« … On a jeté cet homme aux chiens… »

Avant même la décision de justice rendue ce 13 décembre visant Adrien Quatennens, « Informations ouvrières », tribune libre de la lutte des classes et journal du POI, avait apporté son soutien au député LFI dans la curée politico-médiatique qui le ciblait et qui se poursuit aujourd'hui. Voici ce que nous écrivions notamment dans un supplément à notre n°724, paru le 23 septembre dernier.

Par la rédaction d'IO
Publié le 15 décembre 2022
Temps de lecture : 5 minutes

Ceux qui nous connaissent depuis longtemps, amis ou ennemis, le savent. Ceux qui nous lisent régulièrement ou épisodiquement l’ont compris. Nous ne faisons pas partie de la meute. Trotskystes pour certains d’entre nous, nous ne savons que trop, au travers de l’histoire, ce que signifient et leurs buts, les procès truqués, les amalgames concoctés, la fouille de la vie personnelle et familiale, les extrapolations à partir d’un fait, les calomnies et les mensonges, l’organisation d’une « vindicte populaire », les coups montés.

En politique, aveu d’impuissance à convaincre par le débat démocratique, ils servent à salir, à détruire hommes et femmes, engagés, organisés ou en mouvement contre l’ordre établi.

Forts de nos combats constants (sur l’IVG, avec le Comité de défense de la gynécologie médicale, pour l’égalité salariale, pour la défense de leurs revendications spécifiques dans les métiers à haute densité féminine, pour la reconnaissance des droits des femmes) avec nos organisations syndicales, nous avons trop de respect pour la cause des femmes, la situation particulière qui leur est faite, les exactions qu’elles subissent au quotidien, les violences et agressions, pour accepter que cette cause soit instrumentalisée.

L’objectif se précise

A quoi sert ce qu’hélas, il est convenu d’appeler « l’affaire Adrien Quatennens » ?

Madame C. Cornudet, éditorialiste talentueuse du journal patronal Les Echos, avec une parfaite connaissance du mouvement ouvrier et syndical, et qui n’est pas de notre bord, écrit : « Y a-t-il un lien entre l’affaire Quatennens et la réforme des retraites ? Aucun a priori. Et pourtant, ce n’est pas un hasard si Elisabeth Borne accuse ce mardi Jean-Luc Mélenchon de“ banaliser les violences intrafamiliales” par son tweet. Quand on cherche comme Emmanuel Macron un “trou de souris” pour faire passer sa réforme, tout “bougé” dans le paysage politique compte. »

E. Borne, bien vite rejointe par Mme Le Pen avec qui elle collabore à l’Assemblée nationale, et qui a dit quasiment la même chose contre Jean-Luc Mélenchon. Eux comprennent de quoi il s’agit.

Au fil des jours, l’objectif se précise. Instiller les venins du doute et de la division d’abord dans LFI, puis avec tous les partenaires de la Nupes, tenter d’enrayer l’engouement de millions pour cet espoir de rupture, les pousser à l’abandon et à la déception. Dresser les hommes contre les femmes exactement comme ils le font entre travailleurs français et immigrés… Pour dévoyer la lutte. Au moment même où, malgré les embûches et manœuvres, la préparation de la Marche contre la vie chère est entrée, dans de plus en plus d’endroits, dans sa phase active. Au moment où, pour des millions, les prix explosent, à quelques jours de l’ouverture de la deuxième session de l’Assemblée nationale, et dans une situation où M. Macron cherche désespérément à trouver comment faire passer sa réforme des retraites, y compris contre des pans entiers de son propre camp, avec la probabilité très sérieuse d’unité syndicale avec appel à la grève.

Une mécanique se met en place

Pour les mêmes objectifs, ils avaient utilisé « Mélenchon, agitateur violent », puis « LFI extrémistes comme le RN », soupçons d’antisémitisme et même la tentative de normalisation par l’envoi de ministres aux Amfis.

Et ils décident cette fois-ci de frapper LFI à la tête, mais aussi d’autres composantes de la Nupes. Ils ciblent un des dirigeants les plus talentueux, sympathique, combattant de longue date de toutes les causes ouvrières, défenseur de la cause des femmes, et qui plus est, capable de clouer le bec sur les plateaux télé à la meute de journalistes aux ordres.

Comment s’organise et se met en place cette offensive ? On notera que l’affaire commence par la publication d’un document censé ne pas sortir des services de police. Qui a autorité pour un tel « passe-droit » ?

