« Annulation des fermetures de classes ! De l’argent pour l’école, pas pour la guerre ! »

Le 2 avril, 200 enseignants, parents et élus se sont rassemblés devant le ministère de l'Education nationale à l'appel du Comité national de liaison des départements.

Devant le ministère de l'Education nationale, le 2 avril (photo LFI)
Par Rosalie Albani
Publié le 4 avril 2025
Temps de lecture : 6 minutes

Ce 2 avril, des comités et délégations de personnels, de parents d’élèves et d’élus sont venus du Var, du Tarn, de l’Yonne, de Côte-d’Or, de Haute-Garonne, de Gironde, de Charente-Maritime, d’Indre-et-Loire, des Landes, de Saône-et-Loire, de Haute-Loire, du Rhône, du Maine-et-Loire, de région parisienne… Les députés LFI Éric Coquerel, Jérôme Legavre, Thomas Portes, Abdelkader Lahmar et Idir Boumertit étaient présents pour soutenir la mobilisation.

A quelques encablures du ministère, plusieurs prises de paroles des délégations se sont succédé.

Lucas Romain, syndicaliste FO et représentant du comité de l’Yonne pour la défense de l’Ecole a indiqué que la mobilisation continuait, notamment dans les collèges du département. Mardi 1er avril, « trois d’entre eux se sont fortement mobilisés, avec des opérations collèges morts qui ont été suivies de façon particulièrement importante contre les baisses de dotations. Au collège Denfert-Rochereau à Auxerre, à Saint-Georges-sur-Baulche et à Villeneuve-la-Guyard où aucun enfant n’était présent. Des actions ont encore été menées dans des écoles, l’une d’entre elles était fermée avec 100 % de grévistes enseignants et Atsem, à Joigny… »

L’Yonne, c’est un peu de là d’où est partie la mobilisation contre les fermetures de classes et où les parents et enseignants mobilisés s’étaient constitués en comité. « La mobilisation réunissant parents et enseignants dans des comités, telle que nous l’avons faite, a fait des émules. Et dans le département ce sont également des établissements de santé qui, sur le modèle de la méthode mise en place, ont décidé d’agir et de se mobiliser.

« Ainsi, du fait de l’annonce par le conseil départemental et l’ARS, de la fermeture prochaine de l’Ehpad de Coulanges-sur-Yonne, les personnels avec leur syndicat, les usagers et leurs familles et les élus ont engagé le rapport de force : ils étaient plus de 1 000 dans ce petit village à se rassembler contre la fermeture de l’Ehpad, et encore ce matin même devant le conseil départemental. Le comité de défense des écoles de l’Yonne y était présent y et est intervenu pour proposer de coordonner nos actions, de créer les liens entre leur mobilisation et la nôtre. »

Une responsable de la FCPE 93 est également présente : « En Seine-Saint-Denis, nous avons déjà vu des promesses vides et des discours de façade. Nous avons passé six mois en 2024 à nous mobiliser, à nous battre pour un plan d’urgence pour l’éducation 93. Six mois de lutte, de réunions, de manifestations, entre parents, enseignants, et élus pour réclamer plus de moyens, plus de personnels, et surtout des conditions d’apprentissage dignes de ce nom. Et qu’avons-nous récolté ? Le silence, l’indifférence et un système qui continue de se dégrader. Nous n’avons pas été entendus, et aujourd’hui encore, les conditions de scolarisation dans notre département sont dans un état catastrophique. Et maintenant, que nous propose-t-on ? 105 fermetures de classes en Seine-Saint-Denis (…).

« Nous avons participé à la visio du comité national. Nous y avons entendu tous les témoignages qui rendent compte de la même situation partout. C’est ça qui nous a convaincus de nous mobiliser ensemble. Être réuni ici devant le Ministère avec tous les départements, c’est montrer que c’est le moment de converger, de nous unir, de nous lever contre cette politique éducative qui détruit l’avenir de nos enfants. »

« Plus nous serons nombreux à dire non, plus nous aurons de chances de renverser cette logique d’appauvrissement des services publics. ».

Eric Coquerel, député LFI et président de la commission de l’Assemblée nationale a expliqué que les milliers de suppressions de classes étaient « la conséquence directe de choix budgétaires. Les budgets 2024 et 2025 sont faits pour servir les plus riches ».

Deux enseignants du Var étaient présents, mandatés par un tout jeune comité départemental constitué le 26 mars dernier à l’issue d’un dernier rassemblement initié par des parents et personnels soutenus par FO, Snes FSU et Snalc du collège des Pins-d’Alep, suite à leur grève massive du 18 mars exigeant le rétablissement d’une classe par niveau d’enseignement. « Ce rassemblement a regroupé une cinquantaine de parents et personnels de 3 écoles, 2 lycées et 12 collèges du Var, devant l’inspection académique, le jour où se tenait une instance qui entérinait les suppressions de postes dans le second degré pour la rentrée 2025. »

Amandine, enseignante dans le Tarn-et-Garonne, intervient au nom du comité départemental : « Verdalle était en grève hier. Vendredi ce sera l’école de la Pause à Castres qui sera à son tour en grève et qui organise une manifestation jusqu’à l’inspection, manifestation qui va voir grossir son rang de la présence de parents d’élèves de l’école de Marie Curie à Labruguière. Ces 3 écoles font partie du comité départemental et suivent de près ce qui se passe sur le fil du comité de liaison.

