Colère des salariés devant le siège de Michelin

REPORTAGE. Huit jours après l'annonce de la fermeture des sites de production Michelin de Vannes et Cholet, les travailleurs ont crié leur refus des fermetures de sites et des licenciements le 13 novembre, devant le siège de l’entreprise, à Clermont-Ferrand.

Devant le siège de Michelin, à Clermont-Ferrand, le 13 novembre (photo correspondant)
Par Samy Hayon
Publié le 15 novembre 2024
Temps de lecture : 5 minutes

Ce 13 novembre, les salariés de Michelin ont crié leur colère devant le siège Michelin, à Clermont-Ferrand, au moment où se tenait le comité central et environnemental d’entreprise (CCEE) où était communiqué le plan social de 1254 licenciements.

De fortes délégations des salariés des sites menacés (Vannes et Cholet) se sont rassemblés place du 1er Mai à l’initiative de la CGT. Des délégations des autres sites Michelin et des salariés d’entreprises du Puy-de-Dôme, de l’Allier et de la région les ont rejoints. Des délégations de militants CFDT, FO et Sud du Puy-de-Dôme étaient également présentes.

Les députés LFI, Marianne Maximi et Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, sont venues « apporter le soutien du groupe parlementaire de la France insoumise et de l’ensemble du mouvement de la France Insoumise aux salariés de Michelin qui, à côté des salariés d’Auchan, de Valéo, de Général Electric, de Sanofi, et de tant d’autres entreprises, se font aujourd’hui licencier ».

André Chassaigne, député PCF, était représenté par le conseiller régional, Julien Brugerolles,.

A 14 heures, le cortège, hérissé de centaines de drapeaux, a défilé derrière une banderole de la CGT Michelin et de la fédération nationale des industries chimiques (Fnic CGT) affichant : « Michelin jette des milliers de travailleurs à la rue. 1 500 en Allemagne, 1 400 aux USA, 1500 à Cholet et Vannes. Non aux licenciements pour les profits ! »

Arrivés devant le siège Michelin, une énorme colère est montée de la foule des manifestants qui découvraient la ligne de CRS plantés à l’intérieur du siège. Cette vision hallucinante fera dire à Mathilde Panot : « Non seulement ils ne sont pas là pour vous regarder en face mais, en plus de cela, dans quel pays sommes nous pour que les CRS soient directement à l’intérieur d’une multinationale pour se protéger des salariés qui légitimement sont en train d’exprimer leur colère ? »

Sifflets et noms d’oiseaux ont mis du temps avant de céder la place aux interventions syndicales puis à celles des députés LFI et du représentant du PCF.

Le secrétaire général de l’union départementale CGT du Puy-de-Dôme, Ghislain Dugourd, a largement décrit le contexte dans lequel surviennent les annonces de plans de licenciements chez Michelin et Auchan et rappelé que ces entreprises, et d’autres, sont sous perfusion d’aides publiques. Qu’elles sont tout à fait viables mais que Michelin fait le choix de délocaliser ses sites de production à l’étranger pour satisfaire ses actionnaires, etc.

Un délégué des salariés de Cholet – ils sont en grève depuis le jour de l’annonce de fermeture, le 5 novembre – a souligné la détermination des grévistes à obtenir le maintien de leur emploi et de leur industrie.

Il a parlé de l’ampleur que la grève a prise très vite et du mouvement de solidarité qu’elle a suscité auprès des salariés d’autres entreprises et de la population de Cholet, consciente que la fermeture de l’usine les toucherait aussi.

Il a rappelé que le ministre de l’industrie, Marc Ferracci, venu le 8 novembre à Cholet pour échanger avec les salariés, a dû dégager sous les huées de centaines d’entre eux. « Michelin Voleur ! », « Gouvernement de merde, vous n’avez rien à faire ici », « Menteurs, c’est vous les responsables ! ». C’est ainsi qu’il a été accueilli.

Tout au long de son intervention, le délégué a mis l’accent sur la grève comme seule réponse appropriée à une situation où la direction licencie tout en promettant d’accompagner les salariés licenciés avec des reclassements qui, comme toujours, n’ont jamais lieu !

Des responsables syndicaux CGT de Michelin, de la Fnic, de l’UD CGT de l’Allier, et d’autres, se sont succédés pour dénoncer la vague de plans de licenciements en cours et celle qui se profile.

