Quel est le but du meeting de Saint-Ouen le 7 décembre ?

La fédération du PS de Seine-Saint-Denis organise le jeudi 7 décembre à Saint-Ouen (93) un « grand meeting » : « Non au projet de loi sur l’immigration ; non à la stigmatisation des étrangers ». Regardons de plus près la liste des orateurs...

Najat Vallaud-Belkacem et François Hollande, en 2017 (Photo AFP).
Par Daniel Shapira
Publié le 6 décembre 2023
Temps de lecture : 3 minutes

On pourrait se dire au premier abord que l’intention est louable tant la loi Darmanin est une loi de régression (Informations ouvrières y a consacré déjà plusieurs articles et y reviendra). Une manifestation a d’ailleurs eu lieu dimanche 3 décembre contre ce projet de loi avec la participation notamment des principaux responsables de La France insoumise. Mais s’agit-il de cela le 7 décembre à Saint-Ouen ?

Regardons de plus près la liste des orateurs annoncés sur l’affiche de convocation : on y trouve pêle-mêle Olivier Faure, premier secrétaire du PS, Fabien Gay, sénateur PCF et directeur du journal l’Humanité, Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Les Écologistes à l’Assemblée nationale, Yannick Jadot, récent sénateur Les Écologistes, et de nombreux autres élus parmi lesquels Raquel Garrido et Clémentine Autain, toutes deux députées LFI.

En compagnie d’une ministre de F. Hollande

Mais dans cette liste un nom apparaît particulièrement en évidence, celui de Najat Vallaud-Belkacem, présentée modestement comme représentante de l’association France Terre d’asile.

Mais Najat Vallaud-Belkacem n’est pas que cela, elle est d’abord ce qu’on pourrait appeler la représentante officielle du quinquennat Hollande. Elle en a été en effet ministre sans discontinuer de 2012 à 2017, assumant par là même toute sa politique dont elle ne s’est jamais distinguée.

On pourrait bien sûr énumérer tout ce qu’a été le quinquennat Hollande. Mais une loi vient immédiatement à l’esprit, la loi de triste mémoire Cazeneuve de 2017 donnant une véritable impunité aux forces de police pour tirer en cas de refus d’obtempérer.

Et Najat Vallaud-Belkacem vient nous parler de la stigmatisation des étrangers, elle qui a assumé la loi de « permis de tuer » de Cazeneuve.

Concernant plus particulièrement les mesures prises par Hollande sur les immigrés, citons Europe 1 du 12 mai 2017, à la veille de la passation de pouvoir entre Hollande et Macron : « La principale critique émise par les associations de défense de réfugiés concerne la politique d’enfermement. Avant d’être expulsés du territoire, les migrants sont en effet confinés dans un centre ou un local de “rétention administrative”. Or, selon une vaste enquête publiée récemment par la Cimade et quatre autres associations, seules 46 % des personnes enfermées dans ces centres sont ensuite éloignées du territoire. En clair, le gouvernement enferme encore trop de gens hors de tout cadre légal.

Ces centres ne sont pas seulement utilisés pour leur fonction “classique” d’antichambre de l’expulsion, mais aussi pour dissuader les personnes migrantes, pour gérer les “indésirables”, dénonce l’association qui lutte pour les droits des migrants. La Cimade déplore, enfin, la présence jugée encore trop nombreuse de mineurs dans ces centres de rétention.

Selon l’association, dans l’Hexagone, pas moins de 176 mineurs auraient été placés en rétention administrative avant leur expulsion, malgré la promesse de François Hollande de mettre fin à cette pratique en 2012 et de la remplacer par des assignations à résidence. »

« Un président ne devrait pas dire ça »

On pourrait rappeler à Najat Vallaud-Belkacem et donc à tous ses collègues de la tribune du 7 décembre les réflexions de Hollande à la fin de son quinquennat, consignées dans le livre de Gérard Davet et Francis Lhomme « un Président ça ne devrait pas dire ça ».

Dans ce livre, Hollande se lâche : « Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là. » Il donne ensuite l’exemple des profs devant les nouveaux immigrés : « c’est Sisyphe ! On les fait parler français, et puis arrive un autre groupe et il faut tout recommencer. Ça ne s’arrête jamais (…) donc il faut à un moment que ça s’arrête. »

Concernant l’Islam ? « Qu’il y ait un problème avec l’Islam, c’est vrai. Nul n’en doute. » Et, pour finir, Hollande s’épanche ainsi sur les migrants : « On ne peut pas continuer à avoir des migrants qui arrivent sans contrôle. »

On n’a jamais entendu Najat Vallaud-Belkacem se distinguer en quoi que ce soit de ces propos de Hollande. Il est donc sérieusement difficile d’imaginer un meeting contre le projet de loi immigration avec une telle éminente représentante de Hollande.

Mais alors quel est le véritable but de ce meeting ? La plupart des orateurs de ce meeting étaient à la manifestation dite contre l’antisémitisme convoquée par les président(e)s de l’Assemblée nationale et du Sénat à Paris ou à Strasbourg le 12 novembre.

Or cette manifestation n’était pas une manifestation contre l’antisémitisme et contre tous les racismes. C’était une manifestation de stigmatisation des musulmans. Dès lors, que tous ces participants à cette manifestation, Braun-Pivet, Larcher aient peu à faire avec une vraie lutte contre la stigmatisation des étrangers et contre le racisme, c’est peu de le dire.

Sur le dos des immigrés

Mais alors quel est le véritable but de ce meeting ? Dans un meeting où aucun représentant n’affiche le logo de la Nupes, constituée en 2022 sur l’axe de la rupture, il y a en particulier Clémentine Autain et Raquel Garrido.

Rappelons que Raquel Garrido n’a cessé de se répandre dans tous les médias contre La France insoumise, jusqu’à affirmer que Jean-Luc Mélenchon était « nuisible depuis 10 mois » à LFI.

Et, fait significatif, dans un meeting tenu à Saint-Ouen, le député LFI de la circonscription, Éric Coquerel, est absent (pas invité ?). Ce dernier fait éclaire beaucoup de choses.

En fait, le 7 décembre, il s’agit, selon une formule de Jean-Luc Mélenchon, d’un meeting de « la gauche d’avant » contre LFI.

Misérable tentative sur le dos des immigrés. Personne n’est dupe.