États espagnol : « Il faut dresser, dans l’unité, un mur au franquisme »
Depuis quinze jours, des manifestations sont organisées devant le siège du Psoe (parti socialiste, au pouvoir) par les dirigeants de Vox (extrême-droite) et certains du PP (droite), mêlés à des phalangistes et autres nostalgiques de la dictature de Franco.
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Jusqu’au jeudi 16 novembre, où Pedro Sanchez a de nouveau été investi président par 179 voix contre 171, le Congrès des députés (Cortès) a connu des moments de tension inédits depuis l’élection, en 1977, des premières Cortès après la mort de Franco.
Il a été possible de voir comment, dans les manifestations qui se succèdent depuis quinze jours devant le siège du Psoe, des dirigeants de Vox – et certains du PP – côtoyaient ceux qui chantaient le Cara al Sol – le chant de la Phalange1Groupe fasciste qui plonge ses racines dans la guerre civile. Vox : extrême droite, PP : Parti populaire, droite.– et assistaient comme si de rien n’était aux harangues pour le (soulèvement de Franco) national. Le tout agrémenté de prières du rosaire « pour le salut de l’Espagne », de drapeaux brandis de la Phalange et d’autres avec l’aigle de la dictature, les croix gammées et drapeaux carlistes.
Quoi que l’on en dise, il ne s’agit pas de la « vague de droite » qui est censée déferler sur le monde. Il s’agit du vieux franquisme de toujours – alimenté par les institutions de la dictature que les pactes de la Moncloa ont sauvées – que l’amnistie de 1977 a gracié. C’est là le véritable bilan de la politique imposée à l’époque au mouvement ouvrier et populaire par les directions du Psoe et du PCE : le maintien du noyau des institutions franquistes, l’acceptation de la monarchie, le maintien de l’appareil judiciaire, le Top compris (Tribunal d’ordre public, franquiste, transformé du jour au lendemain en Cour suprême), du pouvoir de l’Église (y compris ses subventions par le biais du budget de l’État), du haut commandement de l’armée (d’où sortent maintenant des appels au coup d’État, comme il y a un peu plus d’un an les manifestes en faveur du « souvenir de Franco »)…
La non-réalisation d’une véritable rupture avec le régime franquiste conduit aujourd’hui à ces conséquences.
L’amnistie comme détonateur
Tout cela éclate, et ce n’est pas par hasard, lorsque le gouvernement en place ose parler d’amnistie pour les persécutés du Procès [des Catalans] car, indépendamment des considérations politiques que Puigdemont (ancien responsable de la généralité de Catalogne) ou d’autres peuvent nous suggérer, il convient de noter que, parmi les milliers de poursuivis et d’accusés possibles, la plupart sont des citoyens ordinaires, en particulier des jeunes, qui ont participé aux diverses mobilisations. Ce dont il s’agit pour les institutions franquistes et leurs porte-parole politiques, PP et Vox, c’est que l’unité de l’appareil d’État n’est pas négociable et que la poursuite organisée par juges et policiers, les ordres du roi après son discours infâme du 3 octobre 2017, ne peuvent être remis en question.
Cela donne à la lutte pour la République un double caractère émancipateur : mettre fin aux tares franquistes qui protègent le grand capital et mettre fin aussi à l’affrontement entre les peuples que favorise la monarchie, c’est-à-dire l’instauration des principes de fraternité entre les peuples, la nécessité de leur droit à décider librement des relations entre eux. Pour nous, une union libre de républiques souveraines, libérées de toute oppression et de toute exploitation.. .
Quel programme de gouvernement ?
À côté de la loi d’amnistie, dont les limites sont évidentes, et dont la promulgation définitive reste à voir, étant donné les obstacles qu’elle rencontre, l’agenda social présenté par le gouvernement est loin de répondre aux besoins de la classe laborieuse. Retoucher quelques aspects des réformes des lois du travail de Zapatero et de Rajoy ne signifie pas les abroger dans leur totalité. Et le faire par le biais du dialogue social, c’est-à-dire avec l’accord du patronat (qui s’est déjà joint, à quelques exceptions près, comme le patronat catalan, au concert de protestations contre l’amnistie et les accords de gouvernement), – est une voie pour le moins incertaine.
La promesse d’augmenter le salaire minimum et les pensions de retraite en fonction de l’IPC est incontestablement positive, même si elle ne répond pas à toutes les revendications. En particulier, le refus, une fois de plus, de respecter la loi et de réaliser l’audit de la caisse de Sécurité sociale (pillée par l’État, Ndt) alimente le mythe de l’insoutenabilité des pensions de retraite publiques et permet de maintenir l’épée de Damoclès qui pèse sur elles.
Particulièrement inquiétante pour l’avenir du système public de retraite est la promesse d’une « gestion basque de la Sécurité sociale » d’ici deux ans, ce qui constitue un pas vers l’éclatement de la caisse unique.
Le transfert des Rodalies (service ferroviaire de banlieue) en Catalogne est un plan de démantèlement du service. Tous les syndicats de cheminots ont annoncé des mobilisations contre ce projet.
De même, le harcèlement des sièges du Psoe et les attaques contre ceux d’Izquierda unida et de Podemos exigent de mettre le mouvement en état d’alerte.
Certes, nous ne sommes pas en 1936, quelles que soient les proclamations et les analogies, que soient agitées les ordures fascistes et néo-nazies, et même qu’un groupe d’ex-militaires appelle au coup d’État.
Nous ne pouvons pas oublier un chapitre central de l’action et du programme du gouvernement, tant dans sa phase « en fonction » que dans la future coalition : l’augmentation brutale des dépenses militaires et l’alignement et la complicité du gouvernement devant la politique de l’administration Biden en Ukraine ainsi qu’en Palestine.
Nous sommes dans une nouvelle période de crise du régime monarchique, et cela se reflète également dans la perte de direction qui secoue tous les partis, leurs militants et leurs cadres, à commencer par le Psoe lui-même.
De notre point de vue, participer aux mobilisations actuelles, promouvoir dans le mouvement ouvrier et dans les organisations la nécessité de porter les revendications est indissociable de la lutte pour unir les forces autour des axes politiques d’émancipation sociale et démocratique, du socialisme, de l’internationalisme, contre la guerre, contre le génocide de Gaza.