Agriculture : « Ils préparent tous des prix planchers, mais qui va les fixer ? »

La parole à Didier Gadéa, secrétaire général du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux).

Une exploitation dans la Creuse (Photo AFP).
Par Interview
Publié le 3 mars 2024
Temps de lecture : 2 minutes

Que penses-tu de l’annonce surprise de Macron : « Il faudra des prix planchers et je missionne le gouvernement pour réfléchir sur la question » ?

Didier Gadéa : Il essaie de désaxer la contestation. Sauf que « prix planchers », cela ne veut rien dire. Deux exemples.

Le premier : les producteurs de betteraves sucrières avaient des prix planchers fixés par l’Union européenne. Ils gagnaient bien leur vie parce qu’en plus du prix plancher, les importations étaient taxées à 400 %. Ce quota a été supprimé, et aujourd’hui on est inondé de sucre de l’Inde et du Brésil à prix très bas, mais dans les supermarchés, on le paye plus cher qu’avant.

Quand on nous dit que les prix planchers peuvent faire monter les importations, c’est faux, car tant qu’il y avait des quotas sucriers, il n’y avait pas d’importation.

Le second exemple, c’est la viticulture. Dans le cadre de la politique agricole commune (Pac) la distillation de crise permet de recycler les vins qui n’ont pas trouvé acheteur. La Pac a fixé un prix plancher mais qui n’est pas rémunérateur, à la moitié environ de ce qu’il devrait être.

Conclusion : quand les prix planchers sont rémunérateurs, ils sont supprimés. Quand ils ne sont pas rémunérateurs, on les garde.

Factuellement, quand on nous explique que les prix planchers n’ont jamais existé, que c’est de la soviétisation : c’est faux. Soit le gouvernement et la FNSEA ne connaissent pas le dossier, soit ils mentent.

Le Modef demande des prix planchers rémunérateurs fixés et garantis par l’Etat

J’ai devant moi les réactions de la Confédération paysanne, de la Coordination rurale et des autres organisations : il n’y a pas de demande que l’Etat s’engage. Les organisations vont rester dans le cadre des filières, dans le cadre d’Egalim 4-5-6. Ils préparent tous des prix planchers, mais qui va les fixer ?

Macron prétend que c’est compliqué à faire, qu’on ne connait pas les prix de production. C’est faux. Les coûts de productions sont connus au centime près par le ministère. Il y a des rapports chaque année, les outils qu’il faut.

Il y a une deuxième revendication du Modef : la question des marges et du coefficient multiplicateur.

Le coefficient multiplicateur permet de freiner les importations sans les interdire. Cela freine la spéculation. Moins on achète cher, moins on gagne. Par exemple, si un distributeur achète un kilo de tomates 30 centimes à un agriculteur et si le coefficient multiplicateur est de 2, il ne peut le vendre que 60 centimes et gagne donc 30 centimes.