La secrétaire générale de l’union départementale Force Ouvrière du Puy-de-Dôme, infirmière au CHU de Clermont-Ferrand, a insisté. « Tout le fric que Michelin, Auchan et autres groupes du CAC 40 versent à leurs actionnaires, c’est le fric qu’ils nous volent ! Ils le volent aux salariés, en refusant d’augmenter les salaires et en supprimant des emplois ! Ils le volent à la Sécu, en bénéficiant d’exonération de cotisation jusqu’à 80 milliards par an ! Pendant que le gouvernement Macron-Barnier remet en cause le droit aux Indemnités journalières, le remboursement de nombreux médicaments et dispositifs médicaux, c’est-à-dire le droit à la santé pour des millions de personnes ! Ils le volent aux services publics, à l’hôpital et à l’école, en bénéficiant d’aides publiques et de largesses fiscales sans aucune contrepartie ! », a-t-elle dénoncé.

« C’est insupportable ! Alors oui, la colère des salariés Michelin est légitime ! Comme est légitime la colère des salariés de chez Auchan ou celle des personnels de la sécu, comme la colère des hospitaliers. Nous sommes tous, salariés du privé et du public, jeunes, mères de famille, retraités, confrontés à un plan antisocial jamais vu. »

« Nous nous posons tous la même question, a-t-elle insisté. Comment faire pour les arrêter, comment obtenir satisfaction sur nos revendications ? Comment stopper les licenciements et les fermetures d’usines ? Comment obtenir l’augmentation de nos salaires ? Comment obtenir l’abrogation de la réforme des retraites ? Comment préserver notre sécu et nos services publics ? »

« Alors que les grèves se multiplient partout pour bloquer les fermetures d’usines, pour bloquer les plans de licenciements, chez Michelin, Auchan et ailleurs, pour défendre l’hôpital public comme ici au CHU, pour défendre la Sécu, n’est-il pas nécessaire de frapper tous ensemble au même moment ? Ne lâchons rien pour obtenir la satisfaction des revendications ! Non aux fermetures de sites, maintien de tous les emplois ! », a-t-elle conclu.

Après les interventions syndicales, Marianne Maximi, député LFI de la 1ère circonscription du Puy-de-Dôme, a pointé l’appétit des fonds étrangers : « Michelin malheureusement est une entreprise qui illustre à l’excellence ce capitalisme féroce à savoir de vouloir faire toujours plus de profits sur le dos des salariés, des ouvriers, des ouvrières. Aujourd’hui, 67 % des actionnaires de Michelin sont des fonds étrangers, 67 % sont des assurances et des banques situées à l’étranger. »

Elle qui a mené le combat à l’Assemblée, avec les députés du NFP, pour inverser le projet de budget du gouvernement de Macron, a rappelé que Michelin verse des dividendes tout en touchant des millions en crédits d’impôt : « Il y a les aides publiques, a-t-elle poursuivi, mais il y a aussi beaucoup d’exonérations de charges, comme ils disent , de « charges patronales », à savoir des cotisations. Et ces exonérations elles profitent, là encore, au patronat et en plus, elles vident les caisses de solidarité qui sont notre système de retraites par répartition. »

Pour finir, Mathilde Panot a pointé la responsabilité directe d’Emmanuel Macron qui depuis sept ans ne cesse d’oeuvrer pour les fonds de pensions : « Qui sont les actionnaires de Michelin ? Qui détient Michelin aujourd’hui ?, a-t-elle lancé. Eh bien, à 70 %, ce sont des fonds de pension étasuniens et dans ces fonds de pensions, on trouve BlackRock. BlackRock qui sont déjà ceux qui ont fait avec Emmanuel Macron la réforme de la retraite qui nous ont volé deux ans de vie et qui après nous avoir volé deux ans de vie, après avoir essayé de faire les poches aux Français en mettant la main sur les 300 milliards d’euros du système de retraite français, eh bien, décide maintenant de détruire les emplois.

Et d’ajouter : « Alors, oui, il faut nommer les responsables mais il n’y a pas que Michelin qui est responsable de cette situation. Emmanuel Macron et ses gouvernements en sont responsables et sont coupables, d’abord parce que depuis sept ans, il y a eu 50 000 emplois détruits. 50 000 dans le secteur automobile et que, à chaque fois que nous avons nous demandé à l’Assemblée nationale qu’ils conditionnent les aides publiques au fait de maintenir l’emploi, à chaque fois ils nous l’ont refusé et maintenant, vous avez un Premier ministre qui ose venir demander ce qui est fait de l’argent public eh bien ce qui est fait de l’argent public apparaît aux yeux de tous l’argent public a été utilisé par ces multinationales pour à la fois gaver les actionnaires et détruire les emplois. Voilà à quoi sert cet argent. Nous ne sommes pas d’accord et je le redis, ce n’est pas une fatalité. »