JO : une formidable opportunité pour déréglementer le droit du travail
Depuis l’allocution de Macron en janvier définissant les JO comme l’horizon d’unité nationale de cette année, les inquiétudes, doutes et revendications se font jour chez les travailleurs d’Île-de-France.
- Actualité politique et sociale, JO

Le dernier numéro du Travailleur parisien, magazine de l’union départementale CGT de Paris diffusé à tous les syndiqués CGT de Paris, se fait l’écho dans son numéro de janvier des premières prises de position des secteurs les plus concernés.
Le syndicat CGT de l’inspection du travail pose d’entrée la question politique de la signature de la charte sociale portée par Bernard Thibault (voir article dans Informations ouvrières, numéro 794 : « Une “charte sociale” Paris 2024 »).
Cette charte signée par les principales confédérations syndicales – dont la CGT – et le Medef s’engage « sur un objectif de protection de la santé et de la sécurité des salarié·es ainsi que de leurs conditions de travail » et à « faire respecter les normes internationales du travail auprès des sous-traitants et des fournisseurs » (autrement dit à appliquer la réglementation en vigueur).
En matière de droit social, le syndicat dénonce : « Une main-d’œuvre gratuite sera exploitée dans le cadre de cet événement lucratif. C’est une véritable présomption de “non-salariat” que le gouvernement tente d’imposer de manière totalement illégale. On parle ici de 45 000 bénévoles, auxquels s’ajouteront 5 000 autres encadré·es par la Ville de Paris, qui pourront être employé·es plus de 10 heures par jour et 48 heures par semaine (…) ».
Même son de cloche dans le secteur du commerce, où l’union des syndicats CGT alerte sur la généralisation du travail dominical et la déréglementation du temps de travail : « La dérogation permettant aux commerces de rester ouverts le dimanche permettra aux patrons de supprimer le repos dominical des salarié·es du 15 juin au 30 septembre 2024. »
Cette dérogation étendue à quinze arrondissements de Paris constitue un précédent dans le secteur. Et les syndicats CGT du commerce de rappeler : « C’est toujours au nom d’événements exceptionnels que sont accordées, dans un premier temps, les dérogations sur le temps de travail dans ces secteurs. Puis viennent les demandes de généralisation de ces dispositifs “exceptionnels” par les représentants patronaux, que le gouvernement s’empresse de satisfaire (…). »
C’est un fait, l’organisation des JO est une formidable opportunité pour le gouvernement Macron pour déréglementer le droit du travail et accélérer la casse des services publics.
Ce constat, le magazine de la CGT de Paris le fait dès son éditorial en replaçant l’événement dans son contexte : « À l’heure où notre pays se ferme au monde en adoptant cette terrible loi dite “immigration”, nos stades, nos piscines, nos gymnases, mais aussi nos rues, nos monuments, nos transports en commun, nos hôtels et restaurants, nos hôpitaux, nos parcs, nos musées vont être sous le feu des projecteurs internationaux. Et déjà, dans les syndicats parisiens, nos camarades alertent. Dans telle entreprise, le patron veut empêcher des salariées mères célibataires de prendre leurs congés en août. Dans telle autre, le télétravail deviendrait obligatoire. Le réseau de transports publics ne pourra pas supporter la charge de voyageur·ses supplémentaire. L’hôpital public ne pourra pas accueillir dignement tou·tes les patient·es. »
L’éditorial se fait l’écho du sentiment croissant chez les salariés parisiens : « Des secteurs ont déjà décidé de journées de grève. D’autres en discutent. Il est sûr en tout cas que les pouvoirs publics voudront éteindre rapidement toute contestation pour préserver l’image de Paris. »
Que les pouvoirs publics, et en premier lieu Darmanin, utilisent toutes les armes de la répression pour faire taire les revendications, cela ne surprendra personne. Que les directions des confédérations syndicales signent une pseudo « Charte » entérinant la casse du droit du travail est autrement plus problématique pour les salariés.
