En Inde, plus de 250 millions de travailleurs en grève et manifestations

Le 9 juillet, plus d’une dizaine de centrales syndicales ont appelé à une grève contre la politique du gouvernement Modi.

Cortège syndical, le 9 juillet. (DR)
Par Daresh Hake
Publié le 20 juillet 2025
Temps de lecture : 5 minutes

Comme le rappelaient celles-ci : « Le gouvernement indien n’a pas organisé de conférence syndicale depuis dix ans et continue de prendre des décisions contraires aux intérêts des travailleurs, notamment en tentant d’imposer quatre codes du travail dans le but d’affaiblir la négociation collective, de paralyser les activités syndicales et de favoriser les employeurs au nom de la “facilité de faire des affaires”. Les politiques économiques entraînent une hausse du chômage, une hausse des prix des produits de première nécessité, une baisse des salaires, une réduction des dépenses sociales dans l’éducation, la santé et les services publics de base, ce qui aggrave les inégalités et la misère des pauvres, des groupes à faibles revenus et même des classes moyennes. Le gouvernement a abandonné le statut d’État-providence de notre pays et œuvre dans l’intérêt des entreprises étrangères et indiennes, comme le montre la vigueur de ses politiques. »

L’activité mise à l’arrêt dans plusieurs États

Les centrales ouvrières ont été rejointes par des syndicats paysans qui avaient mis en échec la politique du BJP, parti de Narendra Modi. À Kolkata, au Bengale, « le gouvernement a ordonné à tous ses employés de se présenter au travail… Aucune absence ne sera acceptée sauf cas exceptionnel… »

Le gouvernement central a mis une pression pour invisibiliser la grève. Le jour dit, il n’a pas commenté officiellement la grève sauf à rejeter généralement les revendications des syndicats. Pourtant, dans le secteur bancaire du Madhya Pradesh, environ 40 000 employés de banques pu-bliques et coopératives dans 8 700 agences ont rejoint la grève, affectant les services bancaires.

La mobilisation a été particulièrement forte dans certains États et régions où l’activité économique a été complètement à l’arrêt, notamment au Kerala, Tripura, Bihar, Jharkhand, au Bengale-Occidental, avec des affrontements rapportés dans certaines zones comme Naxalbari et une forte participation des secteurs bancaire, assurance, transport et usines, ainsi que dans l’Himachal Pradesh, à Shimla, la capitale de l’État. À New Delhi, la capitale, une importante manifestation centrale a eu lieu.

À Mumbai, les employés de banque ont également manifesté contre la privatisation du secteur.

Le mouvement des paysans dans toutes les mémoires

Le gouvernement BJP et ses officines comme le RSS ont cherché à minimiser l’ampleur de la grève. Le ministère du Travail a déclaré le 8 juillet 2025 qu’« environ 213 syndicats, y compris le Bharatiya Mazdoor Sangh (BMS) soutenu par le RSS, l’ont informé qu’ils ne participeraient pas à la grève générale nationale. » (source : The Hindu, 9 juillet 2025). Le gouvernement a maintenu sa position sur la nécessité des « réformes ».

Malgré ces tentatives, plus de 250 millions de participants, y compris des agriculteurs et des étudiants, se sont mis en mouvement.

Par ses silences ou ses déclarations minimalisant les faits, la classe capitaliste n’oublie pas le Kisan Andolan, le puissant mouvement des paysans de 2021. Ce dernier vit dans la conscience des paysans et travailleurs d’Inde, imprimant qu’il est possible de faire plier le gouvernement réactionnaire Modi.

Comme le rappelle à l’issue de la grève, la direction du syndicat AICCTU : « Cette grève était une réponse appropriée aux politiques destructrices du gouvernement Modi et à son attaque généralisée contre les droits et les moyens de subsistance des travailleurs, la démocratie, la Constitution et le droit de vote des travailleurs. Quatre codes du travail et trois lois pénales sont promulgués pour asservir les travailleurs aux grandes entreprises et criminaliser leurs droits. La dernière attaque du gouvernement Modi contre les travailleurs et le peuple est la conspiration de privation massive de leurs droits, qui prive de leur droit de vote les migrants, les minorités et une grande partie des pauvres et des opprimés. Dans un tel contexte, la grève de millions de travailleurs en Inde marque assurément une étape importante dans le mouvement ouvrier indien. »

 

Communiqué de presse des centrales syndicales et fédérations syndicales

« Félicitations aux travailleurs, agriculteurs, travailleurs agricoles et à la population en général pour le grand succès de la grève générale nationale du 9 juillet 2025.

