« Dégagez tous ! Toutes les institutions sont responsables de la catastrophe, y compris la monarchie »

En Espagne, après les crues dévastatrices et meurtrières dans la région de Valence, des dizaines d’organisations citoyennes appellent à une manifestation pour la démission du chef du gouvernement de Valence, samedi 9 novembre. Déclaration de "Información Obrera" (5 novembre).

Face à la catastrophe, seul le peuple vient au secours des sinistrés (photo AFP).
Par Información Obrera
Publié le 7 novembre 2024
Temps de lecture : 5 minutes

Información Obrera est l’hebdomadaire du Posi (Parti ouvrier socialiste internationaliste), section de la IVe Internationale dans l’État espagnol.

« Dimanche 3 novembre, le roi, flanqué de Carlos Mazón1Carlos Mazón : président du gouvernement régional de Valence., Pedro Sánchez2Pedro Sanchez : Premier ministre socialiste. et entouré d’un dispositif considérable de la Garde civile et de la Police nationale, avait l’intention d’entrer dans Paiporta, la ville au plus grand nombre de morts, la plus dévastée par l’incompétence et l’apathie des autorités. La monarchie a imposé qu’ils aillent tous les trois ensemble se faire prendre en photo afin de mettre en scène l’unité des institutions de l’État, feindre qu’elle se souciait de la situation des victimes et prononcer un de leurs discours pleins de lieux communs vides de contenu.

Ils furent accueillis par les habitants qui criaient “assassins, assassins !”, au point qu’ils durent partir, chassés de la ville aux cris de “dehors, dehors !” 

C’était la réponse de tout un peuple abandonné à son sort par les gouvernements, celui de la région en premier lieu – un abandon criminel de toute évidence – également par le gouvernement central, tout un peuple qui se rebellait contre toutes les institutions, y compris la monarchie, d’un régime pourri qui ne se soucie absolument pas du sort des citoyennes et citoyens. “Nous voulons nettoyer, partez, partez”, “si vous voulez venir, prenez une pelle, mais ne gênez pas”, disaient-ils.

Les autorités ne s’attendaient pas à ce que l’indignation face à la destruction du village et de ses moyens de subsistance se retourne ainsi contre elles, avec une telle virulence ; elles espéraient pouvoir apaiser la rage et l’indignation par leur présence, avec de bonnes paroles de consolation et quelques promesses. Mais les gens veulent que les responsables de la catastrophe paient pour cette tragédie.

Chaos et reconstruction

Celui qui exaspéra les esprits, ce fut le roi et les siens (et derrière et avec eux, les gouvernements qui s’y subordonnent et ne font rien pour atténuer la catastrophe dont ils sont tous responsables). Cinq jours sans la présence d’aucune autorité, sans aucune brigade de nettoyage envoyée par une quelconque institution, laissant seuls les gens et les milliers de bénévoles qui nettoyaient, organisés comme ils le pouvaient.

Et ce matin-là, quelques heures avant l’arrivée du cortège royal, l’armée apparaît dans la ville, comme s’il s’agissait d’une unité militaire d’occupation.

Elle nettoie les rues dont il était prévu que le roi devait les emprunter pour s’y promener et repartir aussitôt ; la route est coupée afin d’empêcher qu’arrivent les secours, les volontaires, les tracteurs. L’extrême parasitisme.

On peut comprendre la réponse des habitants de Paiporta et des bénévoles : le cortège de Felipe VI, Mazón et Sánchez ne méritait rien d’autre, la provocation a eu sa juste réponse. Personne ne dit qu’il n’a pas pu y avoir quelques fascistes. Mais les seuls fascistes clairement identifiés pour l’instant sont les jeunes qui ont franchi le cordon de police avec sa complicité pour parler au roi, permettant ainsi à ce dernier de donner une image de dialogue. Image reproduite dans tous les médias.

