques ne propose aucune donnée chiffrée. Pour rappel, le hors plateforme et les recours au rectorat représentent les marges de manœuvre pour les syndicats étudiants afin de négocier une place pour des étudiants qui n’en ont pas.
Les universités sont sur la paille
La situation de dégradation va s’accentuer. Macron a décidé de poursuivre dans l’autonomisation des universités avec l’acte II qui pousse les universités toujours plus loin dans une recherche de rentabilité qui est intenable, sur le plan financier, pour un service public.
Le 3 décembre, soixante présidents d’université ont alerté sur le manque de moyens dans leurs établissements et les risques de faillites encourus. Les mêmes qui, au cours des sept dernières années, ont accompagné toutes les réformes du gouvernement, qui les ont appuyées, qui ont réprimé ceux qui les contestaient, expriment aujourd’hui leurs désaccords avec une situation dont ils ne savent plus comment s’extirper.
Quelques exemples : l’ENS a exprimé la possibilité d’augmenter les loyers de 150 euros et les frais d’inscription de 1 200 euros pour les étudiants fonctionnaires. Pour l’université Paris 1, le syndicat étudiant local alerte sur des coupes allant jusqu’à 20 millions d’euros, équivalentes à la suppression de 15 000 places. La présidente de l’université Paul-Valéry (Montpellier) a déclaré au Midi Libre : « Il faudrait multiplier les frais d’inscription par dix en 2025 si l’Etat ne fait rien ».
Pour parachever son projet, Macron place Élisabeth Borne, fossoyeuse des retraites, à la tête de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur. Coup de grâce, elle est épaulée par Philippe Baptiste, son ministre délégué pour l’ESR, l’architecte de ParcourSup en personne et véritable ambassadeur du privé, ancien membre de la direction de Total et du Boston Consulting Group7Cabinet de conseil à la façon McKinsey..
Le privé se gave
Pendant que certains subissent la dégradation de l’université et des diplômes sur lesquels ils ont tout misé, ainsi que le durcissement de la sélection, d’autres sont bien lotis : les investisseurs du privé. En effet, pour l’année universitaire 2023-2024, la part d’étudiants dans l’enseignement privé dépasse les 26 %, avec une augmentation de 2,8 %.
Mécanique habituelle : baisse tendancielle du taux de profit, besoin de dégager de nouvelles mannes financières, destruction des services publics, puis privatisation de ces derniers avec la complicité du gouvernement qui fusionne les établissements pour préparer de grands ensembles garantissant la rentabilité pour les futurs investisseurs. Les conséquences viennent avec : étudiants mis à la porte de l’université, privés d’avenir ; familles qui se saignent et s’endettent pour payer des écoles privées dans l’espoir d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants ; une jeunesse contrainte aux travaux précaires et ubérisés. Ce monde-là, c’est celui que Macron nous fabrique en bon chien zélé des intérêts du capital.
Ce n’est plus possible
Stop ! Personne ne souhaite un système à l’américaine, où les étudiants sont endettés à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros dès leur première année d’étude, où les jeunes sont par centaines de milliers privés de l’accès aux études et à un avenir digne.
Alors plus que jamais, avec tous ceux qui veulent la rupture avec Macron, incarnation du capital, organisons la bagarre pour :
– l’abrogation de Parcoursup et MonMaster.
– la libre inscription dans la filière et l’établissement de son choix.
– pour le repas CROUS à 1 euro pour tous et toutes.
– l’allocation d’autonomie pour tous les étudiants et toutes les étudiantes.

