Niger : « Tout le monde s’est mis en grève partout »
La parole à un responsable syndical membre de l’Intersyndicale des travailleurs du Niger.
- International, Niger
Le 16 janvier dernier, l’Intersyndicale CGSL-Niger, le CNT, l’USPT et l’USTN ont appelé à une grève de 48 heures. Quelles sont vos revendications ?
Nous demandons au gouvernement de respecter ses engagements. Tout d’abord concernant l’harmonisation du régime indemnitaire car certains travailleurs de la fonction publique bénéficient de réduction sur l’électricité, l’eau, le téléphone, etc. pendant que d’autres n’en bénéficient pas, alors qu’ils sont sur le même statut. Nous avons eu des accords à ce sujet depuis 2012 qui devaient prendre effet en 2014, mais ça n’a jamais été appliqué.
Ensuite, nous demandons d’appliquer l’accord de 2016 concernant le recrutement des agents contractuels de la fonction publique dans l’Education et la Santé. Le gouvernement a pris l’année dernière l’engagement de présenter un plan de mise en œuvre avant fin décembre 2022 mais jusqu’à présent, rien.
Par ailleurs, en octobre 2018, on a obtenu une prime spéciale de départ à la retraite, soit six mois de salaire aux fonctionnaires qui sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Cela devait prendre effet en janvier 2019, mais cet accord n’a jamais été appliqué non plus.
Enfin, nous demandons le règlement définitif du paiement des arriérés d’incidences financières liées aux avancements et reclassements. Le ministère des Finances a accumulé plusieurs années d’impayés ! Pareil, un accord avait été trouvé avec le gouvernement, qui s’est engagé à payer 300 millions de FCFA par mois, mais il n’honore toujours pas cet engagement…
Nous avons demandé également la valorisation du point d’indice et du Smic qui est de 30 047 francs CFA par mois [46 euros]. Ça permet à peine d’acheter un sac de maïs de 100kg.
Nous demandons donc la valorisation du Smic car cela aura un impact sur tous les salaires, qui stagnent depuis dix ans. Pendant ce temps, tout devient plus cher à cause de la mauvaise gestion de l’Etat mais aussi de la situation que vous connaissez avec la guerre en Ukraine. Il est donc aussi nécessaire de réduire les prix des produits de première nécessité.
Le président de la République Mohammed Bazoum ainsi que son gouvernement vous a reçus. Comment ont-ils répondu à vos revendications ?
Le président de la République a reçu l’ITN (Intersyndicale des travailleurs du Niger) parce qu’il y était obligé avec la grève. Nous avons rappelé au président les engagements des protocoles antérieurs, qui devaient être pris en compte dans le budget 2023 et mis en œuvre à partir de janvier 2023.
Et la seule chose qu’il nous a annoncée c’est qu’il va augmenter l’âge de départ à la retraite de 2 ans pour atteindre 62 ans ! Nous, notre préoccupation c’est le paiement de la prime de départ à la retraite et la satisfaction de toutes nos revendications, c’est ce qui est urgent.
Dans tous les cas, le rehaussement de l’âge de la retraite est pris en compte dans la révision du statut général de la fonction publique !
Quelques jours après la rencontre avec le président de la République, le Comité interministériel nous a proposé des négociations. A notre arrivée, il y avait une autre centrale syndicale qui n’a pas déposé de préavis de grève mais qui voulait s’asseoir avec nous à la table des négociations. Nous avons opposé un non catégorique, parce que nous ne partageons pas les mêmes visions. Soit le gouvernement négocie avec elle, soit avec nous, mais nous n’accepterons pas de négocier avec une centrale qui n’a pas les mêmes préoccupations. Nous, ce qui nous anime c’est la défense des intérêts des travailleurs et des populations, un point c’est tout.
Le gouvernement trouve donc plus urgent de reculer l’âge de départ à la retraite plutôt que de satisfaire les engagements qu’il avait pris devant les travailleurs… Quelles sont les perspectives du mouvement syndical ?
La lutte jusqu’à la satisfaction totale de nos revendications. Notre grève des 25 et 26 janvier a été une réussite. Même les organisations non représentatives ont été solidaires et ont soutenu le mouvement.
Tout le monde s’est mis en grève de partout, à Niamey et à l’intérieur du pays et dans tous les secteurs : l’administration était bloquée, les transports, l’Education, les médias, la Santé… Même l’Aviation civile a marqué sa solidarité, et nous rejoindra dans les actions futures que nous allons mener.
Donc actuellement nous sommes en train de nous préparer et de créer un très large front pour relancer le mouvement, pas question de nous arrêter sans la satisfaction totale de nos points avec des dates précises de mise en œuvre. C’est l’engagement que nous avons pris devant les militants et nous allons travailler pour que ce soit fait. Trop, c’est trop ! Nous ne pouvons pas continuer à attendre indéfiniment, dans un pays où des gens pillent et volent des milliards dans les caisses de l’Etat. Des milliers de conseillers et d’aventuriers politiques sont payés à ne rien faire pendant que les travailleurs qui produisent ne sont pas dans leurs droits. Nous allons créer le rapport de force nécessaire pour que les travailleurs accèdent à leurs droits et pour gagner une amélioration significative sur les salaires, comme c’est en train de se passer dans beaucoup de pays qui nous entourent.