Mais à quoi jouent les dirigeants des confédérations syndicales ?

Quel salarié, quel militant peut comprendre qu’il soit répété à chaque communiqué que l’on veut l’abrogation de la réforme des retraites et que la seule perspective ouverte soit de discuter de son application et de la mettre en œuvre par la signature d’accords ?

Les secrétaires généraux des confédérations syndicales, en octobre 2023 (photo Miguel Medina / AFP)
Par Gabriel Caruana
Publié le 18 novembre 2024
Temps de lecture : 2 minutes

Les travailleurs sont ulcérés par la vague de licenciements, chez Auchan, Michelin, Saunier Duval, Casino, Sanofi… Ils n’acceptent pas les attaques contre les trois jours de carence dans la fonction publique, marchepied pour les remettre en cause dans le secteur privé.

Mouvements sociaux, manifestations, grèves, menaces et décisions de grèves s’amplifient, le plus souvent avec les syndicats concernés et au même moment, chacun regarde avec intérêt ce qui se passe à l’Assemblée nationale où chaque jour le gouvernement est mis en difficulté.

Et pourtant, au sommet, toutes les confédérations ont accepté de rentrer dans des négociations dont le Premier ministre lui-même avait fixé le but de façon incontestable : « aménager » la réforme des retraites, c’est-à-dire l’appliquer.

Au final, que certains annoncent qu’ils signent et d’autres qu’ils ne signent pas ne change pas grand-chose au problème. Chacun se souvient de la déclaration de Sophie Binet au soir du 1er octobre annonçant comme « une victoire de la mobilisation » l’ouverture de ces pseudo-négociations, et il ne s’agissait pas d’un accident de parcours puisqu’elle a récidivé lorsque le gouvernement a annoncé la sous indexation des retraites au 1er janvier. Cela n’est rien d’autre qu’un partage des rôles, pour un même objectif.

Bien sûr, négocier fait partie des prérogatives des organisations syndicales, mais s’agit-il d’une libre discussion, comme cela a pu être le cas en d’autres temps, lorsque le cadre est fixé d’avance ? La vérité, c’est que toutes et tous ont accepté de discuter sur la base d’un cadrage gouvernemental qui n’est que l’application pure et simple de la réforme des retraites, avec les conséquences très graves qui en découlent pour les salariés.

Pourquoi une telle attitude ? Quel salarié, quel militant peut comprendre qu’il soit répété à chaque communiqué que l’on veut l’abrogation de la réforme des retraites et que la seule perspective ouverte soit de discuter de son application et de la mettre en œuvre par la signature d’accords ? Aucun ne peut être dupe, cela ne peut que leur apparaître comme ahurissant et incompréhensible. Ce sont les travailleurs qui subissent les conséquences de ces décisions alors que les patrons et le gouvernement à leur botte s’en réjouissent.

Les militants, engagés dans les mobilisations, dans la préparation de la grève, ne sont-ils pas en droit d’attendre de leurs dirigeants qu’ils jouent pleinement leur rôle de représentants des intérêts ouvriers, de qui ils tirent leur position, pour affronter le gouvernement ? Dans ce cas précis, ils sont fondés à estimer que le plus conforme serait qu’ils prennent la mesure des choses, qu’ils disent non et qu’ensemble dans l’unité ils refusent net leur signature. Ils sont les représentants de syndicats, donc d’une force considérable de centaines de milliers de travailleurs organisés qui sont parties constituante de la situation sociale actuelle et de la démocratie et ils font partie de ces millions qui n’acceptent pas les dérives anti-ouvrières, antisociales, antidémocratiques et répressives qu’on veut leur faire subir.

Le mieux serait qu’ils en tiennent compte et comprennent que ces centaines de milliers de syndicalistes sont très attachés, et avec raison, à leurs syndicats avec une exigence : défendre leurs intérêts matériels. Les tours de passe-passe, les contradictions n’ont qu’un temps. Sans compter que déception, dépit et colère peuvent être bonnes ou mauvaises conseillères.