On prendra en compte le fait que les époux font une communication commune, et qu’Adrien Quatennens, avec courage et dignité, s’exprime en s’excusant et en condamnant son geste. Personne ne jugera utile d’en tenir compte. Et la mécanique se met en marche.

Amalgames

Mme Natacha Polony, journaliste, dit : « La certitude est qu’il n’y a jamais de justification à la brutalité physique. A ceci près qu’une gifle, toute condamnable qu’elle soit, lors d’une dispute entre deux conjoints qui se séparent n’est pas assimilable à la tragédie que vivent des femmes battues ou violentées. Il faut, bien sûr, œuvrer à éradiquer toute violence (…) Mais le couple, comme toute entité humaine, crée une alchimie dans laquelle, en cas de dysfonctionnement, chacun peut être amené à déployer sa violence ou sa perversité. (…) Il n’y a pour l’heure (et ce “pour l’heure” a son importance) aucune raison de mettre Adrien Quatennens dans le même sac que des hommes accusés de harcèlement sexuel ou de viol, ou de dessiner un continuum entre ses problèmes de couple et les drames qui régulièrement voient des femmes atrocement assassinées par un conjoint ou un ex. »

Et ce « pour l’heure » a son importance. Nous partageons totalement. Nous ne sommes pas de ceux qui se prononcent par copinage ou par intérêt politique. On parle donc d’aujourd’hui.

Prendre un fait, aussi condamnable soit-il, le grossir autant que de besoin, l’amalgamer avec des possibles que rien ne confirme, à partir de cela encamisoler dans une catégorie… cela porte un nom : procès d’intention, procès en sorcellerie, inquisition.

Et voilà M. Adrien Quatennens – la main sur le cœur et avec tout le vocabulaire de gauche possible – mis sur le même plan que les curés agresseurs d’enfants, les violeurs fous ou les gros machos qui utilisent leur femme comme esclave. On le met à l’écart de tout, on le fait disparaître ; va-t-on aussi, comme on l’a déjà fait pour d’autres lorsqu’il était minuit dans le siècle, le faire disparaître des photos où on le voyait avec tous, radieux et combatif ? Si Mme Polony et Mme Cordunet ont cette clairvoyance dans leur analyse – que confirme, s’il en était besoin, le communiqué du Haut Conseil à l’Egalité, nommé par le Premier ministre, et qui n’avait pas fait la moindre communication lorsqu’étaient apparues les accusations contre Messieurs Darmanin, Hulot ou Abad – , le mieux ne serait-il pas que tous ceux qui connaissent Adrien Quatennens s’emparent de ces vérités qui crèvent les yeux ?

Nous ne sommes pas de ceux-là

Depuis nos deux dernières parutions, nous avons reçu d’innombrables messages.

Bien sûr, pas de Madame Sandrine Rousseau, qui, dans un acte de belle démocratie, a fait supprimer par son modérateur, de son fil de discussion, la lettre que lui a adressée notre camarade Daniel Shapira, militant dans son arrondissement. Pas plus de Fabien Roussel – qui va finir par indisposer ses propres soutiens – ou de tous ceux qui se sont empressés d’accabler encore plus Adrien Quatennens en demandant son retrait de la vie parlementaire. Et encore moins de ces dirigeants de la CGT qui se joignent au concert général alors qu’il y a à peine quelques mois, ils avaient purement et simplement démis de ses fonctions un des leurs, fort connu, accusé, puis relaxé par la justice et finalement réintégré dans ses fonctions.

Non. Nous avons reçu des messages de sympathie et de soutien, parmi lesquels ceux de beaucoup de femmes. Démontrant que les choses ne sont pas si simples pour les inquisiteurs de tout poil.

Nombre d’entre nous ont, dès les premières heures, adressé des messages de fraternité à Adrien Quatennens. Dans la terrible situation qu’on lui fait subir, à lui et à sa famille (les grands accusateurs se soucient-ils un instant de ce qu’ils font peser sur sa petite fille ?!), nous lui adressons notre salut amical et fraternel.

François Mitterrand, très apprécié de la LFI et aussi dans la Nupes, avait déclaré à propos d’une campagne ciblant un de ses compagnons et ministre : « On a jeté cet homme aux chiens ».

« On » : nous ne sommes pas de ceux-là.

Et nous préparons à fond la marche contre la vie chère, contre la réforme des retraites, contre toutes les remises en cause, pour les droits des femmes.