Visite du pape à Marseille, abaya : la Libre Pensée s’exprime
Le 16 septembre, la Libre Pensée a organisé une conférence contre le financement public de la visite du pape à Marseille. Dans la salle du théâtre Toursky, Christian Eyschen, secrétaire général de la Libre Pensée, faisait le point sur l’actualité laïque. Extraits de son introduction à la discussion.
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Tout d’abord, quelle est la position de la Libre Pensée sur la question de sa définition de la laïcité ? Pour nous les choses sont assez simples. Il y a deux sphères : une sphère publique, une sphère privée. La sphère publique, c’est la sphère de l’administration, des institutions, de tous ceux qui représentent plus ou moins l’intérêt général. La sphère privée, c’est tout le reste. De bonnes âmes, lorsque l’on dit cela, compliquent le problème en disant qu’il y aurait une troisième sphère qui serait la sphère du collectif. Mais le collectif existe dans la sphère publique comme dans la sphère privée.
Sphère publique, sphère privée
Par exemple, une décision récente du Conseil d’Etat assez intéressante à propos de la laïcité dans le sport, dit que « tous les membres des équipes nationales qui représentent la France, ont une obligation de réserve et doivent respecter la laïcité comme le font les fonctionnaires » . Il n’y a qu’une seule conclusion à en tirer, une revendication à déposer : si les footballeurs professionnels de l’équipe de France sont des fonctionnaires, les fonctionnaires sont en droit de demander à être payés comme les footballeurs professionnels ! Sinon c’est une remise en cause du principe d’égalité ! Dans la sphère publique, on doit respecter une stricte neutralité et une stricte laïcité. En dehors de cette sphère des institutions et de l’administration, chacun doit être libre de pouvoir faire, de penser et d’exprimer ce qu’il veut. Donc, nous, nous ne commençons pas à dire qu’il faut limiter la liberté d’expression.
La séparation des Églises et de l’État, c’est l’État chez lui, l’Église chez elle : ce n’est pas l’État partout.
Vous prenez par exemple ce mélange des genres auquel on est en train d’assister. Vous avez le débat sur l’abaya dans les établissements scolaires. Vous avez la loi « séparatisme » du 24 août 2021. Normalement la séparation des Eglises et de l’Etat, comme l’a dit Victor Hugo, c’est l’Etat chez lui, l’Eglise chez elle. Ce n’est pas l’Etat partout. L’une des dispositions de la loi « séparatisme », c’est que ce sont les préfets, les sous-préfets, qui vont donner leur agrément aux associations cultuelles. Associations cultuelles qui sont en charge de gérer les rites religieux des différents cultes, récemment constituées ou celles constituées depuis 1905.
Il est donc prévu que l’administration contrôle toutes les associations cultuelles du pays. Ils vont contrôler l’association cultuelle qui gère Notre-Dame. Et le préfet de Paris dira si c’est cultuel, si c’est religieux ou pas. La première question qui se trouve posée est : quelle compétence a le préfet pour décider qu’une association est religieuse ou non ? A-t-il eu dans son cursus professionnel, l’option « théologie » ? Les grands principes démocratiques de la IIIe République, fondés par la loi de 1884 sur la liberté syndicale, par la loi de 1901 sur la liberté d’association et la loi de 1905 sur les associations cultuelles, laissent le choix à ceux qui créent ces associations de leur mode de fonctionnement, avec qui, selon quelles règles et quels statuts ils fonctionnent.
Le contrôle des cultes directement par l’état
Depuis la loi « séparatisme » du 24 août 2021, c’est le préfet qui vous dit ce que vous devez faire ou ne pas faire, ce qui est autorisé ou pas autorisé. Ce n’est plus la séparation des Eglise et de l’Etat, ce n’est même plus le concordat, qui est un accord entre les Eglises et l’Etat, c’est le contrôle des cultes directement par l’Etat. Avec une tendance, bien évidemment, à cibler un public particulier que sont les musulmans pour les forcer à se séculariser.
Cette conception, vous la voyez éclater aujourd’hui en plein jour avec le problème de l’abaya. Ce sont le ministre, le gouvernement et les directeurs d’établissements qui disent « ceci est un vêtement religieux, ceci n’est pas un vêtement religieux » . Inévitablement, on a vu les premiers effets : il y en a quelques-uns qui se trompent ! Tout le monde dit dans la sphère musulmane, des plus modérés aux plus radicaux, que ce n’est pas un vêtement religieux. Le gouvernement, lui, décide que c’est un vêtement religieux et décide d’en interdire le port. Comment voulez-vous que ce ne soit pas ressenti comme quelque chose de discriminatoire ? C’est donc un mélange des genres problématique, car c’est l’Etat qui décide de tout. Voilà ce qu’est la loi « séparatisme ».
Macron reconnaît, subventionne et salarie l’Église catholique
(…) Il y a des gens qui lisent trop vite et qui pensent trop peu. Notamment le maire de Marseille. Il explique qu’il faut financer deux trônes pontificaux avec l’argent public, parce que c’est un événement historique, quand le pape dit lui-même que ce n’est pas un voyage politique, pas un voyage diplomatique, pas un voyage d’Etat à Etat, mais que c’est un voyage religieux, cela pose plein de problèmes. (…) C’est un voyage religieux et c’est le pape qui le dit. A partir de ce moment-là, les gens qui protestent contre le fait que la Première ministre accueille et reçoive le pape, qu’Emmanuel Macron s’entretienne avec le pape, qu’il participe à la messe du pape, est tout à fait justifié. Il n’y a même pas l’habillage « c’est le chef d’Etat du Saint-Siège » . Il vient comme chef de la religion catholique. Or, c’est très clair, il y a eu une séparation en 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Là, Emmanuel Macron reconnaît, subventionne et salarie l’Eglise catholique ! C’est évidemment une violation de la laïcité. Il y a là une provocation éhontée, digne du personnage de Macron, de faire cela quinze jours après le cirque sur l’abaya. (…)