« C’est ce qui les booste, c’est ce qui les remotive ! Ce que nous constatons c’est que le fait d’étaler partout les revendications, sur des banderoles, sur des pancartes, sur des ronds-points, sur des tracts suscite l’intérêt des autres parents, mais aussi du petit commerçant du coin, de l’automobiliste… Ce que nous constatons c’est que lorsque nous prenons le temps d’expliquer ce qui se trame dans l’Education nationale, nous sommes compris, nous sommes entendus et nous sommes soutenus ! (…) Continuons à nous réunir et à décider des suites de ce mouvement ! Nous n’avons pas d’autres choix ! Ces postes, c’est notre argent ! Notre argent pour nos enfants, pas pour la guerre ! »

Un directeur d’école de Paris, coresponsable du collectif des directeurs, rappelle qu’il était présent à l’audience suite au premier rassemblement au ministère du 15 mars dernier. Le lendemain, la ministre annonçait « un recul sur les décharges et la mise en place d’un moratoire. C’est un recul très important qui doit nous encourager à poursuivre pour l’abandon des fermetures de classe. »

Des enseignants et des parents de Toulouse ont rendu compte de la manifestation de la veille qui s’est terminée devant le rectorat avant de rejoindre la manifestation des personnels de l’action sociale en grève le 1er avril. Depuis le début de la mobilisation, 53 fermetures ont été annulées. De nouvelles mobilisations sont prévues les 4 et 9 avril.

Hanane, parent d’élève : « Notre collectif s’est constitué il y a un an contre la carte scolaire. On a commencé avec 3 écoles. Maintenant nous sommes 37 ! A l’époque je disais : il faut viser le national. On y est aujourd’hui ! Les mobilisations isolées, ça ne marche pas, il faut se mobiliser et être coordonné à l’échelle nationale. »

Blandine, mère d’élève, du comité de Haute-Loire est intervenue sur les mobilisations contre la destruction des services publics dans son département : contre les fermetures de classes, contre la fermeture du centre périnatal de Brioude ou du CADA de Saint-Beauzire… : « Tout le monde se soulève dans le département et toutes les manifestations organisées touchent toutes les classes d’âge et toutes les catégories socio professionnelles. On est là aujourd’hui pour vous dire qu’il y a une révolte qui court dans la population et qui touche tout le monde ! Personne n’est d’accord pour qu’on continue de détruire notre pays comme ça. »

Sébastien, pour la délégation d’Indre-et-Loire : « Il n’y a jamais d’aussi fortes mobilisations à Tours et dans le département. Depuis des semaines, blocages, occupations et rassemblement se succèdent. »

Jérôme Legavre, député LFI de Seine-Saint-Denis, apporte son soutien à tous ceux qui se mobilisent. Il revient sur le puissant mouvement de grève de l’an dernier dans son département mené par les parents et les enseignants pour les moyens et contre le choc des savoirs. « Quelles leçons tirer de cette mobilisation ? A quelles difficultés les parents et les enseignants se sont heurtés ? Pas à un manque de détermination ou de mobilisation. Ils se sont heurtés à des obstacles qui ont fait que cette mobilisation est restée trop circonscrite au seul département de la Seine-Saint-Denis.

« Vous avez mille fois raisons aujourd’hui de dire que tous les problèmes sont posés de la même manière quel que soit le département dans lequel on est. Parce que ce gouvernement qui a fait passer un budget qui inclut plus de 400 milliards pour l’Armée. Pour cela, il ne cesse de couper dans les autres budgets parce qu’ils n’en ont rien à faire de l’Ecole, comme de l’hôpital public. »

« Ils ont décidé de sacrifier la jeunesse de ce pays. Ils ont décidé de détruire son avenir. Vous avez mille fois raisons de vous organiser comme vous le faites, dans vos comités réunissant les personnels, leurs organisations syndicales, les parents d’élèves pour ne pas lâcher ceux qui décident et qui vont ont traité avec le plus grand des mépris en ne vous recevant pas. »

La fédération FO de l’Enseignement (Fnec FP FO), par la voix de son secrétaire général Clément Poullet, a salué les manifestants présents : « Je peux vous dire que vous avez commencé à les inquiéter parce qu’ils ne s’attendaient pas à recevoir dans les murs du ministère, il y a quinze jours, des délégations de comités réunissant des parents et des profs. Ça les a rendus un peu fébriles… C’est peut-être pour cela qu’ils n’ont pas eu le courage de recevoir de délégations aujourd’hui… mais nous avons obtenu une audience dans les prochains jours. Nous allons la préparer avec le comité.

Au niveau national, nous allons relancer les autres syndicats pour leur proposer à nouveau, d’organiser ensemble l’action commune pour l’annulation de toutes les fermetures de classes, en posant la question du blocage, de la grève pour gagner ! Mais on ne va pas les attendre pour continuer à nous organiser, à amplifier ce mouvement. C’est vous, parents, personnels, la force d’entraînement ! Continuez à vous réunir, à constituer des comités départementaux, à faire grossir ce mouvement du refus et discutez partout pour poser la question du blocage ! Participez aux manifestations du 1er mai contre la guerre sociale et contre l’économie de guerre ! N’hésitez pas à chercher la jonction avec les autres secteurs en bagarre comme on a pu le voir hier avec les salariés du médico-social massivement en grève, avec les hospitaliers, les territoriaux, avec la population qui défend ses services publics. »

Lucas Romain, du comité de l’Yonne, a clôturé les prises de paroles en invitant tous les comités qui ne l’auraient pas encore fait à rejoindre le comité de liaison national et a informé qu’une prochaine réunion en vision serait organisée après l’audience, a priori fin avril. « On continue à se mobiliser, à pousser, à s’organiser partout où on peut. On lâche rien ».