Contre la militarisation de la jeunesse et de la société
Nous voyons bien qu’insidieusement, depuis des années, on nous prépare à la guerre, on nous prépare à la militarisation.
- France, Guerre, Jeunes
Cela a d’abord commencé au nom de la lutte contre le terrorisme. On voit maintenant partout et de manière permanente des militaires en treillis, en tenue camouflée et en armes qui patrouillent partout. Il y a quarante ans, quand on voyait un militaire dans la rue en uniforme ou un véhicule militaire dans les rues, on regardait tous cela comme une curiosité.
Aujourd’hui, ce n’est plus une curiosité, c’est le lot commun.
Il y a une volonté très nette de préparer les opinions publiques à la guerre en permanence, à la guerre à outrance et, y compris, à la guerre sur notre propre sol. Dans quelque temps, vont se dérouler des manœuvres en Drôme-Ardèche, qui vont faire vivre une guerre militaire sur le sol français, avec un scénario d’une région française qui fait sécession et qui se déclare en guerre contre la France, pour voir comment l’armée va agir, intervenir, voir comment se préparer à cette attaque-là.
La guerre qui se prépare aujourd’hui, comme toujours mais peut-être encore plus, c’est la guerre contre les populations qui est le prototype depuis la Seconde Guerre mondiale. On tue moins de militaires mais beaucoup plus de civils, avec toutes les destructions à la clé.
On militarise à outrance la société, depuis des années, on vit sous le régime des lois d’urgence, des lois d’exception, qui ont toutes un petit côté de loi martiale.
Tout est prétexte pour encadrer la population, la faire contrôler par la police en permanence. Tout est prétexte à la restriction des libertés.
La mode est au kaki sous Macron
Et puis on prépare les choses. Par exemple, le gouvernement veut mettre en place le service national universel (SNU). Mais il y a un facteur d’espoir : le gouvernement voulait 800 000 jeunes par an dans le cadre du SNU. Dans une première tranche, il en attendait 50 000, il en a obtenu à peine 15 000. Ces 15 000 ont pour la plupart une particularité, ce sont soit des enfants de gendarmes, soit des enfants de militaires, soit des enfants de policiers, qui veulent faire « le même boulot que papa ».
La jeunesse dans son immense majorité refuse d’aller dans le service national universel. Et c’est là que la secrétaire d’Etat a indiqué que, comme c’est un échec, on va augmenter la surface. Donc maintenant, ils veulent qu’entrent dans le cadre du SNU les jeunes de 15 à 17 ans. Bientôt on ira les chercher à la crèche !
Le but indiqué très clairement est d’apprendre aux jeunes à obéir, à respecter la société, à être au garde-à-vous, à défiler au pas, à chanter la Marseillaise. Il y a donc tout un conditionnement qui se fait petit à petit pour préparer la société à la militarisation croissante.
On ne voit pas pourquoi les jeunes iraient perdre leur temps dans ce SNU qui ne leur apporte rien. Alors on met en place un dispositif, non pas pour convaincre, mais pour contraindre les jeunes à entrer dans le SNU. Par exemple, si un jeune ne fait pas le SNU, la loi prévoit qu’il ne pourra pas passer un concours dans la fonction publique. Si un jeune ne fait pas le SNU, il ne pourra pas passer le permis de conduire. Toutes ces dispositions sont dans la loi. Donc l’objectif est bien de contraindre la jeunesse, comme ils veulent contraindre la société à la militarisation croissante. C’est une atteinte aux libertés démocratiques et la première des libertés est celle de décider ce que l’on veut faire ou ne pas faire dans sa vie.
Même les syndicats sont visés
Dans le débat autour de la loi « séparatisme », il y a la question du maintien de l’ordre dans les manifestations syndicales : s’il y a de la casse, ce sera aux organisateurs de payer ! Comme si c’étaient les syndicats qui sont responsables du maintien de l’ordre et des éventuels problèmes générés par des éléments extérieurs à leurs manifestations. Les syndicats savent très bien avec leurs services d’ordre gérer le fonctionnement et l’organisation de leurs cortèges. Là s’arrêtent leurs responsabilités.
Un syndicat ou une organisation qui appelle à une manifestation et qui ne veut pas qu’il y ait de dégâts, elle devrait faire une « milice » pour taper sur ceux qui font du désordre ? Le maintien de l’ordre n’est pas l’apanage des organisations syndicales. Dans une démocratie, on délègue à l’Etat la question du maintien de l’ordre. Mais maintenant, le pouvoir macroniste exige que chacun soit responsable du maintien de l’ordre.
