Moyen-Orient : le jeu trouble des Etats-Unis

Le fil Telegram d'"Informations ouvrières" vient d’être mis en cause par certains médias, pour avoir publié des informations éclairant le rôle joué par les Etats-Unis dans les développements en cours. Nous relatons ici des faits, tous référencés.

Par la rédaction d'IO
Publié le 11 décembre 2024
Temps de lecture : 3 minutes

On lit dans Mediapart (9 décembre) : « Ironisant sur le matériel “flambant neuf” des rebelles entamant leur offensive-éclair contre le régime déliquescent [de Bachar el-Assad], Mélenchon cite alors “le fil d’Informations ouvrières”, organe des trotskistes lambertistes du Parti ouvrier indépendant (POI), pour suggérer qu’ils seraient à la solde des États-Unis. La source en question est sujette à caution, puisqu’il s’agit d’un ancien sénateur américain très conservateur, complotiste et habitué des chaînes de propagande des régimes russe et chinois. »

Non, Informations ouvrières ne diffuse pas de « fausses informations ». Nous laissons à Mediapart le soin de porter un jugement sur l’ancien sénateur américain Richard Black, que nous avons cité dans nos colonnes. Il avait donné une interview le 8 mai 2021, traduite en français, que chacun peut consulter.

Le fil d’IO publie des informations vérifiables par tous. Concernant la place et le jeu trouble des Etats-Unis au Moyen-Orient, voici quelques informations et liens vers les citations et articles originaux.

– L’ancien directeur de la Defense Intelligence Agency (DIA) du Pentagone, le lieutenant-général Michael Flynn, a reconnu dans une interview à Al Jazeera (juillet 2015) que les États-Unis avaient soutenu des groupes rebelles en Syrie, tout en sachant que certains d’entre eux avaient des affiliations avec Al-Qaïda ou Daech : « Je pense que c’était une décision délibérée. »

– En octobre 2014, Joe Biden alors vice-président des Etats-Unis, cité par la BBC : « “Les Turcs… les Saoudiens, les Émirats, etc., que faisaient-ils ? Ils étaient tellement déterminés à renverser (le président syrien Bachar al-Assad) et à mener une guerre par procuration entre sunnites et chiites, qu’ont-ils fait ? Ils ont versé des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armes à quiconque voulait combattre Assad.” Ces politiques ont fini par aider les militants liés à Al-Qaïda et, en fin de compte, à l’EI, a-t-il déclaré. »

La représentante au Congrès Tulsi Gabbard – qui vient d’être nommée par D. Trump pour prendre la direction du renseignement américain en janvier 2025, déclarait en juin 2019  : « Malheureusement, dans leur poursuite obstinée de la guerre de changement de régime, les dirigeants de Washington ont utilisé l’argent des contribuables pour financer des programmes qui soutiennent directement et indirectement des groupes terroristes comme Al-Qaïda dans des pays comme la Syrie ». Deux ans plus tôt, elle avait déposé le projet de loi H.R. 608 signé par 14 autres membres du Congrès américain intitulé : « Interdire l’utilisation des fonds du gouvernement des États-Unis pour fournir une assistance à Al-Qaïda, Jabhat Fateh al-Sham et l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL) et aux pays qui soutiennent ces organisations, et à d’autres fins ».

– En avril 2017, Hamid Karzaï (ancien Président de l’Afghanistan) a accusé les États-Unis de soutenir l’EI : « Je considère Daech comme un instrument des États-Unis. » (cité par The Nation )

– En tant que secrétaire d’État, John Kerry a admis que les États-Unis avaient initialement toléré la montée de groupes rebelles en Syrie pour faire pression sur le régime de Bachar al-Assad (Mondoweiss, janvier 2017).

– En 2018 sur son blog, Jeffrey Sachs (professeur à l’Université de Columbia et conseiller spécial auprès des Nations unies), a écrit : « La CIA et l’Arabie saoudite se sont associées dans une opération baptisée Timber Sycamore pour soutenir les forces syriennes anti-Assad et les djihadistes extérieurs à la Syrie. Il n’y a bien sûr  pas eu de vote du Congrès, pas de franche négociation avec le peuple américain et pas de vote de l’ONU. »

– L’affaire n’est pas nouvelle. Dans un article intitulé « Quand les djihadistes étaient nos amis », Le Monde Diplomatique écrit, en février 2016 : « Le 15 janvier 1998, Le Nouvel Observateur demande à M. Brzezinski (ancien conseiller à la sécurité nationale du président américain Jimmy Carter) s’il « ne regrette pas d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ». Sa réponse : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? » ».

Ces informations ne changent rien au rôle criminel joué par Bachar El-Assad et ses soutiens en Syrie, mais elles aident sans doute à éclairer le rôle joué par les Etats-Unis dans les développement en cours, au moment où beaucoup cherchent à dresser un portrait raisonnable et rangé des nouveaux maîtres de Damas.

Chacun peut lire, vérifier et se faire son avis.