Accidents du travail, création d’emplois : une série de mensongesUn syndicaliste du groupe Vinci révèle à Informations ouvrières la réalité des faits Création d’emplois, quasi-absence d’accident du travail sur les chantiers, tout est propagande de la part du gouvernement pour faire accepter la tenue des jeux Olympiques (JO) 2024. Bernard Thibault, qui copréside le comité de suivi de la « Charte sociale », dans une interview au quotidien Ouest-France nous en explique les tenants : « En 2012 j’étais encore secrétaire général de la CGT. La Ville de Paris était candidate à l’accueil des JO. Les villes concurrentes ne se privaient pas de pointer les risques de troubles sociaux, exprimant leur crainte de désordres et de grèves. Pour répondre à ces inquiétudes, j’ai élaboré, en lien avec Bertrand Delanoë qui était alors maire de Paris, une charte sociale. »
Et on va, pour ce faire, s’appuyer sur un ancien secrétaire général de la CGT afin de garantir que les JO ne seront pas impactés par des conflits sociaux. Ainsi, pendant les Jeux, la lutte de classe doit s’arrêter ! Un nombre d’accidents du travail manifestement sous-évalué« Vous avez recensé 167 accidents au cours de la préparation de ces JO, dont 27 graves. Ce n’est pas rien ! » fait remarquer un journaliste à Bernard Thibault, (L’Humanité, le 16 février 2024). Bernard Thibault lui répond : « Il n’est pas question de relativiser la gravité de ces drames : chaque accident est un accident de trop. Néanmoins, je me dois de constater que pour ces JO, où 30 000 salariés ont travaillé pendant des mois, le taux d’accidentologie est quatre fois inférieur à ce qu’on observe en moyenne sur les chantiers (…) Nos dispositions ont donné des résultats, au point que cette expérience pourrait aider à redéfinir la manière dont s’organise le travail dans le secteur en général . » Ces affirmations sont contestables, pour au moins deux raisons : – d’une part, concernant le chiffre de 167 accidents : malgré les demandes des élus du personnel, les directions des grands groupes ne donnent pas de détails précis. Quelles entreprises sont concernées, combien d’accidents dans les entreprises sous-traitantes, au sein des ouvriers intérimaires… – d’autre part, s’il est vrai que les visites et les contrôles effectués sur les chantiers JO par l’inspection du travail ont été plus nombreux, il faut savoir que cela s’est fait au détriment des autres chantiers du BTP sur l’Île-de-France. Et on comprend pourquoi, quand on sait que les inspecteurs du travail sont en sous-effectifs depuis plusieurs années. Bref, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul ! Et c’est pourquoi on constate aujourd’hui une augmentation du nombre d’accidents du travail sur les chantiers hors JO ! Des contrats d’embauche majoritairement à durée déterminéeAvec la charte sociale, on nous a également mis en avant le fait qu’il y aurait eu 20 % d’embauches locales sur les chantiers des JO. Nous n’avons aucun moyen de contrôler si ce chiffre correspond à la réalité. Mais on peut prendre un exemple, celui du groupe Vinci, dans lequel je travaille. Celui-ci a créé deux nouvelles entreprises pour les chantiers des JO et du Grand Paris : les sociétés Liva et Baseo. Ces deux entreprises ont embauché, via Pôle Emploi, des chômeurs, des travailleurs précaires, avec des contrats majoritairement à durée déterminée, en moyenne de 2 ou 3 mois. Pour lutter contre la précarité, on peut mieux faire ! Sans parler de la multitude de travailleurs intérimaires exploités par les entreprises sous-traitantes des grands groupes du BTP (Bâtiment, Travaux publics) sur les chantiers des JO. Dans les grands groupes du BTP (Vinci, Eiffage, Bouygues, …, etc.), à chaque réunion des comités sociaux et économiques (CSE), les élus demandent à la direction de nous communiquer le détail du nombre d’intérimaires. Force est de constater que nous avons de grandes difficultés à obtenir des chiffres précis concernant les grands chantiers, dont ceux des JO. |