Déclaration du secrétariat international de la IVe Internationale
L’élection de Donald Trump et de sa majorité à la Chambre des représentants et au Sénat, à l’évidence, n’a pas refermé la crise politique qui avait culminé en 2020 aux Etats-Unis avec l’assaut du Capitole...
- IVe Internationale, Tribune libre
À l’évidence, au moment où nous tenons le congrès de la section française, la situation se tend. La crise des missiles en Ukraine ne cesse de s’aggraver, alimentant les risques réels d’une déflagration généralisée et échappant à tout contrôle. Les mandats d’arrêts de la Cour Pénale Internationale à l’encontre de Netanyahou et Gallant indiquent la tentative d’éviter que, dans le même temps que la guerre Ukraine, la situation ne devienne incontrôlable, même pour ceux qui en profitent largement.
Les coups portés par le capital et les Gouvernements ne restent pas sans réponses quand bien même les réactions seraient pour le moment sporadiques et pas unifiées. Le dispositif du gouvernement français craque de toutes parts. En Allemagne aussi, la crise politique éclate au grand jour. Y compris en Israël… Vu les enjeux pour le capital et le maintien de sa domination, les situations vont se préciser, les camps se regrouper, des chocs profonds sont à venir.
La situation dans le monde, les enseignements des récentes élections aux États-Unis et les inquiétudes légitimes qu’elles suscitent, permettent de préciser la tâche centrale des trotskistes qui combattent pour la victoire de la révolution : appuyer sous toutes ses formes la résistance, le refus de la désagrégation généralisée, en tenant compte que quasiment partout dans le monde, des travailleurs, des militants, des démocrates, des syndicalistes, des militants associatifs, y compris sur la question du droit des femmes, la défense de l’environnement, des libertés démocratiques… cherchent politiquement ou sur le terrain syndical, ou sous des formes ad hoc à se regrouper et à se défendre. C’est dans ce contexte que, toujours aussi servile à l’égard du capitalisme financier américain, Emmanuel Macron a été l’un des premiers Présidents étrangers à féliciter Donald Trump pour son élection, se déclarant « prêt à travailler ensemble ».
Le ministre de la fonction publique Guillaume Kasbarian a félicité Elon Musk pour sa nomination à la tête d’un ministère de « l’efficacité gouvernementale » dont l’objectif est de liquider des pans entiers de l’administration américaine, exprimant son impatience de « partager les meilleures pratiques ». Cependant, se dessine en filigrane une crainte qui les étreint tous. Alors qu’une majorité de la population se déclare favorable à la destitution de Macron et au renversement du gouvernement Barnier, tous les aspects de la lutte de classe ont tendance à se radicaliser, tant en France qu’aux États-Unis où le syndicat des travailleurs de l’automobile UAW a lancé une campagne nationale « c’est le moment de renouer avec le 1er mai pour la classe ouvrière américaine » appelant le mouvement ouvrier américain, fragmenté, à unifier son combat en alignant la date de renégociation des contrats de travail.
Une volonté de combattre et d’unifier nos forces, qui s’exprime en France et sous diverses formes à Michelin et dans les secteurs frappés par la vague massive de licenciements, dans l’enseignement, le ferroviaire, la Sécurité Sociale, l’agriculture…, et qui exige de construire et de renforcer les organisations qui refusent la décomposition et la marche à la guerre, à l’image de LFI en France, ou de DSA aux États-Unis.
Déclaration du secrétariat international de la IVe Internationale
L’élection de Donald Trump et de sa majorité à la Chambre des représentants et au Sénat, à l’évidence, n’a pas refermé la crise politique qui avait culminé en 2020 aux États-Unis avec l’assaut du Capitole. Elle s’est approfondie lors de la campagne électorale et a révélé la fracturation de la société américaine. La déception, la perte de confiance et le rejet vis-à-vis du Parti Démocrate se sont exprimés par la perte spectaculaire de 7 millions de voix depuis les dernières élections de 2020, « la plus forte baisse depuis 45 ans ».
