Réforme des retraites : abrogation ou replâtrage ?

Déjà un an de réforme des retraites... Les manœuvres vont bon train pour trouver une combinaison gouvernementale qui permette de continuer la politique de Macron, y compris en donnant le change sur des "aménagements".

1er Mai 2023, manifestation pour le retrait de la réforme des retraites Macron-Borne. Au premier plan, les secrétaires généraux de toutes les confédérations. (AFP)
Par Gabriel Caruana
Publié le 4 septembre 2024
Temps de lecture : 4 minutes

Les universités d’été se suivent et ne se ressemblent pas.
Celle de LFI a vu 5 000 militants se rassembler avec détermination pour faire appliquer coûte que coûte le programme, de rupture avec le macronisme, du NFP.

Aux rencontres des entrepreneurs de France, organisées par le Medef, l’ambiance était plus morose, mais tout aussi décidée à l’inverse à mettre en échec ce programme.

La presse patronale ne s’y trompe pas : « Les entrepreneurs en proie à l’incertitude », titrent Les Echos quand la revue Challenges a vu « à l’université d’été du Medef, des patrons tétanisés par un gouvernement NFP ». Les raisons de cette inquiétude ? « En deuil, les patrons pleurent le macronisme », affirme Libération. Et pour cause !

L’invité d’honneur fut le ministre Bruno Le Maire. Et Patrick Martin, le président du Medef, n’a pas, selon L’Express, tari d’éloges : « Cher Bruno, nous avons pu avoir des divergences (…), mais tu as été un artisan déterminé et déterminant de ces politiques pro business (…), Pour tout cela, merci », suscitant une salve nourrie d’applaudissements à laquelle Bruno Le Maire a répondu par un sourire effacé, la main sur le cœur.

La hantise du patronat, c’est bien de voir cette politique « pro business » s’arrêter, et il ne faut pas chercher bien plus loin le déni de démocratie auquel se livre Macron : utiliser à fond les institutions réactionnaires de la V e  République pour continuer à servir les intérêts de l’infime minorité des grands capitalistes sur la large majorité des exploités. Et le maintien de la réforme des retraites est au cœur du sujet.

Selon des propos rapportés par L’Express le lundi 26 août, Macron aurait déclaré : « Si je la nomme (Castets), elle ou un représentant du Nouveau Front populaire (NFP), ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le Smic à 1 600 euros, les marchés financiers paniqueront, et la France plongera. »

énième tentative de sauver le Régime

C’est pour cela que les manœuvres vont bon train pour trouver une combinaison gouvernementale qui permette de continuer la politique de Macron, y compris en donnant le change sur des aménagements.

Pour éviter l’abrogation, l’aile « gauche » de Renaissance n’est pas opposée à « quelques améliorations ». Dans l’entourage de Macron, on parle même de « regarder des choses, comme les carrières longues ».

Et Bruno Le Maire, fixe les limites de ces broutilles : « On peut penser à des améliorations mais elles devront se faire à coût zéro. Revenir à 62 ans cela n’existe pas. »

Il s’agit également de la ligne du Medef qui y va aussi de son couplet. Passées la gueule de bois électorale et les incertitudes, son président est bien décidé de mettre lui aussi la main à la pâte pour tenter de sauver cette réforme, archi minoritaire dans le pays, et minoritaire à l’Assemblée nationale. Et voilà qu’il sort un joker de son chapeau, une reprise des négociations sur l’emploi des séniors.

Rappelons qu’il s’agit de parvenir à un accord avec les organisations syndicales pour aménager les fins de carrière et maintenir coûte que coûte les « séniors » au travail pour s’adapter au recul de l’âge de départ.

Un accord entre « partenaires sociaux » dans la situation de crise politique que nous connaissons aurait un avantage : essayer d’imposer du dehors des aménagements et faire taire les partisans de l’abrogation, au motif du « respect de la démocratie sociale ».

Le prétendu « agenda social autonome » n’est donc rien d’autre qu’une énième tentative de sauver le régime, pour sauver les intérêts de la minorité capitaliste en maintenant la réforme. Les organisations syndicales devraient-elles s’y soumettre ?

Les millions qui ont manifesté et fait grève avec les organisations syndicales unies, les millions qui ont voté pour les candidats du NFP veulent l’abrogation pure et simple de la réforme des retraites, et pas son replâtrage.

Cette exigence sera aussi au cœur des marches pour la démocratie du 7 septembre et elle continuera à s’exprimer, quand bien même il devrait y avoir des reniements.

La souffrance des travailleurs contraints de différer leur départ du fait de la « réforme »

Cela fait exactement un an que la réforme des retraites a bouleversé la vie de dizaines de milliers de salariés, et de salariées car les femmes en ont été les premières victimes. Samedi 31 août, France Info a donné la parole à certains d’entre eux.

Parmi les témoignages recueillis par Franceinfo, il y a Jean-Marc, qui aurait dû prendre sa retraite en juin 2024, à 62 ans et qui attendait, avec impatience, contraint au chômage (avec 980 € par mois) et aux petits boulots (gardien de nuit) pour tenir après son licenciement. Il faut qu’il « travaille » jusqu’en février 2025. Enfin qu’il travaille… Rappelons que le taux d’emploi des salariés âgés de 60 à 64 ans est de 38,9 %.

Il y a aussi Nathalie, auxiliaire de vie, qui est fatiguée à 60 ans et qui devra travailler jusqu’à 63 ans… pour une pension qui ne sera pas complète. Oui, elle devra travailler jusqu’à 63 ans comme tous les salariés nés en 1964.

Il y a encore Nadine, travailleuse dans le vêtement, qui souffre de crampes dans les mains et pour qui tout travail manuel entraîne des douleurs, non reconnues comme facteur de pénibilité.

Des centaines de milliers subissent les conséquences d’une réforme meurtrière, dont le peuple ne voulait pas car rien ne la justifie sinon l’âpreté au gain des employeurs.

Le Medef en redemande

En 20 ans, l’âge moyen des retraités a augmenté de 2,4 ans. Ce n’est pas rien mais, évidemment, cela ne suffit pas au patronat. On apprend, par la presse, que le Medef est demandeur d’une reprise des « négociations » sur l’emploi des seniors (lire ci-dessus) .

En clair, la réforme continue de s’appliquer et on discute des modalités avec les syndicats. Ceux-ci par ailleurs, sont bien silencieux !

Le Medef attend deux choses de cette reprise des discussions : la garantie que la réforme des retraites ne sera pas abrogée et, subsidiairement mais non sans importance, la réduction des cotisations d’assurance chômage, réduction suspendue en même temps que la discussion sur « l’emploi des séniors » qui devraient être en retraite !

Haro sur les vieux ! Haro sur les chômeurs !

Nicole Bernard