La démocratie politique est incompatible avec les exigences du capital financier

La brutalité des institutions de la Ve République éclate comme jamais au grand jour aujourd'hui. Quelle issue, quelle perspective pour la classe ouvrière ? Pierre Lambert (1920-2008) a tenu en décembre 2000 une conférence qui garde toute son actualité. En voici des extraits.

Par Pierre Lambert
Publié le 18 mars 2023
Temps de lecture : 2 minutes

« Qu’est ce qui permet de caractériser la Constitution de la Ve République ? Il suffit de signaler un des articles de la Constitution pour la caractériser comme antidémocratique, antiparlementaire.

Ce qui réduit le député à la situation de godillot, garantissant si je puis dire la possibilité de violer systématiquement le mandat, la démocratie du mandat.

L’article 38 de la Constitution stipule : “Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.”

Cet article 38, bien que formulé de façon alambiquée comme tous les articles de cette Constitution, est néanmoins très clair. Il consacre le Parlement comme Parlement croupion, abdiquant ce qui constitue l’essence même d’un régime parlementaire, à savoir qu’il dénie au Parlement la quasi-totalité de ses droits en matière législative.

Et rappelons l’usage fait par tous les gouvernements de l’article 49.3 : si le gouvernement pose la question de confiance à propos d’une loi, le texte est considéré comme adopté sans vote, à moins qu’une motion de censure ne soit votée dans les vingt-quatre heures. »

Dans la seconde partie, Pierre Lambert précise :

« C’est cette question de la démocratie du mandat qui me permet de caractériser la démocratie ouvrière.

La démocratie ouvrière, la démocratie de la Commune de Paris, que j’estime être la vraie démocratie, c’est-à-dire l’élection et la révocabilité à tout moment.

Certes, on me dira, et j’en conviens, que la Commune de Paris n’a duré que deux mois et demi. Certes, certes… On me dira également que, dans la révolution russe, les soviets, les conseils, qui reprenaient les dispositions de la Commune de Paris, n’ont duré qu’un petit nombre d’années…

Je pourrais m’en expliquer, mais il me semble nécessaire d’indiquer avec la précision la plus grande la position de la IVe Internationale quant aux rapports entre la démocratie politique et la démocratie ouvrière (…).

Tous les développements de l’économie mondiale et dans tous les pays sont aujourd’hui structurés sur les privatisations, sur la déréglementation, les restructurations, sur la spéculation où s’engloutissent chaque jour des milliards et des milliards de dollars.

Au nom de l’Union européenne, est remise en cause, avec la régionalisation, l’unité de la République et de la nation, les conquêtes de la Révolution française. Et c’est précisément cette situation qui explique toutes les atteintes portées contre la démocratie politique. Ces atteintes sont portées à un tel niveau, remettant en cause les acquis de la démocratie politique, que la IVe Internationale considère devoir inscrire dans son combat la défense de toutes les conquêtes qui ont précisément fondé la démocratie politique. Mais la question des questions reste celle formulée par Rosa Luxemburg : socialisme ou barbarie. Et contre la barbarie montante, la démocratie ouvrière est devenue la seule issue.

Nous devons donc intégrer les acquis de la démocratie politique comme une nécessité pour la démocratie ouvrière. »

Extraits publiés dans La Vérité nos 60-61 (mars 2008), pages 40-46.