Retraites : la propagande gouvernementale… et la réalité
Pour défendre sa réforme des retraites injuste et inutile, le gouvernement n'hésite pas à utiliser comme « arguments » une série de mensonges et de contre-vérités. Nous y apportons ici des réponses.
- France, Retraites

La majorité présidentielle explique que la réforme des retraites doit se faire car c’était dans le programme d’Emmanuel Macron.
Mais qui guide l’action de Macron ? Le député LFI-Nupes Antoine Léaument nous donne la réponse sur son compte Twitter : « La réforme des retraites est une contrepartie aux cadeaux fiscaux faits aux actionnaires (passés par 49.3) », renvoyant à la feuille de route envoyée par Macron à la Commission européenne. Le gouvernement s’engage sur une « maîtrise de la dépense publique » sur la période « 2023-2027 » pour revenir « sous le seuil des 3 % » : « Une réforme des retraites, comme le président de la République s’y est engagé au cours de la campagne électorale, contribuera notamment à cet objectif. »
Et rappelons pour quelle raison Emmanuel Macron l’a emporté au second tour de l’élection présidentielle en avril dernier : il était face à la candidate du RN, Marine Le Pen, dans un face-à-face soigneusement orchestré pendant plusieurs mois. Comme en 2017.
Au soir du premier tour, Emmanuel Macron lui-même reconnaissait que voter pour lui au second tour ne faisait pas office d’adhésion à son programme.
Et quelques semaines après sa victoire à la présidentielle, la majorité présidentielle perdait des dizaines de sièges de députés et se retrouvait sans majorité à l’Assemblée. Une première pour un président sortant réélu.
« C’est la réforme ou la faillite », déclare Gabriel Attal au JDD , dimanche 8 janvier. Ce que répètent en boucle députés et ministres macronistes sur tous les plateaux.
Rappelons qu’en 2022, le système des retraites est excédentaire. Si le système de retraite devait connaître une période de situation déficitaire, celle-ci resterait faible et tout à fait contrôlée d’après le Conseil d’orientation des retraites (Cor).
Les pro-réforme répètent qu’il faudrait trouver 12 milliards d’euros pour financer le système d’ici à 2027 (en réalité entre 10 et 21 milliards). 12 milliards sur un budget total approchant les 350 milliards d’euros, c’est peu, on est bien loin de la banqueroute.
Admettons malgré tout qu’il faille trouver ces fameux 12 milliards. C’est une question de choix politique. De nombreux économistes ont donné des pistes au gouvernement pour combler ce déficit. Par exemple, on pourrait revenir sur l’ensemble des exonérations de cotisations employeur qui sont de l’ordre de 80 milliards d’euros aujourd’hui. De quoi combler presque sept fois les 12 milliards manquants.
Macron nous dit : « Le seul levier, c’est de travailler plus longtemps » pour faire face aux « besoins de financements massifs ».
Comme nous venons de le montrer, ce ne sont pas des besoins massifs. Et il y a d’autres leviers auxquels, manifestement, le gouvernement n’a pas l’intention d’actionner. Il y a 6,5 millions de chômeurs en France. Si un million trouvait du travail, ce sont des milliards d’euros de cotisation de retraite qui rentreraient immédiatement dans les caisses.
Prenons le cas de la CNRACL (fonction publique territoriale et hospitalière) : on nous dit qu’elle serait légèrement déficitaire en 2022. Mais on oublie de préciser qu’il y a 600 000 contractuels actuellement embauchés qui ne cotisent pas. Leur titularisation rendrait automatiquement la caisse excédentaire.
Au mois de septembre dernier, Macron affirmait : « Il nous faut travailler plus et produire plus de richesses dans notre pays si nous voulons protéger, avoir une politique de justice sociale et défendre le modèle social français, sa force et son avenir. »
Quel toupet de la part de celui qui ne cesse de remettre en cause méticuleusement depuis son arrivée au pouvoir tous les acquis de 1936 et 1945 qui fondent notre « modèle social français » : marche à la privatisation de la SNCF, de la RATP, d’EDF, destruction des services publics, de l’hôpital, du statut de la fonction publique, etc.
Cette politique désastreuse, non seulement il la maintient, mais il l’amplifie. Dans le projet de loi de finances, l’ensemble des dépenses publiques seront gelées en 2023 (0,1 % de croissance en volume hors mesures d’urgence et relance), ce qui en fait un des budgets les plus restrictifs de ces vingt dernières années.
Quant au projet de loi programmation, il prévoit de son côté une coupe drastique dans les dépenses publiques jusqu’en 2027. En cumulé, les économies (appelés « effort en dépense ») s’élèveront à 3,4 points de PIB, soit environ 80 milliards d’euros en 2027.
Elisabeth Borne nous dit : « La réforme permettra d’améliorer sensiblement les petites retraites ; elles seront revalorisées à hauteur de 1 200 € »
Et il faudrait s’en réjouir ? Non seulement ce montant se situe à peine au-dessus du seuil de pauvreté, fixé à 1 128 euros, dans un contexte de forte augmentation des prix, mais pour percevoir cette retraite minimum, le gouvernement pose comme condition d’avoir cotisé à taux plein, c’est-à-dire d’avoir une carrière complète. Or, un nombre considérable de salariés, notamment les femmes, ayant connu de fortes périodes de chômage et de précarité, avec des carrières hachées, ne remplissent pas ces conditions…
Quelques chiffres80 milliards d’euros Les quarante entreprises du Cac 40 ont distribué 80,1 milliards d’euros à leurs actionnaires en 2022 (selon la lettre financière Vernimmen.net du 8 janvier 2023). Les dividendes versés atteignent 57,5 milliards d’euros, contre 45,6 milliards en 2021 et 28,6 milliards en 2020, durant la pandémie de Covid. Les trois premiers groupes se partagent 31 % de cette somme : TotalEnergies (13,3 milliards d’euros de rachats d’actions ou de dividendes), LVMH (7,1 milliards) et Sanofi (4,7 milliards). 80 % 80 % des Français sont opposés à un recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et 83 % à 65 ans (sondage Odoxa-Agipi des 4 et 5 janvier 2023). Une réforme majoritairement rejetée, quelle que soit la catégorie des Français sondés (socio-professionnelle, âge, sensibilité politique). Y compris parmi les électeurs macronistes qui sont 51 % à souhaiter le maintien de la retraite à 62 ans. |