Reniements

Des millions se sont mobilisés pour exiger l’abrogation de la réforme des retraites. Les manœuvres, les mensonges, les reniements d’Olivier Faure, Fabien Roussel, Raphaël Glucksmann… les feront-ils renoncer ? Rien n’est moins probable face à un régime décomposé et en faillite.

À Paris, le 18 septembre (photo AFP).
Par la rédaction d’IO
Publié le 22 octobre 2025
Temps de lecture : 4 minutes

Il a manqué seize voix. La lucidité oblige à reconnaître que cette motion de censure a été d’abord et avant tout rejetée par une trahison pure et simple de la quasi-totalité des députés du groupe PS.

Élus sur un mandat on ne peut plus clair d’abrogation de la réforme des retraites et du combat contre Macron, ils ont abandonné l’abrogation et soutenu Macron.

De ce fait, cette non-censure, parfaitement légale du point de vue des institutions antidémocratiques de la Ve République, est illégitime et antidémocratique. Elle est obtenue par un vote de députés qui en toute conscience ont rompu le mandat sur lequel ils avaient été élus. Ce qui n’est pas seulement moralement condamnable. Faire l’inverse de ce pour quoi on a été élu est l’inverse de la démocratie.

Le spectacle des députés du PS applaudissant follement Macron et son nouveau gouvernement à l’Assemblée nationale eût été simplement risible et affligeant s’il n’était pas surtout l’expression d’un déni de démocratie propre à écœurer nombre de citoyens, puisque le reniement se fait en leur nom.

Le refus de l’abrogation de la réforme des retraites, revendication archi-majoritaire dans le pays, la mise en route d’un budget de guerre dans tous les sens du terme par un président honni, un groupe parlementaire en déliquescence et un déni de démocratie ne feront qu’approfondir la crise.

Que les responsables du PS estiment qu’ils doivent tout faire pour sauver Macron, rejoints en cela par Fabien Roussel, mais heureusement pas par le groupe parlementaire PC, qu’ils décident de faire partie d’un attelage déjà à la dérive, est après tout leur droit le plus strict. Qu’ils utilisent les électeurs qui leur ont donné un mandat exactement inverse est une tout autre affaire.

Les dirigeants des grandes centrales syndicales, en particulier la CGT et FO, outrepassant déjà leur rôle de syndicalistes, ont il n’y a pas si longtemps affiché, avec la CFDT, leur espérance de « stabilité ».

Être sensible aux sirènes d’Olivier Faure ou de Fabien Roussel est en apparence parfaitement conforme à ce vœu de stabilité, mais totalement contradictoire avec leur revendication claire et nette d’abrogation de la réforme des retraites, réaffirmé maintes et maintes fois dans des congrès, des CCN et dans toutes leurs bases.

Accommodements, rectifications, inflexions, capitulation risquent fort d’être bien délicats à faire avaler. Certes on peut estimer qu’après tout l’« abandon » de la réforme signifie « abrogation ». Alors pourquoi ne pas dire abrogation ? Surtout lorsqu’il est question d’« abandon in fine », donc pas tout de suite. Après les présidentielles, disent-ils. Donc assurer la stabilité jusque-là ?

Olivier Faure et Fabien Roussel ont hurlé à la « victoire ». Plus prudent mais dans la même veine, le dernier communiqué de l’intersyndicale (20 octobre) salue « cette première avancée ».

La députée France insoumise Gabrielle Cathala a, comme beaucoup d’autres, démontré magistralement et en détail en quoi la « suspension » n’était pas autre chose qu’un tissu de balivernes et un marché de dupes qui n’a rien à voir avec l’abrogation de la réforme, mais n’a qu’un seul but : sauver Macron. En précisant que les pseudo-avancées exigeront en contrepartie l’acceptation de toutes les mesures archi-réactionnaires.

À propos d’un Communiqué des dirigeants des centrales syndicales

Contraint à une certaine clairvoyance, le communiqué des confédérations se sent obligé de préciser : « Des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs pourraient en bénéficier. » « Pourraient ». Ce qui s’apparente, même dans leur logique, à « lâcher la proie pour l’ombre ».

Il précise encore : « C’est à mettre à l’actif de la mobilisation des millions de Françaises et Français qui depuis 2023, par des voies multiples et sans jamais renoncer, ont exprimé leur rejet. » Absolument vrai ! Puisque tout absolument tout dans la sphère politique ou sociale est totalement impacté par le sentiment du rejet et de la mobilisation de la classe ouvrière et de la population laborieuse du pays. Au point que 70 % de la population se prononcent, sans même être en période d’élection présidentielle, pour le départ pur et simple du président Macron.

À ceci près que, dans ce cas, la tentative est manifeste de détourner l’exigence d’abrogation vers une fumisterie et une duperie de « suspension » ! Tout comme M. Macron qui avait tenté de détourner le rejet total des massacres à Gaza vers la reconnaissance d’un pseudo-État palestinien encadré par l’armée génocidaire d’Israël et flanqué de l’Autorité palestinienne, véritable supplétif de Netanyahou. Et ce, pour lui permettre de continuer à livrer des armes et soutenir les plans de M. Trump.

Les dirigeants des centrales syndicales seraient plus avisés de se conformer au mandat qu’elles ont reçu, et maintes fois réaffirmé, de leur propre troupe. Ce qui vaut aussi pour ceux de la CFDT, bien qu’ils se soient acoquinés avec Olivier Faure et qu’ils poussent dès que cela leur semble possible à la retraite par capitalisation (et à la retraite à points qui lui ouvrirait la voie) conforme aux exigences des patrons.

La mobilisation, sans jamais renoncer, des millions : c’est le cœur de la situation. Les manœuvres, les mensonges, les reniements d’Olivier Faure, Fabien Roussel, Raphaël Glucksmann… les feront-ils renoncer ?

Rien n’est moins probable face à un régime décomposé et en faillite. Les travailleurs et la population laborieuse ne sont pas des imbéciles. Ils sauront se regrouper avec tous ceux qui ne renient pas leurs engagements. La suite qui s’avance vers des chocs frontaux le démontrera.

Macron sur la réforme des retraites : « Ce n’est ni l’abrogation ni la suspension, c’est le décalage »

« Le Premier ministre a fait un choix, pour apaiser le débat actuel, qui a consisté à proposer le décalage d’une échéance – ce n’est ni l’abrogation ni la suspension, c’est le décalage d’une échéance », a insisté Emmanuel Macron, le 21 octobre, en déplacement en Slovénie, en mettant en exergue « la prochaine échéance, celle des 63 ans au 1er janvier 2027, que (M. Lecornu) a décalée au 1er janvier 2028 avec un financement par des économies ».
À bon entendeur…