« En toutes circonstances, appuyer l’abrogation de la réforme des retraites »
LA PAROLE À ALAIN ROQUES, SYNDICALISTE : « En toutes circonstances, il nous faut, nous, syndicalistes, appuyer l’abrogation de la réforme des retraites, car en dernière analyse, c’est un point d’appui pour la lutte des classes et pour les travailleurs. »
- Actualité politique et sociale, Retraites
Dans les différentes instances nationales CGT auxquelles j’ai récemment participé, beaucoup de camarades se sont ouvertement interrogés sur la stratégie mise en œuvre par la direction confédérale face au gouvernement Macron-Barnier. En particulier, personne n’a compris comment notre confédération avait pu sortir après le 1er octobre un communiqué intitulé « La mobilisation paie » en présentant comme des « reculs » l’avancée de deux mois de la hausse déjà prévue du Smic et l’arrêt annoncé de la réforme scélérate de l’assurance chômage, dont on sait malheureusement qu’elle est toujours dans les tuyaux sous d’autres formes.
Comme si on devait légitimer l’existence du gouvernement Barnier, alors qu’il résulte du « hold-up macronien » des résultats des législatives et n’existe qu’avec le soutien tacite du Rassemblement national (RN).
Cela a d’ailleurs amené dans ces instances à discuter plus avant les relations entre la CGT et le Nouveau Front populaire (NFP). Pour ma part, j’ai estimé qu’après avoir appuyé à juste titre le vote pour le NFP aux législatives, on ne pouvait pas retourner dans une séparation entre CGT et NFP, matérialisée au travers du 7 septembre et du 1er octobre, et que, pour faire tomber le gouvernement et toute leur politique réactionnaire, c’était bien l’action unie entre mouvement syndical et NFP qui était nécessaire. Cette position a été reprise par beaucoup dans la CGT.
Les échéances à venir
Ces questions se traduisent concrètement sur le dossier des retraites. Face aux questions légitimement posées à la lecture du communiqué interconfédéral parlant de « suspension pour obtenir l’abrogation » de la réforme, la confédération a bien fait de publier une note aux organisations intitulée « Obtenons l’abrogation de la réforme des retraites 2023 ! ». Cela permet aussi de resituer le calendrier des différentes échéances et de voir clair sur le contenu de chacun des projets ou propositions de loi inscrits à l’agenda.
De ce point de vue, l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) représente la première échéance dans le calendrier. Je pense que nous avons raison de tenter toutes les démarches et recours pour porter la voix de l’abrogation à cette occasion, en commission et en plénière de l’Assemblée Nationale. Néanmoins, et comme le rappelle la note aux organisations, « il s’agit d’un vote non contraignant pour le gouvernement »…
Ensuite, dans l’agenda, il y a la proposition de projet de loi (PPL) du RN qui sera examiné à l’Assemblée nationale, le 31 octobre. Comme l’écrit la note : « Cette PPL abroge la réforme des retraites et revient sur la réforme Touraine mais ne propose comme mesure de financement que l’augmentation des taxes sur le tabac, étant donné que le RN est opposé aux cotisations sociales. ». Ceci est parfaitement vrai. D’ailleurs, comme l’a dénoncé Sophie Binet dans une récente interview, le RN relève d’une véritable « imposture sociale », sur cette question comme sur toutes les autres.
Qu’est-ce qui importe : les « tactiques de communication du RN » ou l’abrogation de la réforme des retraites ?
Je comprends bien qu’il s’agit, comme l’écrit la note, d’une « tactique de communication du RN ». C’est tout à fait vrai, même s’il n’y a pas que cet aspect. Le RN, lui aussi, subit la pression de son électorat, qui veut majoritairement l’abrogation. Pour continuer à maintenir l’illusion que le RN serait dans l’opposition, il ne peut pas ne pas « coller » à cet état d’esprit. C’est en ce sens que c’est effectivement un piège venant d’une extrême droite qui a été absente du mouvement contre la réforme des retraites et qui vient de refuser de voter la censure du gouvernement Barnier qui met en œuvre cette réforme !
Mais qu’est-ce qui importe aux millions de travailleurs de ce pays qui ont fait grève et manifesté en 2023 pour le retrait de la réforme ? Les « tactiques de communication du RN » ou l’abrogation de la réforme des retraites ? Ce qui nous remonte des camarades dans les syndicats, c’est que cette réforme doit être abrogée, et le plus tôt sera le mieux, en particulier pour celles et ceux qui sont confrontés immédiatement au décalage de l’âge de départ.
Peu importe qui le propose. C’est ça la priorité. D’ailleurs en 2005, ce n’est pas parce que le FN se prononçait aussi contre la Constitution européenne que la CGT n’avait pas appelé à voter contre celle-ci.
Il y a d’ailleurs un argument qui est repris dans la note aux orgas que je ne comprends pas : « Même si elle était votée, cette PPL ne pourrait jamais être définitivement adoptée étant donné que le RN n’a pas de groupe au Sénat. ». Certes, le RN n’a pas de groupe au Sénat ; mais les organisations du NFP, pour lesquelles nous avons appelé à juste titre à soutenir le programme dans la récente période ; elles, elles n’en ont pas ? Pourquoi, à partir du moment où il s’agit d’abroger la réforme des retraites et de revenir sur la réforme Touraine, les groupes du NFP ne pourraient-ils pas reprendre la PPL au Sénat ?
Une chose est certaine
Enfin, dans l’agenda, il y a la PPL de La France insoumise (LFI), au nom des quatre groupes du NFP, qui sera examinée le 28 novembre au Palais Bourbon. Il est écrit à ce sujet : « Au vu des rapports de force, cette PPL a toutes les chances d’être adoptée par l’Assemblée ce qui serait une victoire politique importante. » Parfaitement juste. Mais il y a un petit problème : ce serait une victoire politique importante, à condition que… le RN la vote ! Là encore, je ne comprends pas : dans un cas, ce serait impossible de voter l’abrogation avec le RN, et dans un autre, ce serait possible de s’appuyer sur leurs voix ?
La réalité, c’est que nos syndiqués et plus largement les travailleurs n’ont que faire de ces calculs politiques. Ce qu’ils veulent par-dessus tout, c’est l’abrogation. Pour ma part, une chose est certaine : en toutes circonstances, il nous faut, nous, syndicalistes, appuyer l’abrogation de la réforme des retraites, car en dernière analyse, c’est un point d’appui pour la lutte des classes et pour les travailleurs.