D’ailleurs, dans la loi « séparatisme », il y a une disposition qui consiste à dire que les associations doivent se prononcer pour « la défense de l’ordre public ». C’est une privatisation complète des problèmes de sécurité.
C’est le retour à la loi de la tribu, aux lois de la jungle. Chacun fait sa loi, chacun fait sa police, chacun maintient l’ordre.
C’est ce qui se passe avec la loi « séparatisme » sur la question de la responsabilité d’une association quant aux propos qui pourraient être tenus par l’un de ses membres. Vous ne dénoncez pas, on vous dissout ! De même pour les actes sexistes au sein d’associations. On demande aux associations elles-mêmes d’être juges et parties des actes censés avoir été commis.
Tout cela, si l’on suit la logique, mène à une privatisation de la justice. Ce n’est pas aux syndicats de faire régner l’ordre, ce n’est pas aux associations de faire justice ! Ce qui veut dire que c’est une privatisation du maintien de l’ordre.
On a même vu cette chose incroyable. Dans une société de droit écrit comme l’est la France, il y a une hiérarchie des textes : la loi, le décret, la circulaire. Si le décret et la circulaire sont contraires à la loi, c’est la loi qui s’applique.
Or, la loi « séparatisme », qui a créé le contrat d’engagement républicain, prévoit trois critères imposables aux associations. Le décret d’application en prévoit 7, or il ne peut être créateur de droit au-dessus de la loi. Et parmi les quatre critères supplémentaires, est indiqué comme un impératif imposé aux associations « le respect des symboles de la République : la Marseillaise et le drapeau tricolore ». Symboles militaristes par excellence !
On a panthéonisé Jean Zay, va-t-on le chasser de son tombeau et le mettre dans la fosse commune où hier on mettait les mécréants, parce qu’il a écrit un poème dans sa jeunesse « Le Drapeau », où il disait :
« Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là…
Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…
Qu’est-ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?
Quinze cent mille morts pour cette saloperie.
Je te hais au nom des squelettes… Ils étaient Quinze cent mille.
Je te hais pour tous ceux qui te saluent,
Je te hais à cause des peigne-culs, des couillons, des putains,
Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup
Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.
Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,
Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs. »
Et pour couronner le tout, certains prônent le port de l’uniforme à l’école
L’actualité médiatique se vautre dans la fange de la question des vêtements que portent les jeunes à l’école. Certains, pour interdire toute expression, veulent imposer une police des vêtements. Informations ouvrières est revenu récemment sur ces questions à travers le débat sur la soutane en 1905 et l’interview de Nicolas Cadène.
Aristide Briand avait vu juste : si vous interdisez tel ou tel vêtement au prétexte de la religion, la ruse des couturiers en créera d’autres et cela sera sans fin. Les xénophobes font la chasse à tout signe, vêtement, symbole, bijou qui pourrait rappeler l’Islam et les musulmans. C’est leur fantasme le plus absolu.
Pour le voile, si vous l’interdisez, il y aura les jupes longues. Si vous interdisez les jupes longues, il y aura les jupes courtes… A partir du moment où vous voulez faire une police du vêtement, vous entrez dans une spirale sans fin.
Alors, pour mettre la jeunesse au pas et au garde-à-vous, certains exigent le port de l’uniforme à l’école. Cela serait un moyen de militariser encore un peu plus la jeunesse.
Puisque l’on parle de l’école, donnons la parole au véritable père de l’école laïque, Ferdinand Buisson : « Habituer les enfants à se dire : un uniforme, c’est une livrée, et toute livrée est ignominieuse, celle du prêtre et celle du soldat, celle du magistrat et celle du laquais… Il faut chasser loin de l’esprit des enfants le dieu des armées, le dieu des Napoléons. »
Il y a trois particularités à la jeunesse qui lui appartiennent en propre et que personne ne saurait lui contester : dire n’importe quoi au risque de choquer, se tromper éventuellement et provoquer pour se faire entendre et comprendre. Faut-il tomber là-dedans au risque de cristalliser les choses, alors que le temps fera son œuvre salutaire comme en toute chose ?
La seule solution pour en finir avec cette ratonnade vestimentaire ne serait-il pas de foutre la paix aux jeunes, et qu’on les laisse s’habiller comme ils veulent ? Les symboles religieux sont une autre histoire dans l’école laïque. Il est donc vain de chercher à en débusquer là où, visiblement, il n’y a qu’une volonté d’être provoquant pour exister.
Entre le port de l’uniforme et la liberté vestimentaire des jeunes, nous choisirons toujours Antigone contre Créon. Et rappelons que les régimes qui ont voulu imposer une police des vêtements étaient l’Espagne franquiste et la Grèce des colonels.
Nostalgie pour certains ?