Retour sur 6 mois d’antidémocratie du gouvernement Macron

De janvier à juin 2023, le gouvernement a utilisé successivement les articles 47-1, 44.3, 49.3 et 40, autant d’outils puisés dans la Cons-titution antidémocratique de la V e République, pour faire passer sa réforme des retraites.

Les 151 députés de la Nupes réunis sur les marches de l’Assemblée nationale le 8 juin, quelques instants avant le nouveau coup de force du gouvernement (LFI).
Par Marie-Paule LEMONNIER
Publié le 24 juin 2023
Temps de lecture : 3 minutes

Au lendemain de la manifestation du 19 janvier, que le ministère de l’Intérieur lui-même a qualifié de « la plus forte mobilisation de ces 30 dernières années », Elisabeth Borne annonce utiliser l’article 47-1, jamais utilisé auparavant, qui limite la durée des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Alors que des millions de Français manifestent dans la rue à l’appel d’une intersyndicale unie, les députés LFI-Nupes refusent de se soumettre aux diktats du gouvernement. Au terme des débats, le 17 février, seuls les 2 premiers articles du projet de loi ont été votés. Le gouvernement ne peut se prévaloir d’aucune légitimité parlementaire. Manuel Bompard, député LFI-Nupes des Bouches-
du-Rhône, écrit dans son blog le 18 février : « Une première victoire a été remportée ».

Après l’article 47-1 à l’Assemblée, l’article 44.3 pour museler le Sénat…

Après la puissante grève et les manifestations monstres du 7 mars, à la veille de la manifestation du 11 mars, et sans la moindre légitimité à l’Assemblée, le gouvernement cherche à tout prix un vote favorable du Sénat. En vain… la puissance de la classe ouvrière avec ses organisations unies sur l’exigence du retrait de la « réforme » des retraites, entraînant la masse de la population, impacte jusqu’au Palais du Luxembourg. Le 10 mars, Macron est contraint de dégainer l’article 44.3 qui oblige le Sénat à ne retenir que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. « Les masques tombent. (…) Après avoir contourné l’Assemblée nationale, le gouvernement bâillonne le Sénat », dénonce sur Twitter, le 10 mars, Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. La réforme est votée au Sénat le 11 mars. 40 % des sénateurs centristes, 10 % des sénateurs républicains ont soit voté contre, soit se sont abstenus.

…pour dégainer ensuite le 49.3

Fin mars, malgré la violence de la répression, des millions continuent à manifester pour exiger le retrait de la « réforme ». Isolés, incertains quant au vote de leur propre camp, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne décident le 16 mars d’utiliser le 49.3 pour faire passer sans vote la réforme des retraites à l’Assemblée nationale. La Nupes et le groupe Liot (Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires) déposent une motion de censure qui manque, à 9 voix près, de faire chuter le gouvernement. Le 49.3 permet au gouvernement de faire passer la réforme des retraites mais au prix d’une crise politique majeure, y compris et surtout dans les rangs du parti présidentiel. « L’utilisation du 49.3, ça a été un coup dur pour le groupe, déclare une députée Renaissance (Le Monde, 26 mars). C’est la première fois que je me suis dit : en fait, on ne sert à rien. »

« Nous ferons tout pour que ce débat n’ait pas lieu » (Charlotte Caubel, secrétaire d’État)

La loi est promulguée le 15 avril, le lendemain de l’avis du Conseil constitutionnel rejetant le recours déposé par LFI. A nouveau, à l’occasion de la proposition de loi d’abrogation du passage de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans déposée par le groupe Liot, les macronistes feront tout pour empêcher les parlementaires de voter. En ce sens, quelle plus belle déclaration que celle de la secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, sur Public Sénat le 24 mai dernier : « Cette proposition de loi est inacceptable politiquement. Nous ferons tout pour que ce débat n’ait pas lieu. » Emmanuel Macron sort de cette bataille de plus en plus isolé. La presse patronale évoque une « victoire à la Pyrrhus » .

Macron, son régime, ses institutions ont beau avoir recours à toutes ces basses manœuvres qui consistent à user jusqu’à la corde les dispositions antidémocratiques offertes par la Constitution de la Ve République pour faire passer la retraite à 64 ans et la casse des régimes spéciaux, il demeure un fait, qui est irréfutable : non seulement il n’y a dans la population aucune adhésion dans la nécessité de « réformer » la retraite (encore moins en juin qu’en janvier) mais, au contraire, Macron est parvenu à souder toutes les couches des travailleurs dans la nécessité de continuer à la défendre bec et ongles.

 

Extraits du serment du 8 juin des députés Nupes

« Nous, député·es membres de l’intergroupe de la Nupes, faisons aujourd’hui un serment solennel (…). Nous faisons le serment d’agir sans relâche par tous les moyens institutionnels à notre disposition, à l’occasion de nos journées d’initiatives parlementaires, lors des débats budgétaires ou toute occasion opportune pour rassembler une majorité qui mettra fin à cette réforme injuste et injustifiée. (…) Il est temps de tourner de la page de la Ve République »