Non seulement « l’effondrement de la participation des électeurs démocrates a contribué à la victoire de Trump », mais c’est une « défaite cuisante » pour le parti de Joe Biden et Kamala Harris (Wall Street Journal). Même s’il a gagné les élections – avec une avance relativement faible, le Parti Républicain n’est pas en meilleure posture. Trump lui a imposé sa candidature. Les premières nominations aux postes clés de la future administration américaine sont contestées à l’intérieur même du parti. Elles doivent être confirmées par le Sénat où le chef de la nouvelle majorité républicaine n’est pas celui que voulaient les proches du nouveau Président et où les votes sont, à ce stade, incertains. La nomination de Marco Rubio au Département d’État et l’offensive lancée par la création du « Département de l’Efficience Gouvernementale » pour liquider des pans entiers de l’administration américaine vont inévitablement provoquer des chocs majeurs. Tout le système politique américain est en crise.
Depuis quatre ans, au cœur de l’impérialisme le plus puissant, le capital a fait ce qu’il sait faire le mieux : augmenter les prix et les profits pour le seul bénéfice d’une poignée d’exploiteurs, qui s’accapare chaque jour davantage les richesses du pays. Pour l’immense majorité de la population laborieuse américaine, les prix de l’alimentation et du logement se sont envolés de 25 %. L’administration Biden/Harris se réclamait proche des syndicats et avait promis aux travailleurs une vie meilleure. Mais l’inflation a aggravé la situation déjà précaire de 144 millions d’Américains non-syndiqués, représentant 90 % de la main-d’œuvre salariée, et poussé au développement de grèves massives dans les secteurs les plus organisés et combatifs de la classe ouvrière.
Dans les urnes, la sanction est sans appel. Inévitablement, l’absence de solution permettant de défendre les travailleurs et la démocratie a nourri les illusions dans le vote Trump, qui a fait croire à une partie des 76 millions d’Américains qui ont voté pour lui (+ 2 millions par rapport aux élections de 2020) que la solution à leurs problèmes se trouve dans sa politique réactionnaire : licenciement de milliers de fonctionnaires, déportation de 15 à 20 millions de migrants, déréglementation de l’économie et des lois protégeant les travailleurs et l’environnement, réorganisation des rapports internationaux, au coup par coup, pour favoriser les intérêts du capital financier américain et poursuivre leur politique de pillage et de marche au chaos, renforcement de la répression, abrogation du droit à l’avortement… Dans une Amérique profondément divisée et organisée autour des deux principaux partis, Kamala Harris a rassemblé 74 millions de voix et perdu un électeur sur dix. 89 millions d’Américains n’ont pas voté.
Lorsque cela était possible à l’échelle locale et souvent de manière contradictoire, animée par une défense passionnée des syndicats et des acquis ouvriers, de la démocratie, des droits des femmes, le refus du racisme et de la guerre, de nombreux candidats de DSA ont été élus. Expression de ces contradictions, les électeurs du Missouri ont voté, le même jour, pour Trump et pour amender la Constitution de l’État afin de garantir le droit à l’avortement. Même chose dans le Montana et l’Arizona. Ils ont voté largement pour augmenter le salaire minimum de 22 % et instaurer un congé maladie payé par l’employeur, une revendication portée par les syndicats… que Trump veut affaiblir.
Biden/Harris paient aussi le prix de leur soutien indéfectible au gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou, dans la continuité de la précédente administration Trump. Dans la plus grande ville américaine à majorité arabe (Dearborn) et dans un des État les plus industrialisés du pays (Michigan), Kamala Harris a obtenu 36 % des voix et perdu la moitié des électeurs du Parti Démocrate.
Les habitants avaient pourtant prévenu que leur soutien n’était pas acquis en raison du « soutien financier et militaire américain inébranlable au génocide israélien en cours à Gaza ». Là même où la députée Rachida Tlaib (DSA) qui s’est distinguée par son soutien à la Palestine, a été élue avec 70 % des voix. Démonstration imparable, comme de nombreux autres candidats DSA l’ont montré à l’échelle locale, qu’il est parfaitement possible de gagner, et largement, sur une ligne de rupture.
