Élection municipale à Detroit (Michigan) : « Le soutien syndical a été crucial »
La parole à Aaron B. responsable de la campagne de Denzel McCampbell comme conseiller municipal du 7e district de Detroit, dont il vient de remporter les primaires (qui correspondent ici plus ou moins à un premier tour).
- Actualité internationale, Etats-Unis

De nombreux militants ouvriers étaient présents au congrès de Democratic Socialists of America (DSA) du 6 au 8 août à Chicago, comme délégués de leur comité DSA, ou comme invités. Nous reproduisons l’interview réalisée à cette occasion, d’un militant ayant participé à l’organisation d’une campagne municipale à Detroit, l’une des villes les plus symboliques des conséquences de la désindustrialisation aux États-Unis.
Comment avez-vous organisé la campagne ?
Aaron B. : Un des éléments principaux, c’était la mobilisation des membres. C’était vraiment notre plus grosse contribution à la campagne, en plus d’avoir organisé tous les appels téléphoniques et les opérations de porte-à-porte avec lui. Je dirais que notre plus grand apport, c’était d’avoir mis en place un système d’appels aux membres : on les appelait chaque semaine, on leur envoyait des textos, des e-mails – on les sollicitait constamment pour les inciter à venir participer.
On a eu 149 bénévoles différents. Chaque week-end, entre 15 et 30 personnes se présentaient. À notre pic, on a eu 50 ou 60 personnes sur une seule journée ou un week-end. C’était énorme pour nous. On compte environ 1 000 membres à Detroit, et je dirais qu’un peu plus de 10 % de notre section s’est impliquée dans cette campagne. C’est la première fois qu’on s’engageait dans une course aussi importante. On n’avait jamais essayé le conseil municipal de Detroit. On a déjà mené des campagnes ailleurs, mais jamais à Detroit même. Et c’est déjà notre campagne la plus réussie. On a frappé à environ 16 000 portes et passé quelque 23 000 appels. Et on avait un noyau dur de cinq à sept personnes qui dirigeaient la campagne.
Quels étaient les principaux thèmes mis en avant ?
Denzel McCampbell a travaillé auparavant pour Rashida Tlaib, qui est aussi une membre de notre section dont on soutient les campagnes. Donc on le connaît depuis longtemps. On l’avait déjà présenté aux élections pour le poste de greffier municipal de Detroit (responsable des élections de la ville), mais on n’avait pas gagné cette fois-là. On était très heureux de le voir se présenter à nouveau. Il est très apprécié au sein de notre section. J’entendais souvent des gens dire : « Il faut que Denzel se présente de nouveau à quelque chose ». On a donc décidé de le soutenir à nouveau.
Il a fait campagne sur un programme centré sur le fait qu’il y a beaucoup d’argent qui afflue vers le centre-ville, pour des grands centres de convention, des commerces… À ses yeux, on essaie de transformer le centre en une destination touristique.
Denzel veut que cet argent aille plutôt vers les quartiers où les gens vivent réellement, pour répondre à leurs besoins : aide à la rénovation des logements, amélioration des transports publics, construction de centres de loisirs… Il veut mettre en place ce qu’on appelle une vraie sécurité publique – pas juste augmenter la présence policière, mais s’attaquer aux causes profondes de la criminalité.
Detroit est historiquement une ville industrielle. Comment cela a-t-il influencé la campagne ? Quelles étaient les relations avec les syndicats ?
Le soutien syndical a été crucial pour notre campagne. On a été soutenus par quasiment tous les grands syndicats. Le plus gros ici, bien sûr, c’est l’UAW, puisque Detroit est le berceau des « Big Three »1Les « Big Three » (trois grands) sont les trois grands constructeurs automobiles américains, General Motors, Ford et Stellantis. L’UAW est le syndicat de l’automobile.. C’est peut-être même le plus gros syndicat du pays. Leur soutien était très important pour nous, tout comme celui du SEIU. Si vous allez sur le site de Denzel, on voit ses soutiens syndicaux, comparés à ceux de Karen Whitsett, Regina Ross et Bobby Johnson, nos trois adversaires. Regina Ross avait peut-être un ou deux soutiens syndicaux, comme celui des travailleurs du bâtiment, mais dans notre campagne, le soutien syndical était bien plus large.
Même si notre section de DSA était la force principale derrière la campagne, on a travaillé avec les syndicats. Certains, comme le SEIU, ont envoyé des personnes pour nous aider à faire du porte-à-porte. Je dirais qu’ils ont vraiment contribué – notamment le week-end où on a eu 50 ou 60 bénévoles.
Quel a été l’impact de cette campagne sur la structuration de la section DSA de Detroit ?
On a recruté quelques personnes, mais j’ai une vision un peu différente du recrutement. Bien sûr, il y a le recrutement « classique », c’est-à-dire attirer de nouvelles personnes motivées. Mais on a aussi, comme toutes les sections, un certain nombre de membres « sur le papier » – des gens qui se sont inscrits, mais qui n’ont jamais été actifs, ou qui se sont éloignés. Sur ces 150 bénévoles, beaucoup étaient de ces membres « sur le papier » qui ne s’étaient jamais vraiment impliqués auparavant.
Donc pour moi, le succès c’est ça : nous avons près de 1 000 membres, mais un noyau actif d’environ 100 personnes. Le fait de réactiver ces membres a augmenté la participation à nos réunions générales et dynamisé la section. Ce n’était pas tant un recrutement externe qu’un recrutement interne, en quelque sorte.
Et maintenant que les primaires sont passées, quelle est la suite ? Que va-t-il se passer dans les semaines et mois à venir ?
On a gagné avec une avance d’un demi-point. C’était très serré, mais on est arrivés en tête aux primaires. À Detroit, les primaires municipales sont non partisanes : il n’y a pas de partis, les candidats se présentent comme indépendants. Les deux premiers passent au tour suivant. Notre adversaire, Karen Whitsett, sera donc en lice avec nous pour le scrutin final.
On est très confiants quant à nos chances de la battre, mais ce sera une mobilisation totale. On va mener campagne jusqu’aux élections générales en novembre.
Quelque chose à ajouter ?
C’est en fait la première campagne électorale que je dirige pour cette section. J’ai pris ce poste, et je n’aurais jamais pu le faire sans l’aide et les conseils des membres électoraux précédents, ainsi que l’implication de tous les membres de la section. Si les gens ne s’étaient pas mobilisés derrière moi, on aurait été perdus. Même si j’ai joué un rôle important, c’est vraiment grâce à eux, grâce à la section. Je n’aurais jamais pu faire ça seul.
