« J’écris sans misérabilisme, sans populisme. Je raconte, voilà »

Nous avons eu la chance de rencontrer Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022, qui nous a très chaleureusement accueillies chez elle le temps d’une discussion libre et riche d’enseignements. Elle a partagé avec nous son expérience de femme, d’écrivaine, de militante.

Annie Ernaux, lors d’une conférence de presse à Stockholm, le 6 décembre 2022 pour son prix Nobel. (AFP)
Par la rédaction d'IO
Publié le 23 février 2025
Temps de lecture : 6 minutes

Nous poursuivons la publication de la discussion partagée avec Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022. Vous pouvez retrouver la première partie ICI.

Y a-t-il un lien entre votre engagement et votre manière d’écrire?

Annie Ernaux: Pour moi, ce n’est pas lié. Et, en même temps, il y a forcément des liens, cela ne peut pas être autrement. Ce qui compte avant tout, c’est de dire quelque chose qui est ressenti.

Je ne réfléchis pas à des sujets a priori, c’est quelque chose qui s’impose peu à peu et qui demande à être élucidé.

L’aspect politique dont vous parlez, est-ce cela?

Je ne sais pas, en tout cas, il n’est pas premier dans ma démarche. Mais si je pense ce n’est pas politique, les autres, eux, le savent pour moi. Prenons mon livre La Place. A sa parution, immédiatement, les critiques étaient politiques. Le Nouvel Observateur a été très violemment contre ce que j’écrivais, y compris parce que j’étais une femme. Et puis 8 ans plus tard avec Passion simple, ce fut un déchaînement. J’ai été traînée dans la boue comme cela ne se produit pas pour un écrivain masculin. Le Nouvel Observateur, notamment, s’est octroyé le droit d’écrire: « La p’tite Annie a du chagrin, elle a un amoureux »… usant de cette posture de domination masculine. La Place avait beaucoup gêné. Passion simple a subi des attaques antiféministes. Mais je n’ai eu pas eu que des détracteurs (rires), Le Figaro et L’Humanité ont bien accueilli La Place.

J’écris sans misérabilisme, sans populisme. Je raconte, voilà ! C’est effectivement cela qui avait choqué et qui choque encore ! Des prises de position de ce type continuent. Certains écrivains s’offusquent même que La Place soit au programme…

Quand vous recevez le prix Nobel de littérature en (…)


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