Allemagne : succès historique pour l’Alliance Sahra-Wagenknecht
Nous donnons la parole à Gotthard Krupp, membre de la réaction de Sociale Politik & Demokratie – SoPoDe et nous reproduisons des extraits d’un entretien de Joséphine Thyrêt, co-présidente de BSW.
- Actualité internationale, Allemagne

Les élections allemandes du 1er septembre ont d’énormes répercussions dans toute l’Europe. Comment expliquer l’incroyable chute de Scholz ?
Gotthard Krupp : C’est une véritable claque pour le parti au pouvoir, le SPD de Scholz. Avec 6,1 %, il obtient en Thuringe son plus mauvais résultat lors d’une élection régionale depuis la création de la République fédérale. En Saxe, il n’atteint que 7,3 %. En outre, les partis du gouvernement fédéral ne totalisent ensemble que 13,1 % en Saxe et 10,4 % en Thuringe.
Selon les derniers sondages, plus de 80 % des électeurs sont mécontents de la politique du gouvernement Scholz. La majorité de la population rejette la politique de guerre du gouvernement Scholz, qui menace de pousser l’Allemagne dans une guerre avec la Russie, ainsi que le soutien financier et militaire au génocide d’Israël/Netanyahou contre le peuple palestinien. Elle rejette également la guerre sociale que le gouvernement déchaîne contre le peuple, entre autres pour financer les milliards des dépenses de guerre.
Cela au détriment du système de santé pour la population civile : les hôpitaux doivent se convertir en structures « aptes à la guerre » pour soigner des blessés. Ils veulent recruter la jeunesse dans les écoles et les universités pour en faire leur chair à canon, tout en ruinant le système éducatif. La politique de sanctions contre la Russie touche de manière particulièrement douloureuse la population active et l’économie des Länder est-allemands qui dépendaient des livraisons d’énergie russes.
Comment expliquer le résultat de l’AfD?
G. K. : L’AfD, parti de droite, et dans son essence d’extrême droite, profite, en particulier dans les Länder d’Allemagne de l’Est touchés par les destructions sociales, du nombre croissant de votes de contestation contre les partis au pouvoir et contre tous les partis bourgeois établis (autrefois à l’Ouest), y compris du parti Die Linke.
L’AfD se présente frauduleusement et démagogiquement comme un parti anti-guerre, mais soutient le réarmement et la conversion à l’économie de guerre et il se tient aux côtés d’Israël/Netanyahou.
L’Alliance Sahra-Wagenknecht (BSW) est à près de 16 % en Thuringe et à près de 12 % en Saxe. Peux-tu nous présenter ce mouvement et nous expliquer la signification du vote en sa faveur?
G. K. : Le parti BSW a été fondé au début de l’année. Il est issu de la rupture avec Die Linke qui a été très loin dans son appui à la politique de guerre de Scholz. BSW a organisé des manifestations de masse pour dire non à la guerre en Ukraine, à d’autres livraisons d’armes et pour l’arrêt de la politique de sanctions contre la Russie. BSW demande au Bundestag l’arrêt des livraisons d’armes à Israël.
Il condamne également nettement la politique socialement destructrice et antidémocratique du gouvernement Scholz. Un exemple : une grande majorité de la population rejette la « réforme » du système de santé voulue par le gouvernement, qui prévoit des coupes claires contre les hôpitaux et une réduction drastique du nombre de lits. Le BSW est le seul parti à demander dans une motion au Bundestag l’annulation de la « réforme » et un programme d’urgence pour sauver les hôpitaux, en s’appuyant sur une déclaration signée par plus de 80 000 citoyens.
Les réfugiés qui fuient les guerres et arrivent en Allemagne semblent être accusés de tous les maux, et Scholz annonce des mesures très sévères à leur encontre. Comment empêcher cette opération de division des exploités ?
G. K. : Scholz utilise une attaque au couteau d’un réfugié syrien pour évoquer de manière démagogique la menace que représente le « terrorisme » pour la sécurité et pour fomenter une campagne d’incitation raciste contre les Afghans et les Syriens, ainsi que contre tous les étrangers et les réfugiés.
N’oublions jamais que c’est la politique d’exploitation impérialiste et les guerres pour les matières premières et les marchés qui poussent aujourd’hui plus de personnes que jamais à fuir leur pays d’origine pour échapper à l’extrême pauvreté et à la menace de famine, à l’oppression politique et à la torture. Cette responsabilité incombe également au gouvernement Scholz (SPD), la puissance impérialiste la plus forte d’Europe.
Et ensuite, on refuse aux personnes qui se sont réfugiées dans notre pays le droit au travail, aux prestations sociales, à la santé, à l’éducation, au logement… De nouveaux durcissements drastiques sont désormais prévus. Le gouvernement Scholz ne connaît pour les réfugiés que l’exclusion sociale, la criminalisation et l’expulsion forcée.
Nous rejetons fondamentalement toutes les tentatives de diviser la population active et la jeunesse selon des critères racistes, de couleur de peau ou de religion !
Pour empêcher la xénophobie sciemment encouragée, nous devons mener la lutte pour le rétablissement des acquis de l’État social ; pour le droit d’accès de tous, citoyens et réfugiés, aux services publics, aux emplois protégés par des conventions collectives… Je considère que ce doit être une des missions des puissants groupes parlementaires BSW nouvellement élus dans les parlements régionaux de Saxe et de Thuringe.
Quelle va être la suite maintenant ?
G. K. : Dans trois semaines, il y aura des élections régionales dans le Brandebourg. On peut s’attendre à ce qu’elles deviennent elles aussi un signal de la faillite dramatique de Scholz et de son gouvernement.
