Niger : « Nous sommes en train de payer le prix fort de la guerre en Ukraine »
Nous donnons la parole cette semaine à Ismailou Hammy Mahaman Raibou, secrétaire général de l'Union des étudiants de l'université André-Salifou de Zinder à propos de la situation dans son pays depuis la guerre en Ukraine.
- Guerre, International, Niger
La guerre en Ukraine fait rage depuis maintenant plusieurs mois et a entraîné une inflation qui touche tout le monde, en particulier les pays d’Afrique avec l’augmentation du prix du blé et des autres denrées alimentaires. Que peux-tu nous dire de ses conséquences et quel impact ont-elles aujourd’hui sur la population du Niger ?
Ismailou Hammy Mahaman Rabiou : La guerre en Ukraine a vraiment des conséquences très fâcheuses sur notre économie parce que nos pays sont trop dépendants de l’extérieur. Nous importons quasiment tout, et cette dépendance est aujourd’hui en train de peser très lourd. Il y a même cette difficulté d’accès à certaines denrées alimentaires, principalement le blé dont la provenance de l’Ukraine et de la Russie est très importante. C’est pourquoi le prix du pain a augmenté sur tout le territoire national. Il y a aussi la question des hydrocarbures.
Malgré le fait que nous soyons un pays producteur et exportateur de pétrole, il y a des difficultés. Le gazole à la pompe se fait rare. C’est très difficile d’avoir accès au pétrole, il y a une augmentation du prix du gazole à la pompe et l’accès au gaz fait défaut.
En ce qui concerne notre monnaie, nous utilisons le franc CFA. Et aujourd’hui, à cause de cette guerre, il y a eu cette inflation qui a un impact sur la conversion du dollar en euro, ce qui pèse sur nous, car normalement nous avons une parité fixe du franc CFA par rapport à l’euro. Mais, au début de cette guerre, cette parité n’a pas été fixe. Un euro a valu plus que ce qui avait été décidé en termes de parité entre l’euro et le franc CFA. Ce sont des actions orchestrées par les puissances étrangères, principalement la France à sa tête, pour que nos pays puissent endosser les conséquences économiques de cette guerre.
Tout ce que nous vivons comme un calvaire, nos autorités essaient de le faire endosser par la guerre en Ukraine. Sauf qu’il y a certaines difficultés qui ne dépendent pas directement de cette guerre.
Nos autorités essaient de se cacher derrière cette guerre pour pouvoir resserrer l’étau et pouvoir causer encore plus de difficultés à la population nigérienne. Nous ne sommes en aucun cas responsables de cette guerre, mais nous sommes aujourd’hui en train d’en payer le prix fort.
Le gouvernement nigérien a organisé, les 5 et 6 décembre à Paris, une table ronde sur le financement du Plan de développement économique et social (PDES) du Niger. L’objectif : attirer des investisseurs privés nigériens, mais surtout étrangers. Que penses-tu de ce projet et du fait qu’une telle réunion se tienne aujourd’hui à Paris et non à Niamey ?
Je pense que tout ça montre le degré de notre dépendance aux puissances étrangères. Malheureusement, sur ça aussi, nous sommes dépendants. On n’arrive pas à avoir le courage de financer notre propre budget.
Imaginez : depuis des années, plus de 50 % de notre budget national est financé par l’extérieur. Et tous ces financements viennent avec leurs exigences. Ils viennent avec des diktats auxquels nos dirigeants n’arrivent pas à avoir la bravoure de résister.
Aujourd’hui, les multinationales, principalement françaises, sont en train d’opérer paisiblement dans notre pays, notamment grâce au franc CFA. Elles sont en réalité en train de fragiliser notre économie.
Ces puissances n’arrivent pas à nous laisser tranquilles pour que l’on puisse implanter nos propres industries et entreprises pour faire tourner notre économie. Ces multinationales sont en train d’exploiter notre peuple. Il y a même des pactes entre celles-ci et nos différents Etats. Tous nos marchés leur sont offerts, parfois sans même passer par des appels d’offres. Elles sont dans tous les secteurs et produisent un véritable massacre économique.
C’est pourquoi la question du franc CFA est une véritable domination. Il y a aujourd’hui la question de la monnaie Eco qui est tout simplement le « franc CFA bis » concocté de toutes pièces par Emmanuel Macron.
La monnaie, c’est le cœur de l’économie. Tant que notre monnaie ne nous appartient pas, c’est tout à fait logique que nous ne puissions pas assurer un décollage économique de nos différents pays.