La plainte de l’Afrique du Sud contre Israël auditionnée le 11 janvier

L’Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice. Elle accuse Israël de génocide envers le peuple palestinien. Nous publions des extraites de la déclaration finale de l’avocate irlandaise Blinne Ni Ghralaigh.

Une délégation palestinienne s’adresse à la presse aux côté de la délégation sud-africaine devant la CIJ après la première journée d’audience, le 11 janvier à La Haye (Photo AFP).
Par Hélène Boussel
Publié le 21 janvier 2024
Temps de lecture : 3 minutes

L’Afrique du Sud – soutenue par la Bolivie, la Turquie, la Malaisie, la Jordanie et l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui compte 57 membres dont l’Arabie saoudite, l’Iran et le Maroc – a saisi la Cour internationale de justice (CIJ), le 29 décembre, d’une requête contre Israël qu’elle accuse de se livrer à un génocide dans la bande de Gaza. Chaque partie a été invitée à présenter son plaidoyer devant la haute juridiction onusienne basée à La Haye.

L’audience du 11 janvier, dédiée aux arguments de Pretoria, et celle du 12 janvier consacrée à la défense de Tel-Aviv, sont une première étape d’une longue procédure.

C’est l’avocate Adila Hassim, principale représentante de Pretoria à La Haye – aux côtés de ses collègues Tembeka Ngcukaitobi, Max du Plessis, John Dugard, Vaughan Lowe et Blinne Ní Ghrálaigh – qui a inauguré les trois heures de plaidoiries. Les dix-sept juges vont devoir se prononcer sur la requête de l’Afrique du Sud qui exige d’Israël de surseoir aux opérations militaires, de « cesser de tuer, d’occasionner des blessures mentales et physiques aux Gazaouis et de les mettre dans des conditions de vie extrêmement précaire pouvant conduire à l’anéantissement physique ».

La Cour aura ensuite à examiner, avant de statuer, sur la question de génocide à partir des éléments avancés par l’une et l’autre des parties. La Cour va donc devoir se prononcer rapidement sur les mesures conservatoires demandées par l’Afrique du Sud. La Cour n’a néanmoins pas les moyens de faire exécuter les mesures conservatoires qu’elle pourrait, éventuellement, édicter. Par ailleurs, l’Afrique du Sud, le 17 novembre dernier, avec le soutien de la Bolivie, du Bangladesh, des Comores et de Djibouti, a également déposé une autre requête auprès du procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Toujours à propos de la situation en Palestine.

« Chaque jour… »

Déclaration finale de l’avocate irlandaise Blinne Ni Ghralaigh (extraits)

« Sur la base des chiffres actuels, en moyenne deux cent quarante-sept Palestiniens sont tués et risquent d’être tués chaque jour, beaucoup d’entre eux étant littéralement réduits en miettes. Cela fait quarante-huit mères chaque jour, deux toutes les heures et plus de cent dix-sept enfants chaque jour, l’Unicef qualifiant les actions d’Israël de guerre contre les enfants. Au rythme actuel, qui ne montre aucun signe de ralentissement, chaque jour, plus de trois médecins, deux enseignants, plus d’un employé de l’Onu et plus d’un journaliste seront tués, dont beaucoup à leur travail ou dans ce qui semble être des attaques ciblées contre leurs maisons familiales ou là où ils sont hébergés. Le risque de famine augmentera de jour en jour. Chaque jour, en moyenne, cent vingt-neuf personnes seront blessées, certaines à plusieurs reprises alors qu’elles se déplacent d’un endroit à l’autre à la recherche désespérée d’un refuge.

Chaque jour, plus de dix enfants palestiniens seront amputés d’une ou des deux jambes, beaucoup sans anesthésie.  

Chaque jour, au rythme actuel, une moyenne de 3 900 maisons palestiniennes seront endommagées ou détruites, davantage de fosses communes seront creusées, davantage de cimetières seront rasés au bulldozer et bombardés, privant même les morts de toute dignité et de paix. Chaque jour, des ambulances, des hôpitaux et des médecins continueront d’être attaqués et tués. Les secouristes qui ont passé trois mois sans aide internationale à tenter de sortir des familles des décombres à mains nues continueront d’être pris pour cible. Selon les chiffres actuels, l’un d’entre eux sera tué presque tous les deux jours, parfois dans des attaques lancées contre ceux qui se rendent sur les lieux pour secourir les blessés. Chaque jour, de nouvelles personnes désespérées seront forcées de quitter l’endroit où elles s’abritent ou seront bombardées dans des endroits où on leur a dit d’évacuer. Des familles sur plusieurs générations entières seront anéanties. Pourtant, d’autres enfants palestiniens deviendront WCNSF (acronyme pour « Wounded Child No Surviving Family »*). Le terrible nouvel acronyme né de l’agression génocidaire d’Israël contre la population palestinienne de Gaza. »

Blinne Ni Ghrálaigh a montré deux photos d’un tableau dans un hôpital de Gaza. La première montrait un message écrit par un médecin : « Nous avons fait ce que nous pouvions. Souvenez-vous de nous. »

La deuxième photo était celle du même tableau blanc après une frappe israélienne sur l’hôpital le 21 novembre – qui a tué l’auteur du message. Le tableau était complètement effacé.

*Enfant blessé de famille sans survivant, Ndlr.