Plus de 250 millions de personnes ont participé à la grève –  Rasta Roko (blocage des routes)/Rail Roko (blocage des voies ferrées)  dans tout le pays – dans les secteurs formel et informel, au sein du gouvernement, des entreprises publiques et des zones industrielles.

(…) Les travailleurs et leurs syndicats des secteurs du charbon, de la NMDC Ltd., d’autres secteurs miniers non liés au charbon tels que le fer, le cuivre, la bauxite, l’aluminium, les mines d’or, etc., de l’acier, des banques, des LIC, des GIC (entreprises publiques d’assurance), du pétrole, de l’électricité, de la poste, des Grameen Dak Sevaks  (la poste), des télécommunications, de l’énergie atomique, du ciment, des ports et des docks, des plantations de thé, des usines de jute, des transports publics, des transports divers du secteur privé, des fonctionnaires de divers secteurs et États et des fonctionnaires du gouvernement central dans des domaines importants comme la poste, l’impôt sur le revenu, l’audit, etc., se sont mis en grève. (…)

Les employés du secteur de la défense ont manifesté pendant une heure en soutien à la grève et n’ont rejoint leurs bureaux qu’après, conformément à leur décision.

Les syndicats des cheminots se sont mobilisés et ont participé à des actions de solidarité. Les syndicats des travailleurs de la construction, des Beedi (cigarettes) , des Anganwadi (crèches gouvernementales rurales) , de l’ASHA  (agents de santé gouvernementaux ruraux) , des cantines et autres services, des agents d’assainissement, de la pêche, des employés de maison, des colporteurs et vendeurs ambulants, (…) des travailleurs à la pièce à domicile, des rickshaws, des automobilistes et des taxis ont participé à la grève et ont rejoint Rasta Roko  et Rail Roko  à plusieurs endroits. Les étudiants, les jeunes, les femmes et les militants sociaux ont également participé à des défilés (…). Les marchés ont été fermés dans de nombreux endroits en réponse à l’appel à la grève.

(…) Les travailleurs ont rejoint la grève en masse dans tout le pays, affrontant courageusement les nombreuses mesures d’intimidation et de répression ainsi que les menaces des administrations, tant du gouvernement central que de nombreux États, et des employeurs. (…).

La population s’est exprimée contre la montée des inégalités face à la hausse sans précédent des prix des produits de première nécessité, à la montée du chômage et du sous-emploi, source de désespoir, à l’augmentation des suicides parmi les travailleurs précaires et au chômage des jeunes.

Le gouvernement n’a pas organisé de conférence syndicale indienne depuis dix ans, violant ainsi les normes internationales du travail et continuant de prendre des décisions contraires aux intérêts des travailleurs, notamment en tentant d’imposer quatre codes du travail favorisant les employeurs au nom de la “facilité de faire des affaires”.

Les syndicats considèrent ces codes du travail comme une négation des droits du travail acquis après 150 ans de lutte depuis l’Empire britannique. Ces codes nient notre droit de grève, rendent l’enregistrement des syndicats problématique (…).

Il n’y a pas de protection du travail, l’emploi à durée déterminée est totalement dépourvu de protection du droit du travail, l’apprentissage illimité et l’absence de contrainte d’absorption sont une autre forme d’exploitation, la violation par les employeurs est décriminalisée alors que la criminalisation des dirigeants syndicaux est en cours. (…)

C’est le début d’une longue bataille qui se poursuivra dans les jours à venir au niveau sectoriel, axée sur une résistance unie et déterminée, pour aboutir à une action unie renforcée à l’échelle nationale.

Après avoir manifesté dans les zones industrielles pour faire grève, les syndicats de Delhi ont organisé un rassemblement public à Jantar Mantar, à New Delhi. Les dirigeants nationaux des dix centrales syndicales : Ashok Singh (INTUC), Amarjeet Kaur (AITUC), Harbhajan Singh (HMS), Tapan Sen (CITU), Rajiv Dimri (AICCTU), Lata Ben (SEWA), Chaurasia (AIUTUC), Jawahar (LPF), Dharmendra Verma (TUCC) et R. S. Dagar (UTUC) ont pris la parole. Les dirigeants syndicaux de l’ICEU et du MEC, ainsi que les dirigeants de l’AIKS et des travailleurs de l’agriculture ont également pris la parole. »