Brésil : « Rien de tombera du ciel sans mobilisation »
Le journal brésilien « O Trabalho », dont nous reproduisons l'éditorial, est revenu, à la veille du 8 mars, sur la situation du pays, deux mois après la prise de fonction du gouvernement du président Lula.
- Brésil, International
Le 8 mars prochain, journée internationale de lutte des femmes travailleuses, se déroulera dans un monde marqué par la guerre en Ukraine, qui dure déjà depuis un an et contre laquelle les femmes ont été en première ligne des mobilisations qui ont eu lieu en Europe.
Au Brésil, dans les rues, le 8 mars, les mots d’ordre de légalisation et de droit à l’avortement sécurisé, de salaire égal à travail égal, de crèches publiques, entre autres, seront certainement accompagnés du cri « Pas d’amnistie », qui résonne depuis l’investiture de Lula et qui revêt une importance encore plus grande après la tentative putschiste du 8 janvier.
Car, enfin, deux mois ont passé et bien que des centaines de personnes aient été arrêtées, les organisateurs haut placés de l’assaut contre le siège des trois pouvoirs n’ont toujours pas été punis, et beaucoup n’ont même pas été inculpés. Les putschistes sont toujours là.
Tandis que Bolsonaro, depuis les Etats-Unis, salue ses partisans en prison ou en liberté, des enregistrements audio qui ont fuité du général Tomás Paiva, actuel commandant de l’armée, montrent clairement ce que pensent les militaires de haut rang des « indésirables » Lula et PT, tout comme leur désir de continuer à exercer leur tutelle1Tutelle garantie par l’article 142 de l’actuelle Constitution brésilienne (Ndt). sur la République, avec des conséquences désastreuses pour le peuple, comme le génocide des Yanomamis2Les indiens Yanomamis sont persécutés et chassés de leurs terres par les orpailleurs illégaux dont les méfaits ont été facilités par l’inaction de Bolsonaro pour protéger les Yanomamis (Ndt). et la tragédie du littoral de Sao Paulo3Cela fait référence aux inondations meurtrières qui se sont produites à Sao Sebastiao, ville côtière de l’Etat de Sao Paulo, le 21 février dernier (Ndt)..
Pour satisfaire les revendications du peuple
S’ajoute à cela la réaction du président bolsonariste de la Banque centrale à la suggestion de Lula de baisser les taux d’intérêt4Les taux d’intérêt au Brésil (8 %) sont les plus élevés au monde et ont pour conséquence d’augmenter de façon très importante la dette interne du Brésil pour le plus grand profit des banquiers et des spéculateurs (Ndt)..
Tout cela démontre que le châtiment des putschistes, y compris des chefs militaires, comme le préconise la résolution approuvée par le directoire national du PT, la débolsonarisation de l’Etat et l’abrogation des mesures antipopulaires adoptées depuis le putsch contre Dilma – comme la réforme du travail, de la Sécurité sociale, de l’enseignement secondaire – ne sont pas le fruit d’un « revanchisme » selon l’accusation des grands médias, mais une nécessité pour avancer dans la satisfaction des revendications du peuple travailleur et pour la reconstruction d’un pays souverain.
Avancer sur cette voie ne peut, cependant, dépendre de la foi dans les actuelles institutions gangrénées, dans la fable des généraux démocrates, des gens de justice et encore moins dans la large – et fragile – coalition. Avancer sur cette voie ne sera possible qu’au travers de la mobilisation populaire.
Le gouvernement a annoncé l’augmentation du salaire minimum à 1 320 réaux. Ce n’est pas l’idéal, ni même ce que demandaient les centrales syndicales (1 380 réaux)5Un réal brésilien s’échange actuellement contre 0,18 euro. Le salaire minimum s’élève donc à présent à 238,78 euros. Le montant réclamé par les centrales équivaut à 249,61 euros (Ndt)., mais c’est une augmentation réelle et un point d’appui pour les campagnes salariales en cours.
Lula a également annoncé l’extension de l’exonération de l’impôt sur le revenu pour ceux qui gagnent jusqu’à 2 640 réaux. Elle n’est pas encore pour ceux qui gagnent jusqu’à 5 000 réaux, comme cela a été dit au cours de la campagne électorale, mais la mesure bénéficiera à plus de 13,7 millions de travailleurs disposant d’une carte de travail en cours.
Renationaliser Electrobras
Le gouvernement a encore adopté d’autres mesures comme le réajustement de 15 % du salaire plancher des professeurs, qui devra être exigé auprès des maires et des gouverneurs, le réajustement de 40 % des bourses d’études supérieures, et il est en négociation avec les fonctionnaires fédéraux avec la proposition d’un réajustement supérieur à l’inflation (mais toutefois inférieur aux pertes accumulées).
Ce sont des mesures prometteuses qui doivent être affermies et élargies à travers la mobilisation populaire. Il en est ainsi de la lutte pour l’annulation de la privatisation du métro de Belo Horizonte, demandée à Lula par ses travailleurs qui sont en grève depuis plusieurs jours, et, principalement, la lutte pour la renationalisation d’Eletrobras, qui fait l’objet d’une campagne nationale des électriciens et qui concerne la souveraineté nationale, avec une manifestation à Brasilia le 15 mars prochain.
Rien ne tombera du ciel sans la lutte des travailleurs et des secteurs populaires pour leurs revendications. Aider à cette mobilisation est l’ordre du jour des réunions de base de Dialogue et action pétistes (DAP) qui se tiennent dans tout le pays en ce mois de mars. Rejoignez-nous !