Mais au plan national, défavorisé par le système électoral américain, les électeurs n’avaient pas la possibilité de voter pour une candidature de rupture, indépendante de la représentation politique du capital aux États-Unis incarnée par les deux principaux partis (Démocrates et Républicains). Incontestablement, la classe capitaliste américaine cherchera à poursuivre la politique menée depuis des décennies, accentuée par Trump avec ses caractéristiques particulières. Sa victoire a été immédiatement acceptée par Biden/Harris, qui ont appelé « le peuple américain à rester uni », et saluée dans le monde par tous les représentants du maintien de l’ordre.
L’élection américaine ne concerne pas seulement le peuple américain. Elle a une portée mondiale. Elle exprime la crise de domination de l’impérialisme américain et s’insère dans les développements de la situation internationale : le conflit entre les États-Unis et la Chine ; le génocide du peuple palestinien et ses conséquences internationales ; l’offensive américaine pour démolir le cœur industriel de l’Europe et développer l’économie de guerre en intensifiant encore davantage la guerre en Ukraine, au risque d’une conflagration généralisée. Ses résultats ne peuvent se comprendre de manière isolée et prennent un relief particulier en raison de la place qu’occupent les États-Unis dans le monde.
Comme l’écrit le Financial Times : « Des démocrates américains aux conservateurs britanniques, de la coalition Ensemble d’Emmanuel Macron aux libéraux-démocrates japonais, en passant par le BJP, autrefois dominant, de Narendra Modi en Inde, les partis au pouvoir et leurs dirigeants ont connu une série de déconvenues sans précédent cette année. Tous les partis au pouvoir qui se sont présentés aux élections dans un pays développé ont reculé aux élections. C’est la première fois que cela se produit dans l’histoire, les données remontant à 1905 ».
Et de conclure : « Il est possible qu’aucun parti ni aucune personnalité ne puisse venir à bout de la vague mondiale actuelle de dégagisme ».
Une vague alimentée par la résistance des peuples et de la classe ouvrière organisée, leur refus de sombrer dans la misère, leur refus de la guerre et de l’impérialisme américain, leur refus du génocide, de la barbarie et de l’assassinat de milliers d’enfants palestiniens que Netanyahu, Biden, Macron, Scholtz, Starmer et leurs soutiens cherchent chaque jour, depuis plus d’un an et devant la population mondiale, à justifier et à banaliser jusqu’à devenir un moyen ordinaire de gérer les affaires du monde.
Une « vague de dégagisme » inéluctable et parfaitement justifiée, à laquelle Trump n’échappera pas non plus tant sa politique exige des mesures brutales contre les travailleurs, mais dont il est à ce stade impossible de prévoir l’issue, tant les contradictions vont désormais s’exacerber.
D’un côté, la crise de domination de l’impérialisme et du capital financier, à la recherche de « solutions » de plus en plus liberticides et autoritaires, s’appuyant sur l’extrême-droite et les secteurs les plus réactionnaires de la société, dont Trump, comme d’autres et pas seulement aux États-Unis, représentent les prémisses.
De l’autre, la lutte de classe, les grèves massives en pleine campagne électorale (dockers de la côte est, ouvriers de Boeing et de l’automobile), la défense des acquis ouvriers et des libertés démocratiques, les manifestations pour le cessez-le-feu en Palestine et l’embargo sur les armes, le refus des licenciements, la défense des services publics et de santé, de l’environnement… Nous sommes dans ce camp avec les millions qui cherchent à rassembler leurs forces pour dégager ce régime capitaliste pourri. Nous y sommes avec notre patrimoine politique, notre expérience et nos analyses pour aider tout ce qui conforte le refus, le rejet et la recherche de points d’appui pour aider ces millions à un moment où, pour beaucoup, c’est par une politique de rupture que l’on pourra y arriver.
Pour les aider à prendre en main le destin de la société, pour aider à organiser et à renforcer les forces nouvelles qui se dégagent dans chaque pays et à l’échelle internationale, nous vous invitons à rejoindre les sections de la IVe Internationale.