Le gouvernement entre en guerre… contre les chômeurs et les malades

Le président Macron s’est vanté, dans son interview télévisée jeudi 14 mars, d’avoir doublé le budget d’armement. Quelques jours plus tard, son ministre de l’Economie se déchaîne dans Le Journal du Dimanche.

E. Macron, G. Attal et B. Le Maire, le 12 mars, à Paris. (AFP)
Par Nicole Bernard
Publié le 23 mars 2024
Temps de lecture : 3 minutes

Nul doute que les enseignants, les parents, les médecins, les personnels de santé, les agents publics ont apprécié !

« Il faut en finir avec l’Etat-providence » , assène Bruno Le Maire. Quel Etat-providence ? Réforme de l’assurance chômage, doublement des franchises médicales, étranglement de l’école publique, réforme réduisant les retraites, etc. En un an, des milliards ont été prélevés sur les services publics et les dépenses sociales.

Et Bruno Le Maire d’éructer : « Beaucoup de nos compatriotes comprennent très bien que nous dépensons trop, sans faire des choix, parfois pour des personnes qui ne le méritent pas ou pour rien ». Pour des personnes qui ne le méritent pas ? Et quelles sont-elles donc ? Les chômeurs, car « La France a une durée d’indemnisation parmi les plus généreuses d’Europe ».

Les personnes en affection de longue durée (ALD), car elles sont trop nombreuses : « Le coût de la prise en charge de ces affections représente désormais 120 milliards soit la moitié de la totalité des dépenses de soins ». 120 milliards pour 12 millions de malades ? Rappelons que les seules entreprises du CAC 40 ont versé 100 milliards à leurs actionnaires pour la seule année 2023 !

On a compris que Bruno Le Maire en a assez ! Assez d’un système « intenable ». Car si « nous voulons faire des urgences à l’hôpital une priorité » , alors « renonçons à d’autres dépenses moins prioritaires » , dit-il.

Ce n’est que le premier acte

Enfin, renonçons à toutes les dépenses autres que les profits puisque, après que le gouvernement a fixé un objectif de 10 milliards d’économies en 2024, de 20 milliards en 2025, la Cour des comptes fixe 50 milliards d’économies entre 2025 et 2027.

Oui, le gouvernement est entré en guerre. En guerre contre son peuple, contre sa jeunesse pour le seul avantage des profits capitalistes. En guerre contre le « modèle social » conquis en 1945 dont le but est « la gratuité de tout, pour tous, tout le temps » .

Dans le viseur, les malades de longue durée

Les malades atteints d’affection de longue durée sont la première cible du gouvernement. Précisons qu’ils sont, d’ores et déjà, les premiers frappés par le doublement des franchises qui va intervenir dès la fin du mois.

Mais ce n’est que le premier acte. Le gouvernement, nous dit-on, voudrait que la prise en charge à 100 % ne concerne que la maladie pour laquelle le malade est à 100 %. Mais c’est déjà le cas. Depuis 1986, le médecin doit distinguer, sur son ordonnance, les médicaments visant l’affection prise en charge à 100 % des autres. Comme si le malade était un meuble à tiroirs.

Le gouvernement pourrait, lit-on, revoir la liste des maladies qui entraînent une prise en charge à 100 %, en fonction de quels critères ? Il pourrait, lit-on également, moduler la prise en charge selon les ressources du malade ce qui est, exactement, l’inverse de la logique de la Sécurité sociale pour laquelle ne compte que l’état de santé du patient.

Comme le disent 25 associations de malades chroniques : « Les critères médicaux d’entrée en affection de longue durée constituent pour nous, patients, une ligne rouge. »

Parmi les mensonges de Bruno Le Maire

Le ministre Bruno Le Maire a trouvé un argument massue pour en finir avec le modèle de 1945. « Quand il a été fondé en 1945 notre modèle avait peu de prestations et beaucoup de cotisants. Près de quatre-vingts ans plus tard, il a beaucoup de prestations et moins de cotisants », dit-il au Journal du Dimanche.

C’est du grand n’importe quoi ! Beaucoup de cotisants en 1945 ? Il y avait beaucoup moins de cotisants, puisque les femmes étaient beaucoup moins nombreuses à travailler. Par ailleurs, les retraités, les invalides ne cotisaient pas (et à juste titre).

Peu de prestations ? Ambroise Croizat, ministre de la Sécurité sociale et du Travail, expliquait dans un discours à l’Assemblée nationale en août 1946 : « Un assuré tombant malade et devant subir l’opération de l’appendicite devait, dans le régime ancien, débourser 5 980 F et on lui en remboursait 3 540 F, c’est-à-dire qu’il devait, tout en versant des cotisations, payer de sa poche, 2 440 F.

Aujourd’hui, un assuré identique, atteint de la même maladie rendant nécessaire la même opération, la dépense résultant des soins et de l’opération coûte 9 110,00 F La caisse lui rembourse 8 978 F ce qui revient à dire que, depuis l’instauration de la Sécurité sociale, alors que la participation de l’assuré aux frais était dans le régime ancien de 40 %, elle est aujourd’hui ramenée à 1,5 % »

En revanche, beaucoup moins de cotisants versaient beaucoup plus de cotisations puisqu’en 1951, la cotisation patronale allocation familiale était de 16,75 % du salaire contre 3,7 % aujourd’hui !

Intervention reproduite dans Les Cahiers du Cermtri, n° 169.