La mobilisation des masses envoie un message : hier, à Berlin, la journée contre la guerre a rassemblé beaucoup plus de personnes que les deux années précédentes. Et le 3 octobre, une grande manifestation nationale contre la guerre est appelée à Berlin.
Dans le même temps, des grèves ont lieu dans la sidérurgie contre la délocalisation de la production et les suppressions d’emplois, et de violentes luttes salariales s’annoncent déjà dans la fonction publique pour la défense du salaire réel.
Le BSW est le seul parti qui peut orienter la majorité sociale vers la lutte pour en finir avec le gouvernement Scholz et sa politique, et qui peut préparer la voie à un gouvernement qui satisfasse les revendications de la population laborieuse : pour la paix, pour la défense et le rétablissement de l’État social, pour la réalisation des droits fondamentaux de liberté d’opinion, de réunion et pour la démocratie.
« Le BSW doit renforcer la voix des travailleurs » SoPoDe : Tu as été élue à Berlin, tu es donc l’une des deux présidentes régionales du BSW. Pourquoi toi, une syndicaliste, t’es-tu proposée pour assurer cette fonction ? Josephine Thyrêt : Je me suis proposée pour ce mandat parce que je suis fermement convaincue que les syndicats jouent un rôle décisif pour mettre en évidence les conséquences d’une guerre telle que celle que nous vivons actuellement à nos portes. Ces conséquences, les salarié.e.s les vivent déjà aujourd’hui. Le démantèlement des acquis sociaux bat son plein et ce sont les salarié.e.s qui en subissent les premières conséquences visibles. Outre la menace directe des conflits armés, je vois l’État social et ses droits démocratiques, le droit de grève et la liberté d’expression menacés. Il est clair que la politique de guerre a des répercussions dans tous les domaines de la société. En tant que syndicaliste, j’ai pu constater ces derniers mois à quel point il est important d’être une voix forte et engagée pour les droits des travailleurs. La volonté de la population, et donc des salarié.e.s, s’est manifestée à travers de nombreuses actions. Je pense qu’il est urgent que les syndicats prennent en compte cette volonté, la fédèrent et l’organisent. Comment vois-tu la politique du Sénat de Berlin ? J. T. : En ce qui concerne la politique du Sénat de Berlin, sur la question de la défense des hôpitaux par exemple, je ne connais aucune position ou déclaration publique qui s’oppose à la réforme des hôpitaux1Josephine Thyrêt est présidente du comité d’entreprise au sein du groupe hospitalier Vivantes et s’est fait connaître en lançant une pétition contre la réforme Lauterbach. Cette réforme prévoit des modifications dans le financement et la structuration des hôpitaux qui représentent une menace considérable pour l’existence des hôpitaux et donc pour la qualité des soins.. J’entends plutôt des déclarations de compromis boiteux, du genre : il faut réajuster ou affiner. Pour moi, cela ressemble à « on accompagne ». On évoque de nébuleux plans d’économie, mais on n’a aucune déclaration claire. Pour Vivantes (premier groupe hospitalier de Berlin, Ndt), on nous dit qu’il faut supprimer 25 % des lits, combler un déficit de 110 millions d’euros par des économies au cours des quatre prochaines années et que tous les collaborateurs doivent se serrer encore plus la ceinture. Un exemple éclatant de l’incurie du Sénat de Berlin, c’est le scandale autour de la réintégration des filiales dans leurs établissements d’origine Vivantes et Charité, les deux hôpitaux publics du Land : cette réintégration a déjà été inscrite deux fois dans l’accord de coalition. Le comité d’action syndicale : « Pas de travail précaire ni de zones hors conventions collectives là où le Land de Berlin exerce sa compétence » a raison lorsqu’il écrit que « le Sénat a décidé d’enterrer le thème de la réintégration ». C’est du non-respect de la parole donnée ! d’où la « colère contre les partis au pouvoir en raison de leur manque de crédibilité ». Mais, ce n’est pas seulement dans ce secteur, c’est aussi dans les écoles, les crèches, sur la question du logement, mais aussi dans les transports en commun, que nous retrouvons cette politique. En fin de compte, tous les partis actuellement établis, et donc aussi le Sénat de Berlin, soutiennent la politique de guerre, dont les effets se transforment en une guerre sociale massive. Je suis consciente que cette formulation peut choquer, mais c’est pourtant l’image réelle qui est déjà visible. Que veut faire le BSW de différent ? J. T. : Le BSW ne dit pas que nous avons une réponse toute faite à tout. Mais nous avons tous besoin d’un nouveau départ politique, d’une réflexion sur une politique de raison et de justice sociale, une politique de paix, contre la guerre. Les travailleurs et les syndicats manifestent, agissent, font des propositions, mais ils se heurtent à un mur au sein des parlements. Cela concerne tous les partis, y compris Die Linke. C’est là que le BSW intervient. Je vois aussi le BSW comme la possibilité d’une alliance politique des travailleurs, travailleuses, syndicalistes contre la guerre et la casse sociale, pour la paix, la justice sociale et la démocratie. C’est ce que nous voulons construire avec nos collègues. Pour cela, nous voulons devenir une force politique. C’est pour ça que nous sommes là. À Berlin, le BSW souhaite avant tout renforcer considérablement la voix des employés du secteur de la santé et défendre leurs intérêts de manière plus conséquente dans les processus de décisions politiques. Nous voulons faire du BSW un puissant représentant des salariés, qui négocie d’égal à égal avec les politiques et les employeurs. Notre objectif est de devenir un parti puissant et efficace qui s’engage résolument pour les droits et les intérêts des salariés. Nous élaborons actuellement un programme pour Berlin. Ce programme doit être le produit d’une action commune. Nous voulons façonner cette ville avec les citoyens et les citoyennes. |
