Position et mise en garde après les réactions à la suite de l’attaque de la synagogue de la Grande-Motte

Un communiqué de la Libre Pensée de l’Hérault.

Dans une manifestation contre le génocide à Gaza, en octobre 2023 (Photo AFP)
Par > Communiqué
Publié le 31 août 2024
Temps de lecture : 4 minutes

La Libre Pensée condamne fermement l’attaque contre la synagogue de la Grande-Motte.

Selon les dernières informations, le suspect aurait été arrêté, et l’image qui circule montre un homme arborant un drapeau palestinien et vêtu d’un keffieh au moment des faits.

Ceci doit nous interpeller au plus haut point. Nous ne serons pas de ceux qui expliquent que les faits sont trop « beaux pour être vrais ». Si en effet, il est étrange de vouloir être accoutré de cette manière pour commettre une attaque, et même si nous savons que les coups tordus existent et ont toujours existé, et que certains connaissent bien leur métier ; et même si ces faits sont une occasion en or pour ceux qui n’attendent que cela pour dire « voilà ! », nous ne sommes pas férus d’une vision policière de l’histoire.

En effet, pendant des mois, nous avons mis en garde, comme Libre Pensée, contre l’instrumentalisation des religions, contre la transformation des problèmes politiques en problèmes de type religieux ou supposément ethniques.

Aussi, nous avons pu constater un cocktail assez explosif de la part du traitement médiatique du génocide en cours ainsi que d’une partie de la classe politique. Nous posons la question suivante :

  • En passant totalement sous silence l’atrocité du génocide palestinien, en laissant se diffuser sans la moindre réaction des images insoutenables.
  • En n’évoquant la question quasi uniquement sous l’angle de la « libération des otages du Hamas », sans rien dire sur le massacre en cours.
  • En ne cherchant à aucun moment à condamner les franco-israéliens combattant sous l’uniforme de Tsahal et commettant des crimes de guerre
  • En prétendant que tous ceux qui soutiennent le cessez-le-feu sont donc contre les juifs, donc antisémites, car il ne peut y avoir que deux camps délimités par la religion.
  • En prétendant que la critique d’Israël, c’est la critique de tous les citoyens de confession juive.
  • En expliquant en plein massacre de Palestiniens que la seule chose qui importe est que personne ne puisse remettre en cause l’existence d’Israël.
  • En affirmant qu’un État laïque et démocratique sur tout le territoire de la Palestine traitant à égalité les citoyens indépendamment de la religion, signifiant donc la disparition du sionisme, était également de l’antisémitisme, comme si un État pouvait vivre durablement par exclusion de la composante palestinienne historique.
  • En prétendant que certains, en fonction de leur religion, ont des places différentes dans la République, comme par exemple Manuel Valls l’a fait quand il a polémiqué contre le voile porté par des femmes musulmanes mais dans le même temps expliquait : « les juifs de France peuvent porter avec fierté la kippa ».
  • En surréagissant au moindre incident concernant l’antisémitisme, mais en se gardant bien de le faire pour d’autres, pour bien montrer que tout ne se vaut pas dans la République.
  • En organisant et en approuvant depuis des mois les interdictions des manifestations des organisations démocrates condamnant le génocide, suggérant qu’il puisse y avoir un lien entre l’arrêt d’un massacre et l’antisémitisme.

 

Ceux qui ont organisé tout cela : que croient-ils que cela puisse provoquer ?

En disant tous les jours « les Juifs dans leur ensemble sont la représentation de l’État d’Israël, critiquer l’un, c’est critiquer l’autre », en plein génocide : que croit-on qu’il puisse arriver ?

Nous osons le dire : ceux qui jouent ce petit jeu d’apprenti sorcier, qui est certes dans l’air du temps, vont fabriquer en série une forme de rage sur le terrain, préparée depuis des années : l’affrontement entre « communautés ».

Les Valls, les Darmanin, les Moutouh, les Delga et autres qui ont joué cette partition dangereuse de manière volontaire, en toute connaissance de cause, portent une responsabilité. Ils ont accroché une cible dans le dos à certains en les désignant comme étant la représentation de l’État d’Israël en France.

Oui, il peut y avoir une résurgence d’une certaine forme d’antisémitisme. Certes pas un antisémitisme diffusé par l’État et les médias comme dans les années trente. Celui-ci a été remplacé par la haine des musulmans. Même si c’est la même logique, les cibles ont changé, et les néo convertis s’en donnent à cœur joie : le RN évidemment, mais pas uniquement.

Les anciens antisémites d’hier se sont mués en anti-musulmans. Il faut bien vivre avec son temps. Aujourd’hui, les juifs servent de bouclier dans la stratégie des USA au Moyen-Orient (car l’État d’Israël est avant tout l’affaire des USA plus que d’autres choses). L’État d’Israël n’est pas là pour défendre les Juifs, mais pour s’en servir.

La seule chose au final qui est défendue en Israël, ce sont d’une part les USA (c’est la raison pour laquelle ils soutiennent autant cette création), et une partie des colons, promoteurs et hommes d’affaires qui y trouvent leur compte pour le moment.

Analyser de manière réaliste, réelle, librement, la situation, aide à voir clair, aide à avancer.

La lutte contre l’antisémitisme ne pourra pas être le fait de ceux qui le nourrissent en instrumentalisant les religions, en organisant le traitement différencié en fonction de l’appartenance à une « ethnie », réelle ou supposée, ou une croyance.

On le sait maintenant : le fait d’avoir soutenu en sous-main des mouvements religieux au Moyen-Orient permettant de canaliser les masses vers des organisations communautaires plutôt que vers des organisations qui se réclamaient du marxisme, a pu servir des buts de guerre (en Afghanistan, en Irak ou en Syrie par exemple).

Aussi, ceux qui ont organisé cela, portent la responsabilité de cette stratégie du « choc des civilisations ».

Nous ne pourrons trouver le moindre chemin de paix et de défense de l’humanité avec ceux qui se vautrent là-dedans pour être sûrs de conserver leur place à la table des grands de ce monde et d’en avoir au moins quelques miettes.

Cependant, la Libre Pensée s’adresse aux militants, aux démocrates, aux syndicalistes et à la jeunesse : plus que jamais, la libre pensée, la science, la laïcité, la raison, les lumières, l’analyse lucide et rationnelle doivent être notre boussole plutôt que les poncifs médiatiques, les lieux communs et les phrases toutes faites, qui sonnent fort mais creux, et sont dangereux.

Montpellier, le 25 août 2024