« On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels » (Anatole France, écrivain)

A l’opposé du dispositif qui vise à permettre au gouvernement Macron-Bayrou de se maintenir en place et d’avancer sur l’ « effort de guerre », il y a l’état d’esprit des travailleurs, qui refuse, et qui s’exprime de mille manières. Tous aux manifestations le 22 mars !

Par Pierre Valdemienne
Publié le 12 mars 2025
Temps de lecture : 4 minutes

Le journal patronal Les Échos a publié lundi 3 mars l’évolution des valeurs européennes de la défense en Bourse depuis un an : l’étude révèle que les principales entreprises d’armement (Thales, Rheinmetall, Dassault Aviation…) ont vu leur cote exploser depuis le début de l’année suite aux déclarations de Trump sur la nécessité d’augmenter les budgets de guerre à 5 % du produit intérieur brut (PIB).

L’ « explication de texte » de Trump et Vance à l’encontre de Zelensky, qui vaut, rappelons-le, plus pour les gouvernements d’Europe que pour l’Ukraine, a fourni une formidable opportunité à Emmanuel Macron, au plus mal dans les enquêtes d’opinion, pour se déployer sur tous les fronts : comme au temps du Covid-19, celui du « Nous sommes en guerre », le chef de l’État prépare les esprits au pire, avec à l’appui, une intense campagne politico-médiatique.

« Renforcer notre indépendance en matière de défense », vraiment ?

Dans son allocution, Emmanuel Macron a déclaré : « Il nous faut nous équiper davantage, hausser notre position de défense et cela pour la paix même, pour dissuader ». S’armer pour la paix ? Vraiment ? En août 1937, deux ans avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, Léon Trotsky réaffirmait ce qui peut paraître une banalité : « En lui-même, le développement des armements conduit à la guerre, pas à la paix. » (in « Devant une nouvelle guerre mondiale »). C’est un fait, qui a été malheureusement confirmé maintes et maintes fois par l’Histoire.

Le président de la République a également affirmé : « Il nous faut faire plus, renforcer notre indépendance, en matière de défense et de sécurité ». Mais de qui se moque-t-on ?

L’étude annuelle du très réputé institut Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) sur les exportations d’armes, publiée ce lundi 10 mars, indique que : « Les États européens attendent encore la livraison de 500 avions de combat et de nombreuses autres armes commandées aux États-Unis. »

Dans un rapport publié la semaine dernière, la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) détaille les leviers qu’actionne Washington pour inonder le vieux continent de ses F-16, Apache et autres missiles, et en conclut : « Les garanties de sécurité auront un prix désormais bien plus élevé pour les alliés européens, lesquels pourraient entre autres se voir imposer d’opérer prioritairement des systèmes d’armes américains. » De quoi faire dire au journal patronal Les Échos (idem) : « La dépendance de l’Europe aux armes de l’oncle Sam se renforce. »

La course à l’économie d’armement : une double vertu pour le capital

En réalité, la course à l’économie d’armement a une double vertu : politique et économique. D’une part, faire pression sur les peuples pour leur faire accepter l’« effort de guerre » au détriment des « dépenses sociales » (retraites, Sécurité sociale, services publics…). Et d’autre part, offrir aux montagnes de capitaux qui ne parviennent plus à se valoriser dans le cadre du marché mondial qui étouffe, un débouché que l’économie « classique » ne peut plus aujourd’hui leur offrir.

Au même moment où les entreprises d’armement font des bonds faramineux en bourse, les entreprises de la « tech » américaines s’effondrent. Tesla perd près de 800 milliards de dollars en trois mois. Les « Sept magnifiques » de la tech perdent 750 milliards de dollars en une séance, lundi 10 mars.

C’est la putréfaction du système capitaliste, son incapacité à résoudre ses contradictions inhérentes, ce que Marx a analysé en son temps, à savoir la « baisse tendancielle du taux de profit », c’est cela qui emmène à la militarisation générale.

Ou pour reprendre une célèbre citation de Jean Jaurès : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».

Celui qui explique le plus clairement les choses est sans doute le journaliste économique, Eric Le Boucher, dans l’Opinion (10 mars) : « Défendre la France et l’Europe, impose concrètement de demander plus de travail aux Français, départ plus tardif en retraite, conservation des seniors dans l’emploi, entrée plus rapide des jeunes et exigence renforcée pour les chômeurs de se réformer et d’accepter le travail existant. » Au moins, les choses sont dites clairement.

Comme à leur habitude, les dirigeants du Parti socialiste leur emboîtent le pas, dans une « couverture à gauche » de la position de Macron : en substance, disent-ils, « oui à l’ “effort de guerre” mais un effort partagé par le capital et le travail ».

C’est la déclaration de François Hollande, invité du Grand Jury (9 mars) : « L’union nationale, c’est la participation de tous. S’il y a un effort à faire il doit être partagé. Si on demande aux uns de contribuer davantage, il faut demander la même chose aux plus fortunés. »

Sous une forme plus « sioux », c’est la une du journal L’Humanité du 6 mars : « Pour la guerre, pas d’austérité ». Il y a quand même une certaine fourberie à faire croire que ce ne serait pas aux peuples de payer la guerre.

Et quand bien même des combinaisons seraient trouvées pour masquer ce fait, la guerre, c’est la ruine de la civilisation et de l’humanité. Sur ce point également, cela a été confirmé maintes fois dans l’Histoire.

« Les guerres, ce sont des gens qui ne se connaissent pas et qui s’entretuent parce que d’autres gens qui se connaissent très bien ne parviennent pas à se mettre d’accord » écrivait Paul Valéry.

Mais à l’opposé de ce dispositif qui vise à permettre au pouvoir de se maintenir en place et d’avancer sur l’ « effort de guerre », il y a l’état d’esprit des travailleurs, qui refuse, et qui s’exprime de mille et une manières : ce sont les enquêtes d’opinion, qui montrent que deux tiers des Français sont contre l’envoi de troupes militaires en Ukraine (sondage CSA, 5 mars).

C’est la réponse de la vice-présidente de l’Unef, Salomé Hocquard, à la question du plateau de BFM TV : « Prête à vous engager ? » : « Non. Pas du tout. » (10 mars). C’est le tweet du président de la confédération française de l’encadrement (CFE), François Hommeril : « Vous l’entendez la petite musique ? Le discours des va-t’en guerre… les efforts nécessaires… les coupes budgétaires… sans augmenter les impôts… Et pendant ce temps-là, 2024, année record de dividendes et de rachat d’actions ».

Ou encore le communiqué de la confédération Force ouvrière, qui déclare : « (…) FO ne veut participer ni à l’instrumentalisation, ni à l’intégration des organisations syndicales de salariés dans une économie de guerre, synonyme de renoncement et d’abandon des revendications des travailleurs. »

Ce sont ces pancartes contre la guerre faites à la main par des manifestants à l’occasion de la manifestation du 8 mars ou dans ces rassemblements d’enseignants et de parents d’élèves.

C’est dans cette situation que LFI prépare les manifestations qui auront lieu partout dans le pays samedi 22 mars « pour l’unité du peuple contre le racisme, pour stopper l’extrême droite et ses idées, pour dégager Macron, Bayrou, Retailleau », qui intègre aussi, de fait, la question de la guerre.