Algérie : révolte dans les facultés de médecine
Depuis plus d’une semaine maintenant, les facultés et annexes de médecine sont secouées, à l’échelle nationale, par une mobilisation massive des étudiants, à laquelle se sont joint des médecins en chômage.
- Actualité internationale, Algérie

Cette grève des étudiants en médecins, largement suivie à l’échelle nationale, n’est pas intervenue dans un « ciel serein ». C’est le mûrissement d’un malaise profond qui sévit depuis des années dans les universités du pays.
Un malaise combattu par des mobilisations partielles, qui s’estompent rapidement par la répression et l’absence de syndicats indépendants.
Des milliers de diplômés universitaires prennent la route de l’exil à la recherche d’un avenir incertain
Sur les 250 000 diplômés du supérieur qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi quelques milliers seulement arrivent à décrocher un emploi conforme à leurs diplômes. L’immense majorité vient gonfler le nombre de plus en plus explosif de diplômés chômeurs ou bien ils sont rongés par l’emploi précaire.
Les salaires des jeunes médecins ne dépassent pas les 54 000 dinars par mois (250 euros environ), alors que les quotas d’étudiants admis en spécialité ont connu des réductions drastiques. C’est ce qui plonge des milliers d’étudiants dans le désespoir, prive les structures de santé de médecins en voie de spécialisation, et impacte directement le bon fonctionnement des hôpitaux.
Chaque année les médecins fraîchement diplômés agissent, interpellent leur tutelle (ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé) pour plus de places en internat, pour faire face au manque de postes budgétaires car l’utilité des médecins « résidents » est capitale pour la prise en charge des malades aux urgences, dans les différents services et assurent en grande partie des gardes.
Le nombre de patients auscultés par médecin dépasse parfois 150 et un médecin résident peut effectuer jusqu’à sept gardes de 30 heures par mois, gardes qui lorsqu’elles sont rémunérées – elles ne le sont pas toujours – le sont très peu (2 866,50 DA) !
Parmi les revendications qui montent de tout le pays
– « L’abrogation du gel de l’authentification des diplômes de docteur en médecine discriminatoire et anticonstitutionnelle » ;
– « l’intégration des facultés de médecine algériennes à la WFME avant 2025, afin d’assurer la reconnaissance internationale de diplômes ».
Un étudiant explique à ce sujet : « Nos diplômes ne servent pas à grand-chose dans notre pays puisqu’ils n’ouvrent pas le droit à l’embauche et la non-reconnaissance de nos diplômes à l’international nous empêchera d’aller tenter notre chance à l’étranger ».
Les grévistes réclament également « l’augmentation massive du nombre de places pédagogiques » et « l’annulation de la décision arbitraire d’interdiction de passer l’examen de spécialité (internat) pour une durée de trois ans en cas de démission ce qui poussera les diplômés au chômage forcé ».
Les médecins au chômage ont rejoint les étudiants
Les médecins en chômage ont d’ailleurs rejoint le mouvement de grève pour réclamer des postes d’emploi dans les hôpitaux qui souffrent d’un déficit énorme en personnels soignants.
Les étudiants de médecine dénoncent enfin « la détérioration des conditions dans les résidences universitaires ».
C’est donc toutes ces difficultés, ces contraintes, ces injustices… qui durent depuis des années, dénoncées à maintes reprises, qui sont à l’origine de cette mobilisation exceptionnelle qui a obligé le ministre de l’Enseignement supérieur à recevoir, tard dans la nuit de samedi, une délégation d’étudiants et médecins grévistes.
Le ministre en personne s’est ensuite livré sur sa page Facebook à un compte rendu des résultats des négociations. Et bien qu’il y ait eu quelques revendications accordées, le mouvement de protestations et de grèves s’est poursuivi, gagnant maintenant la quasi-totalité des facultés et annexes de médecine.