Ils ont été obligés de fuir et se réfugier au centre d’urgence de L’Eliana. C’est là que s’est réuni le Centre de coordination opérationnelle intégrée (Cecopi) de la Généralité de Valence sous la présidence du roi. Quelques heures plus tard, Pedro Sánchez comparut pour déclarer que le gouvernement “ne va pas s’écarter de ses objectifs de sauver des vies et de récupérer les corps”, sans donner de chiffre approximatif du nombre de morts attendus ; il a accusé des “petits groupes marginaux” de l’agression et a déclaré qu’“il n’y aura pas de limites à la reconstruction”. Le roi a appelé une fois de plus à l’union nationale et à l’intervention de “l’État tout entier” pour pallier la catastrophe.

Aujourd’hui, tous évitent d’affronter les victimes, ils disent “comprendre leur indignation”, les médias magnifient la figure du roi. La peur d’une explosion sociale les secoue.

Le Cecopi (Centre de Coordination Opérative Intégrée)

Face à la marée citoyenne venue dans les zones dévastées pour apporter son aide face à la passivité des institutions, le 1er novembre (trois jours après la catastrophe), le Cecopi s’est réuni, avec la participation du ministre de l’Intérieur et sous la présidence de Mazón.

À l’issue de la réunion, le président de la Généralité s’est adressé à la population pour demander aux volontaires de rester chez eux et d’agir sous les ordres des organes officiels, qu’il présidait, lui.

Tous, gouvernements central et régional furent d’accord sur “la nécessité de ralentir le mouvement de volontaires”.

Enfin, Mazón a demandé au gouvernement d’envoyer plus de policiers et plus d’unités militaires. Il est clair que la visite royale était à l’ordre du jour de la session.

Le plus probable est que la réunion n’était pas centrée sur la question de l’aide à apporter à la population… Il s’agissait plutôt, par peur de la réponse citoyenne, d’essayer de démobiliser la masse des jeunes et des travailleurs chargés d’eau et de nourriture, bidons d’eau de puits et pelle à la main, pour nettoyer et aider les habitants de La Torre, Paiporta et autres communes dévastées, par peur de la réponse citoyenne.

Dans le même temps, Mazón refusait les pompiers et les unités d’urgence qui lui sont envoyés de Catalogne et de Navarre, du Pays basque et d’Andalousie.

Les dizaines de personnes coincées dans des voitures entassées par les courants d’eau débordants, les malades chroniques qui ne pouvaient pas recevoir le traitement d’urgence dont ils avaient besoin pouvaient attendre. Que lui importent leurs vies !

Comment peut-on dire de cet État, incarné en ces moments par le Cecopi, qu’il a quelque chose à voir avec la démocratie ? Il s’agit de la monarchie, de son gouvernement et de ses autonomies, d’un État parasitaire et corrompu. Le quotidien ABC du 4 novembre parle d’ “un signe de lassitude de l’État, incapable de remplir sa mission” ; nous, nous disons que c’est la faillite du régime monarchique issu des pactes de transition.

La faillite du régime est réelle, il peut encore tenir un certain temps, plus ou moins longtemps, selon le soutien que les directions des partis qui se disent ouvriers, socialistes ou communistes, seront capables de lui donner.

Mais les travailleurs et les habitants de Paiporta ont exprimé le sentiment général. Dehors ! Tous !

Le peuple cherche à s’exprimer

Ce samedi 9 novembre, des dizaines d’organisations citoyennes appellent à une manifestation pour la démission de Mazón, afin que soit assumée la responsabilité de la catastrophe. Información Obrera et le Comité pour l’alliance des travailleurs et des peuples (CATP) ont engagé toutes leurs forces pour la soutenir.

Cette manifestation est la première occasion pour la jeunesse, la classe ouvrière et le peuple valencien d’exprimer leur indignation, de s’unir massivement autour d’un mot d’ordre de rupture avec les appels à l’union nationale qui est la seule chose qu’envisagent les institutions. Le peuple sait bien qui sont les responsables et veut qu’ils paient pour les morts et les vies dont ils ont misérablement et irresponsablement tranché l’avenir.

Les étudiants ont obtenu la fermeture des salles de cours lundi 4 pour aller aider les victimes.

Mais il est essentiel que le mouvement ouvrier élève la voix ; qu’attendent les syndicats pour se mobiliser avec tous leurs moyens, pour occuper les rues et venir massivement en aide aux habitants des villages dévastés ?

Mazón démission ! Qu’ils s’en aillent tous ! République !